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la lanterne de diogène
30 mars 2008

la guerre

 

 

On l’a parfois appelée « lutte des classes » à une époque où les conflits armés ensanglantaient régulièrement l’Europe. Mais, pendant que les champs de bataille décimaient la jeunesse, une autre guerre était déjà en préparation, loin des champs de bataille, quasiment à domicile.

 

 

 

Cette guerre, c’est celle que livre le capitalisme contre les masses. Elle n’était sans doute pas consciente à son origine, c'est-à-dire au début de la révolution industrielle. La bourgeoisie venait, d’une manière ou d’une autre de prendre le pouvoir dans toute l’Europe. En France, c’est par

la Révolution

qu’elle y est parvenue. En d’autres lieux, c’est en collaborant étroitement avec la noblesse ; étroitement à la manière du boa qui étreint sa proie avant de l’avaler. Pour faire fonctionner les industries, il fallait de la main-d’œuvre. L’attrait de la vie citadine a vidé les campagnes nourricières et fourni la force qu’il fallait pour faire fonctionner les nouvelles machines et les entretenir. Les enfants nettoyaient là où les membres adultes ne pouvaient accéder. Ce n’était pas malice de la part de la bourgeoisie industrielle, juste le mépris pour les classes inférieures, mais tout était déjà en place pour le plus long conflit mondial jamais observé. La pénibilité, la disette, les accidents du travail, la mortalité précoce portaient le ferment de la révolte. Dès lors, la guerre était ouverte. Le capitalisme commençait d’engranger les bénéfices et n’entendait pas les partager avec ces gueux qu’on avait le sentiment d’entretenir et qui osaient encore se plaindre. De nombreux intellectuels se sont penchés sur la lutte des classes pour ne pas y revenir en détail.

 

 

 

En revanche, depuis une trentaine d’années, on s’ingénie à annoncer la fin de la lutte des classes. Le communisme sous toutes ces formes (URSS, partis communistes, syndicats radicaux, intellectuels de gauche) s’effondre, s’est effondré. Faute de combattants, le combat cessa. Voire. Le fait qu’un camp ne soit plus organisé a donné l’illusion qu’il n’y avait plus de guerre. En réalité, les belligérants se sont atomisés. La crise de l’énergie suivant la guerre du Yom Kipour de

1973 a

accéléré la mutation. A la faveur de restrictions de pétrole, le capital a pu licencier sans vergogne et en toute bonne conscience. Même pas besoin de se justifier, la presse prend le relais à chaque fois pour expliquer qu’on ne peut faire autrement. Le résultat c’est que la peur habite depuis près de quarante ans les masses et plus particulièrement les classes moyennes dont les revendications avaient dopé la croissance pendant ce qu’on appelle avec une belle hypocrisie « les trente glorieuses ». Le chômage ne cesse de s’étendre. Il induit non seulement la perte des revenus mais aussi la perte de logement, de soins, de vie sociale, de vie culturelle, de vie affective. Le chômage, ce n’est pas seulement le non emploi, c’est aussi l’emploi qui ne nourrit pas son homme ou qui coûte plus cher au salarié qu’il ne lui rapporte. On pourrait croire que c’est assez, que les conséquences sont suffisamment dissuasives, que les systèmes éducatifs, en Occident et ailleurs, ont bien fait passer le message qu’il n’y avait pas de meilleur système que l’économie libéraliste. Pour le capital, il ne suffit pas d’avoir vaincu son antagoniste caricatural et criminel (pourquoi ne pas le dire aussi ?), il lui faut maintenir les masses courbées et soumises.

 

 

 

Des exemples ? Des preuves ?

 

Comment justifier que les salaires aient aussi peu augmenté ces deux dernières décennies ? Comment expliquer que le pays où le système social est un des mieux organisé,

la France

, voit un Etat qui entretient l’idée selon laquelle

la Sécurité

Sociale

la France

est en faillite, qu’elle est endettée, que les caisses sont vides, qu’on n’en peut plus, que le fonctionnement de l’Etat coûte trop cher, sinon pour justifier que l’on maintiendra les masses dans l’incertitude, dans la peur ? Quand on supprime les services publics dans les quartiers, dans les villages et les petites villes, qui est touché ? Quand on ferme un hôpital de proximité, une maternité, qui sera la victime parce que l’éloignement d’avec le centre de soins n’aura pas permis de soigner ou d’accoucher à temps ? Quand on veut allonger à quarante et une années la durée de cotisation avant de faire valoir ses droits à la retraite, qui veut-on voir plier ? cette mesure rapporterait 2 milliards d’euros à rapprocher avec les 15 milliards du paquet fiscal ; une paille. Quand, en Allemagne –où la prostitution est considérée comme un métier comme un autre –on ne peut pas refuser deux fois un poste proposé par les services de l’emploi et qu’on propose à une femme un travail du sexe (putain, escorte, stripteaseuse, masseuse etc.), qui veut-on humilier ?
est déficitaire quand c’est l’Etat lui-même qui exonère les entreprises de leurs obligations de cotisation et qui ne reverse pas sa propre quote-part ? Pourquoi répète-t-on à l’envi que

 

 

 

Il n’est jusqu’au « politiquement correct » qui, parce qu’il nie les métiers, les situations pour proposer des euphémismes soi-disant pour ne pas blesser, nie l’exploitation, la pénibilité. Les ouvriers n’existent plus et forment ce qu’on appelle aujourd’hui les « agents de production ». Si la classe ouvrière n’existe plus, la lutte des classes non plus : CQFD. Donc, toutes les revendications des « agents de production » deviennent hors propos, inacceptables. Pour mieux disqualifier ces revendications, la meilleure façon consiste à les tourner en ridicule, à les rendre ringardes. Les nombreuses émissions humoristiques diffusées par la télé ont fait le ménage, par exemple en présentant Henri Krasucki (ancien secrétaire général de la cgt) comme un responsable à l’élocution difficile tout juste capable de dire « la grève ! ». Le résultat est le discrédit porté sur toutes les luttes sociales. Qui en est victime, lorsque l’on n’ose même plus dire que ça va mal ou qu’on est mal payé ou qu’on n’arrive pas à vivre de son travail ? La jeunesse a parfaitement retenu la leçon en s’éloignant de la politique qui ferait réfléchir sur l’équilibre du monde et n’aspire qu’à gagner de l’argent pour se payer des « marques ».

 

 

 

La « lutte des classes », la guerre n’est pas terminée. Ce qui a changé c’est que le conflit ouvert a cédé la place à un conflit sournois où la loi du plus fort impose aux vaincus désorganisés de demeurer courbés.

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