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la lanterne de diogène
26 octobre 2006

vrai et faux enjeu du transilien

C’est marrant mais le train est, peut-être, le sujet qui me passionne le plus et je n’en parle quasiment jamais ici. Lorsque je l’aborde, c’est sous l’angle des droits de l’homme, comme pour la ligne qui arrive dans la capitale tibétaine et qui va achever la disparition de la culture et finalement de l’ethnie tibétaine. Cette fois, c’est sous l’angle économique. Rappel des faits.

D’abord, il faut remarquer qu’il a fallu attendre vingt-quatre heures pour entendre les premières réactions après le choix de la SNCF de faire appel à Bombardier pour renouveler les rames de la banlieue parisienne, plutôt que son fournisseur habituel, Alstom.

Depuis, on assiste à une véritable  surenchère dans les lamentations et les incompréhensions.

En fait, il faut dépasser l’apparence diplomatico-économique et considérer, tout simplement, les caractéristiques des matériels en compétition. Il semblerait, que les rames canadiennes soient plus adaptées aux besoins des voyageurs de demain. Cependant, il faut prendre en considération le conflit latent entre la SNCF et Alstom depuis plusieurs années. Tout a véritablement commencé avec la livraison des nouvelles rames Alstom pour les ter. tarasqueLa mise en service a été catastrophique et a entraîné, de nombreux retards dus à l’immobilisation des trains sur des voies souvent uniques. Cela a contribué fortement à la dégradation de l’image des omnibus régionaux et, par conséquent de la SNCF. Les cheminots du sud de la France avaient même surnommé « la tarasque »ces nouveaux automoteurs ; c’est dire. En revanche, le matériel dit AGC (autorail à grande capacité) construit par Bombardier n’a pas posé de problème et depuis sillonne les régions. La SNCF a donc voulu marquer de façon spectaculaire son mécontentement.

AGC

En effet, il est loin le temps de la coopération étroite entre SNCF et Alsthom, au point qu’il y avait parfois confusion des genres. Le paroxysme a été atteint lorsque, pour aider le groupe CGE, auquel appartenait Alsthom et qui battait de l’aile, le pouvoir giscardien a décidé de confier la construction du TGV, sorti des bureaux d’études de la SNCF. TGVEn clair, la coûteuse recherche et développement a été financée par le contribuable et les bénéfices ont été engrangés par la CGE et par le britannique GEC associé à Alsthom car le groupe français ne pouvait pas faire face tout seul à ce marché d’un nouveau type.

Et puis, il faut bien dire, Alstom avait cru être le fournisseur officiel de la SNCF, celle-ci ayant pour vocation de maintenir la trésorerie du constructeur français. Du coup, il faisait moins d’effort, tenant pour acquise la certitude de remporter les marchés avec le service public. Cela explique, en grande partie, les imperfections de « la tarasque ».

Deuxième aspect du problème à présent. Depuis quelques années, Alstom connaît des difficultés, dues notamment à des erreurs stratégiques, malgré un carnet de commandes bien rempli et du matériel de grande qualité. On sait que cela ne suffit pas ; que l’on regarde ce qui arrive à General Motors dans l’automobile. Or, le pouvoir chiraquien essaye de favoriser le rapprochement entre Alstom et son homologue allemand Siemens, pourtant loin derrière Alstom au niveau mondial. Siemens voudrait aussi conforter sa position au niveau mondial. Il passerait alors à la deuxième place. Siemens est en bonne santé et c’est un groupe privé, ce qui plait beaucoup par les temps qui courent. De plus, Siemens est allemand, ce qui renforcerait l’alliance entre les deux pays, un peu sur le modèle Airbus. Ce coup porté à Alstom pourrait servir de prétexte pour accélérer le rapprochement. Le Français, vient de subir un échec relatif couplé à un succès sur le marché chinois mais garde une capacité industrielle de tout premier plan. Il vient de remporter une commande de trains régionaux en Allemagne. Néanmoins, en terme d’image, Alstom subit un revers qui devrait le rendre moins cher pour un acquéreur sans perdre pour autant son potentiel industriel et sa main d’œuvre qualifiée et performante. Tout semble donc réuni pour faciliter le rapprochement entre Alstom et Siemens.

Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. Aujourd’hui, Bombardier se trouve en position de numéro 1 mondial. Cela résulte de l’abandon au canadien de la branche ferroviaire de Daimler. Le groupe AD-tranz était lui même le résultat de la fusion entre le groupe Daimler (regroupant de nombreux fabricants allemands plus connus comme AEG, Westinghouse, MBB, puis Schindler) et le groupe helvéto-suédois ABB. Cette fusion lui a permis d’occuper longtemps la première place mondiale devant Alstom. Alstom a connu bien des restructurations de capital et de sites industriels. A l’origine, Alsthom est le regroupement de la Société Alsacienne de Construction Mécanique et de Thomson-Houston. Petit à petit, le groupe a absorbé tous les constructeurs ferroviaires français (Jeumont-Schneider, Brissoneau et Lotz, Francorail, CIMT, Cie Electro-Mécanique, Creusot-Loire, Franco-Belge, etc.). Il s’est donc allié à GEC pour construire le TGV avant le retrait du britannique de la construction ferroviaire. Le nouveau groupe Alstom (sans h), issu de la séparation d’Alcatel-Alsthom (ex CGE), a acquis FIAT qui a développé avec un succès impressionnant et international la technologie pendulaire que la SNCF a toujours refusée. Pendant ce temps, le groupe canadien Bombardier n’est pas resté inactif et a acquis de nombreux constructeurs en Amérique (comme Budd et Pulmann) et en Europe, notamment la Brugeoise et Nivelles (BN) et les Ateliers du Nord de la France (ANF) à Valenciennes devenant le numéro 3 mondial. A l’occasion du désengagement de Daimler (occupé à digérer Chrysler et empêtré dans EADS) de la construction ferroviaire, Bombardier a acquis AD-tranz et s’est installé, durablement à la première place. Signe de cette promotion, Bombardier vient de s’installer à Berlin dans un superbe bâtiment de brique rouge qui abritait autrefois les Chemins de fer Royaux de la Prusse. Or, cette banale péripétie dans la course au gigantisme mondial a des conséquences importantes sur toute l’organisation du marché ferroviaire et sur le jeu des alliances entre les constructeurs.

En effet, jusqu’à présent, Bombardier était traditionnellement allié à Alsthom. Le français, très en pointe en matière d’innovation remportait des marchés et les usines Bombardier construisaient les trains. Le meilleur exemple étant, peut-être le métro de Montréal conçu par les Français (c’est le même que le métro sur pneu de Paris) mais construit par Bombardier. Il en est de même pour le métro de Mexico livré vingt ans plus tard. Bombardier devait construire en Amérique, pour le marché étatsunien, un dérivé du TGV avec la technologie pendulaire qui manquait à Alsthom. Des essais de rames pendulaires Bombardier ont aussi été effectuées en France. De son côté, Siemens était sur le point d’adapter la technologie pendulaire FIAT sur les ICE (rames à grande vitesse allemandes), ce qui n’est plus possible depuis. D’une manière générale, il est courant de voir des usines fabriquer le matériel de ses concurrents ou agir en tant que simple exécutant bénéficiant, éventuellement, plus tard, de transferts de technologie. C’est ce qui se passera avec le TGV en Corée. Pendant ce temps, tranquillement, Siemens qui a formé son groupe à partir du constructeur bavarois Krauss-Maffei  a poursuivi son expansion en acquérant Matra (et sa technologie VAL) et paraît en mesure d’avaler le géant Alstom.

transilienIl n’est donc peut-être pas nécessaire de donner au marché des trains de la banlieue parisienne plus d’importance. Quiconque connaît les pratiques dans ce domaine ne peut être surpris et y voit davantage un avertissement de la SNCF mécontente de son ancien fournisseur attitré.

NB. Les noms des marques citées correspondent exclusivement aux branches de construction ferroviaire. Il est évident que ce n’est pas Alstom qui construit les voitures FIAT et encore moins les Ferrari et que Bombardier ne construit ni les Mercedes, ni les Airbus. Bombardier ayant, par ailleurs, un département aéronautique important.

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