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la lanterne de diogène
8 mai 2008

faux-chômeurs vrai chômage

    Or donc, la dernière trouvaille pour faire baisser le chômage –ou plutôt le nombre de chômeurs –, c’est la chasse au faux chômeur. Il se trouve toujours assez de crédules pour ne pas dire de crétins pour se figurer que cette chimère existe en nombre et prolifère. En plus, c’est intellectuellement très confortable quand on peut désigner un coupable. Déjà, en son temps, le « meilleur économiste de France », autrement dit le gros Barre en avait fait l’instrument de sa politique. En la matière, il n’en était pas à une bourde près. En effet, n’avait-il pas proclamé que « les chômeurs n’ont qu’à créer leurs entreprises » (mais oui, il a osé dire ça !), qu’il « ne fallait pas confondre les chômeurs et les demandeurs d’emploi », puis que le chômage baisserait mécaniquement, du fait de la démographie, à partir de 1984 et qu’il faudrait juste patienter jusque là. Les mauvaises recettes ont toujours du succès et le gouvernement Fillon aux abois les reprend sans scrupule. C’est plus facile que d’établir les conditions favorables à l’embauche. Faire la chasse à ces satanés faux chômeurs et obliger les vrais à accepter à peu près n’importe quoi voilà qui devrait rassurer tous les braves gens outrés que l’on puisse profiter de ce qui reste de la protection sociale. Qu’on les rassure, d’ailleurs, parce que les fraudeurs connaissent suffisamment le système pour passer entre les mailles du filet. Ceux-là ne seront pas inquiétés. Seuls le seront ceux qui éprouvent de vraies difficultés, les blessés de la vie.

 

 

    Votre serviteur a longtemps été de ceux-là et sait parfaitement de quoi il retourne. La suppression de toute aide ne m’aurait pas fait trouver un emploi qui n’existait pas. C’est à croire que la suppression de l’aide sociale ferait surgir des emplois comme dans un tour de passe-passe où les lapins sortent des chapeaux. En reprenant Camus, je dirais : « nous sommes quelques uns à ne pas supporter qu’on parle de la misère autrement qu’en connaissance de cause ». Or, les commentateurs qui critiquent (un peu) la politique du gouvernement, posent mal la question. Ils demandent notamment si le qualificatif de « raisonnable » s’appliquera à un CDI ou un CDD. En fait, quand on décroche l’un ou l’autre contrat, ce n’est déjà pas si mal. Le problème c’est que l’ANPE proposera aussi des « contrats d’avenir », autrement dit 20 h payées plus ou moins le SMIC par une administration ou une association.

 

 

 Pourra-t-on refuser un tel boulot en mettant en avant que la distance rend les frais de transports plus importants que la rémunération ? Et encore, toutes les distances ne se valent pas. On ne peut comparer un tel « contrat » situé à

100 km

mais bien desservi par les trains, les cars ou une route de type « nationale » avec le même situé à

25 km

dans un lieu isolé et desservi par des petites routes. Dans ce dernier cas, outre les déplacements qui seront peu ou prou équivalents, cela voudra dire qu’on ne pourra pas effectuer de démarches sur place ou en passant et qu’il faudra ressortir pour les courses. Les frais et la fatigue s’accumulent. Ces 20 h sont loin d’être de tout repos. Souvent, ces « contractuels d’avenir » devront justifier de qualifications sans commune mesure avec le salaire, les horaires ne seront pas nécessairement adaptés. Selon l’association, il faudra peut-être travailler le dimanche. S’il s’agit d’un hôpital ou de certaines associations, on fera comprendre que l’on ne peut pas s’en aller avant que le travail soit fini. Parfois, l’employé en question devra gérer une caisse. Là encore, la responsabilité sera sans commune mesure avec la paie. De plus, à l’issue du « contrat », on s’apercevra vite qu’un autre employeur n’aura que mépris pour une expérience qui n’est « pas vraiment un emploi ». Et pourtant, on ne peut pas le refuser car on sera radié vite fait ou au moins suspendu.

 

    Curieusement, les syndicats et les associations qui aident vraiment les chômeurs ne bronchent pas tellement contre ça. En revanche, toutes revendiquent la réintégration des demandeurs d’emploi qui ne se sont pas rendu à une convocation de l’ANPE. C’est un comble parce que, par définition, un chômeur n’a pas grand-chose d’autre à faire que de se rendre à ces rendez-vous. Et puis, on peut toujours téléphoner pour déplacer l’entretien.

 

 

 

 Certains chômeurs éprouvent d’énormes difficultés à retrouver du travail. On peut citer le manque d’offres en général, on peut ajouter l’âge. Aujourd’hui, dès quarante ans, un employeur sera réticent à embaucher quelqu’un qui ne restera qu’une vingtaine d’années dans son entreprise. C’est que l’on croit encore que l’on reste au XXIème  s. toute sa vie dans la même boite.

 

    L’autre mauvaise façon de poser la question du chômage consiste à invoquer le manque de formation. En fait de mauvaise façon on devrait dire mauvaise foi. Il faut comprendre que les patrons voudraient que l’école apprenne un métier aux jeunes et qu’ils soient opérationnels dès le jour de l’embauche. Ce n’est pas pour cela qu’existe l’éducation de masse ; faut-il le rappeler ?

 

    Aujourd’hui, on nous rebat les oreilles avec ces jeunes qui sortent sans diplôme. Combien sont-ils ? 14 % ? cela veut dire que 86 % sont diplômés ! On nous dit aussi que près de 80 % d’une tranche d’âge décroche le bac (même s’il y a beaucoup à dire sur les conditions d’obtention). Il serait intéressant de voir lesquels trouvent du boulot le plus facilement. Pas sûr que ce soient ces derniers. Les autres sont corvéables à merci et ne se plaindront pas, trop heureux d’avoir trouvé à s’embaucher et, pour le travail qu’on leur proposera, ils apprendront vite. C’est aussi un aspect de la question de la formation. Quelqu’un avec une formation générale, même bac + 4 ou 5 aura plus de mal que quelqu’un qui apprend quelque chose de bien particulier, qu’il soit titulaire d’un diplôme d’ingénieur ou d’un CAP.

 

 

 On le voit, il faut se garder de toute solution simpliste et considérer que chaque cas est, pour ainsi dire, particulier. Une chose est sûre : ce n’est pas en faisant travailler plus longtemps ceux qui ont un emploi que cela va donner du boulot à ceux qui n’en ont pas. Ça se saurait. En revanche, on tient là un bon moyen pour faire plier encore un peu plus les salariés (considérés comme des privilégiés par les libéralistes dans la mesure où leur salaire est fixe et tombe à la fin du mois

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2006/05/17/1972300.html).

 

 

 La fin des 35 heurs, 41 années de cotisation aux caisses de retraite, le non remboursement des médicaments et le forfait d’un euro (ou 18 € selon les cas) et maintenant la chasse aux soi disant faux chômeurs sont autant de moyens de faire courber les travailleurs http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2008/03/30/8532696.html . La peur éprouvée à l’idée de se trouver dans l’une ou l’autre de ces situations s’apparente à du harcèlement. Ne nous y trompons pas.

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