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la lanterne de diogène
10 août 2006

DOPAGE

Ça devient une habitude depuis quelques années, une fois le Tour de France achevé, on découvre que des coureurs bien classés se sont dopés pour y parvenir. Quelle surprise !

Depuis huit ans, c’est un cycliste étatsunien qui remporte l’épreuve et à chaque fois, avec plus que des soupçons de dopage. Cela amène deux « questionnements » comme on dit maintenant. Eh oui, moi aussi, je peux parler comme ça. C’est pas tellement compliqué et ça en met plein la vue.

D’abord, le dopage dans le sport et le cyclisme particulièrement a toujours existé. On rapporte souvent le témoignage des frères Pélissier qui avaient montré à Albert Londres, je crois, les fioles des produits destinés à leur permettre d’avaler les grands cols. Il n’y a pas de miracle. Un être humain ne peut pas grimper à l’assaut de plusieurs sommets avec de tels dénivelés, plusieurs jours de suite, sans avoir recours à des aides chimiques agissant sur l’organisme et le métabolisme. Rappelons à ce sujet que la classification des cols n’en indique nullement la difficulté. Il s’agit tout simplement de l’importance dans le classement du meilleur grimpeur. Les plus difficiles sont hors-catégorie. La côte d’Etampes est de niveau 3… presque autant que certains cols alpins.

Alors, il ne s’agit pas de partir en guerre contre la performance mais bien de la relativiser. A quoi sert-elle si cela nuit au sportif ? c’est d’autant plus nuisible que tous les spectateurs massés sur le bords des routes regrettent la vitesse des coureurs qui ne leur permet même pas d’apercevoir leur favori. Donc, là encore, le pseudo goût du public à bon dos.

Pourtant, le public n’est pas exempt de critiques en la matière. Je peux témoigner qu’un coureur comme Virenque n’a jamais été aussi populaire qu’après avoir été accusé puis reconnu coupable de dopage. Il semble que le public du cyclisme est le plus anti-sportif qui soit. On l’a vu insulter des coureurs méritants et intègres comme Bernaudeau ou Blanc et applaudir des coureurs faisant ostensiblement de l’anti-jeu comme Hinault ou Virenque, chacun à sa façon. La foule attendant Virenque à sa descente d’avion et scandant son nom n’a vraiment pas participé à l’élévation de l’humanité. Elle en a vu d’autres ; je sais.

Les journalistes font systématiquement preuve d’une belle hypocrisie. Je me rappelle les hurlements des commentateurs saluant les performances des athlètes de l’Est. Or, après la chute du communisme, les mêmes (la longévité de ces spécialistes est remarquable) pouvaient dire des commentaires du genre : le précédent record appartenait à W., mais cela n’est pas significatif. On sait que les athlètes des Pays de l’Est ne buvaient pas que de l’eau. Je cite de mémoire. Puisqu’ils le savaient, comment pouvaient-ils s’enthousiasmer ?

Les cadres du Tour de France, à présent. Chaque année, l’émission « le Téléphone Sonne » organise au moins deux débats sur le Tour. Chaque fois, au moins un auditeur téléphonait pour se plaindre de « l’hypocrisie » relative aux performances de Lance Armstrong. Or, chaque fois, on lui répondait que c’était un grand champion et qu’il avait vaincu la maladie. Personne ne songerait à critiquer ce dernier point. Tout le monde doit se réjouir de sa guérison. J’ajoute, qu’en remportant le Tour, même avec une prescription médicale qui l’autorise à absorber des substances interdites pour les autres, il force l’admiration et le respect. Maintenant, quand pour des raisons purement commerciales, il se disait qu’il pouvait réitérer six fois de plus, on est bien dans la supercherie et le scandale. Sa première victoire était un exploit, les six autres une tricherie absolue. Les journalistes le savaient et aucune réserve de leur part n’a été formulée. Dans d’autres domaines, comme la politique, ils savent bien comment s’y prendre pour anéantir une personnalité : qu’on ne nous fasse pas le coup de l’objectivité.

Les coureurs. Ils savent. Ils sont complices. Dans les années 1960, ils ont fait grève –Anquetil, Pingeon, Poulidor en tête –pour protester contre les contrôles inopinés. Celui qui n’a rien à se reprocher ne craint pas les contrôles.

Enfin, j’observe que Zidane met un terme à sa carrière à 34 ans seulement. D’autres joueurs de classe égale terminent généralement vers les 38 ans après avoir renoncé aux sélections deux ou trois ans avant. A-t-on oublié qu’au début de sa carrière internationale, notre Zizou préféré avait utilisé de la créatine ? Ne connaissant pas, comme la plupart des spécialistes également, tous les effets de ce produit, je me contente de mettre les deux informations en perspective. Il me paraît curieux qu’un joueur de cette classe joue une saison entière en dessous de ses moyens et se sente les jambes lourdes.

Deuxième problème posé par le cas Landis : sa nationalité étatsunienne et la réaction là-bas. Ainsi que je l’ai mentionné dans l’article « comprendre les Etats-Unis », le mot « liberté » recouvre un sens tout à fait concret de l’autre côté de l’Atlantique : c’est la possibilité pour chacun de parvenir à ses fins afin de réussir sa vie sans limitation quant aux moyens utilisés dans la conformité à l’esprit de la loi admise par le groupe.

A partir du moment où un sportif de haut niveau se lance dans une compétition, c’est pour l’emporter. L’important n’a jamais été de participer mais bien de gagner. Dans ces conditions, il n’existe aucune raison, aucun principe pour ne pas recourir à une aide chimique ; d’autant plus que chacun peut en faire autant.

Les propos injurieux prononcés par L.Armstrong au mois de juillet et l’attitude de Landis reflètent encore une fois l’incompréhension qui règne sur les deux bords de l’Atlantique. En fait, les contrôles opérés en Europe sont perçus comme une de ces réglementations typiquement européennes qui entravent la liberté, dans le sport comme ailleurs. C’est perçu comme une nouvelle et vaine tentative d’empêcher l’ « Amérique » d’occuper la place qui lui revient naturellement.

Alors, pourquoi m’étendre sur un sujet finalement peu important ? La réponse est que, là encore, ce que nous observons autour d’un sport populaire et commercial se retrouve dans d’autres domaines autrement plus graves. L’hypocrisie journalistique est constatable chaque jour. L’affaire Mazarine en est l’emblème. Quel journaliste parisien de la presse audiovisuelle ignorait la double vie de Mitterrand ? pourtant, tous ont feint l’étonnement au moment de la révélation au grand public.

Le corps médical qui s’emmêle dans des explications tordues autour du dopage et des urines de Floyd Landis n’ignore pas que depuis peu d’années, le corps humain peut produire lui-même les substances dopantes dont il a besoin pour une performance. Je pense que c’est pour cela que le coureur répond avec un bel aplomb qu’il produit naturellement plus de testostérone que la normale. Je renvoie à l’article publié dans la revue de vulgarisation scientifique Science et Avenir n° 666 d’août 2002. L’auteur avait été invité dans le journal de 13 heures de France-Inter. Pas un journaliste de la station ne l’a évoqué.

Quant aux relations entre l’Europe et les Etats-Unis,  dans ce domaine comme dans tous les autres, à partir du moment où il est question de compétition et, cela va sans dire, d’argent, elles illustrent deux points de vue inconciliables entre ce qu’on appelle « liberté » là-bas et le droit ici. Le conflit n’est pas près d’être tranché.

On le voit bien, la mondialisation qu’on appelle globalisation en anglais s’insinue dans tous les domaines et il convient de ne rien prendre à la légère mais, au contraire d’en tirer une leçon pour le reste. C’est un peu pour ça que j’ai voulu reprendre la Lanterne de Diogène.

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