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la lanterne de diogène
11 novembre 2007

N'importe quoi

Ainsi, une pétition circule pour demander la reconstruction du palais des Tuileries.

Incendié par les communards, c’était le siège du pouvoir impérial qui venait de subir une défaite cuisante face aux Prussiens qui récemment réunis. Imposant leur loi à des politicards réfugiés à Versailles, ancien siège de la royauté et qui s’accrochaient à leur place, leur trahison avait conduit à l’insurrection populaire des Parisiens qui refusaient ce qu’en d’autres temps on qualifierait de « collaboration ». On sait que Thiers, présent dans tous les coups politiques depuis des décennies a réprimé le soulèvement populaire au cours de « la semaine sanglante ».

Bien sûr, avec le recul, on ne peut que regretter l’exécution des « otages », c'est-à-dire des prêtres faits prisonniers pour peser sur les « Versaillais » et la destruction du palais des Tuileries qui prolongeait le vieux château royal du Louvres. Néanmoins, ce qui est fait est fait et la destruction marque une page de l’histoire. Sa reconstruction paraît proprement insensée. A l’heure où tant de gens sont mal logés et même pas logés du tout, il est particulièrement insultant de simplement exprimer le vœu d’une reconstruction d’un palais qui n’a plus d’utilité. Le pouvoir exécutif s’est depuis longtemps trouvé un autre siège, l’Elysée. Quant au témoignage du passé, cela ne manque pas trop. Ce n’est pas parce que les Allemands sont en train de reconstruire dans le centre de leur capitale le château des Hohenzollern en lieu et place du Palais de la République, tout à la fois parlement, auditorium et centre commercial de la RDA que nous devons en faire autant. Il n’y aurait pas lieu d’en parler si cette pétition ne réunissait des signatures prestigieuses de personnalités connues pour leur intelligence. Que Maurice Druon signe, passe encore. On se souvient de son passage aux Affaires Culturelles. Mais que l’écrivain de sensibilité de gauche Erik Orsenna s’y joigne a de quoi laisser pantois.

Dans un vieux pays comme la France, où chaque patelin possède une église, une maison forte, un château, une halle voire un simple lavoir, et que ces bâtiments sont le plus souvent en mauvais état faute de crédit pour les entretenir, il y a de toute évidence d’autres priorités.

Pourtant, on doit s’interroger. A l’occasion des Journées du Patrimoine, j’ai pu visiter le Château d’If en pleine restauration. L’équipe de compagnons montrait, photos à l’appui comment les latrines avaient été refaites en pierre de taille. J’avais alors contesté ce choix auprès de celui qui me vantait le travail. On agit comme si la pierre abondait et qu’on ne savait pas quoi faire des crédits. La réponse a été : « oui mais c’était dangereux, les gens risquaient de tomber à la mer ». Dans ce cas, une simple barrière suffisait car je doute de l’importance de ces latrines au titre de témoin du passé. D’autant que ces édicules ne servent plus de latrines donc n’ont aucune raison d’exister. Près de chez moi, l’escalier d’accès au clocher d’une église a été entièrement refait en pierre. Là encore, on peut s’interroger sur ce choix pour un escalier qui ne sert pas. Il suffisait de refaire les marches dangereuses en maçonnerie. Dans mon village, l’architecte des monuments historiques a imposé la réouverture dans l’église d’une porte condamnée depuis près de deux siècles tandis que des trumeaux de fenêtres sont détruits et maintenus de briques et de broques. En fait, ces exemples montrent le poids des réflexes des administrations chargées des monuments historiques. Les réponses essentiellement administratives ne tiennent aucun compte des réalités ni des besoins. Personne ne réclamait l’ouverture de cette porte tout à fait inutile, personne n’avait besoin d’un escalier de pierre pour monter dans un endroit où personne ne va jamais, personne n’avait besoin de toilettes en plein air avec évacuation directe dans la mer ; seulement le fait d’un chef de service montrant son autorité par la constitution d’un dossier onéreux. Ce comportement a pour conséquence de fermer la porte aux doléances des citoyens inquiets du délabrement ou de la dangerosité de leur patrimoine local que leurs ancêtres ont construit d’une façon ou d’une autre.

 

Ce qui est inquiétant dans l’affaire des Tuileries, c’est qu’en raison de l’appui de personnalités, le dossier risque d’être examiné, c'est-à-dire que pendant l’étude du dossier, les autres demandes seront suspendues. Ce qui est proprement stupéfiant, c’est de voir que des fonds privés ont été réunis pour ce projet aussi pharaonique qu’imbécile. On peut douter que ces mêmes donateurs aient montré la même générosité pour construire des logements pour les mal logés fussent-ils salariés, fussent-ils leurs propres salariés. Comme le disait l’Abbé Pierre, un maire n’hésitera jamais entre refaire le toit de l’opéra municipal ou réhabiliter des appartements du parc d’HLM. On préférera le prestige d’un monument qui sert peu et à peu de monde que le logement à peu près décent pour des familles et des individus démunis.

Quant aux nostalgiques du second empire, on aurait pu croire que la réédification de la colonne de la place Vendôme en haut de laquelle se tient un Napoléon 1er en toge leur aurait suffi. La reconstruction de la colonne de bronze a été financée par une lourde amende infligée au peintre Gustave Courbet pour le punir de son engagement aux côtés des Communards. Il n’est pas question de remettre en cause l’œuvre injustement oubliée de Louis-Napoléon devenu Napoléon III. Le désastre de Sedan la condamne irrémédiablement. Ce n’est sûrement la reconstruction du palais des Tuileries qui la réhabilitera. D’autant que cela priverait la capitale d’un grand parc en plein centre et le long de la Seine. Le plus étonnant est que des esprits aient pu envisager ce projet puéril et ridicule et que d’autres l’appuient. Comme le dit la sagesse populaire : un sot trouve toujours plus sot pour l’admirer.

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