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la lanterne de diogène
11 mai 2008

Célébrer l'abolition de l'esclavage ?

Célébrer, fêter l’abolition de l’esclavage semble une bonne idée. Elle accrédite le sentiment que les temps où des humains étaient réduits à la servitude sont désormais révolus.

Il ne s’agit pas, par cette introduction de faire sournoisement allusion aux situations actuelles d’esclavage. On sait que cette pratique demeure dans certains pays, que dans d’autres elle est tellement ancrée dans les mentalités que ni les ilotes ni les maîtres n’imaginent qu’il pourrait en être autrement. On sait aussi que certains enfants vivent l’esclavage, y compris sous nos latitudes, tandis que leurs parents pensent qu’ils ont été confiés à des personnes, souvent de la famille, pour se charger de leur éducation ou de leurs études supérieures. On sait également à l’occasion de la révélation d’affaires sordides, que la pratique existe ici ou là. Enfin, la traite des personnes existe. Généralement il s’agit d’enfants forcés à mendier ou à voler en sachant qu’ils n’iront pas en prison du fait de leur minorité ou de prostitution.

Il ne s’agit pas non plus d’évoquer ici le néo-colonialisme. L’exploitation du Tiers-monde par les Etats puissants et par les grandes entreprises transnationales. Tout ou presque a été dit.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2007/02/05/3907736.html

En revanche, après avoir entendu la chronique du journaliste Ziad Limam sur France-Inter, on peut tenter un autre angle. Le chroniqueur tunisien faisait remarquer qu’une fois encore, aucun film africain ne sera présenté au Festival de Cannes 2008 quelques jours après la célébration de l’abolition de l’esclavage. A peine entamé son propos que l’animatrice l’a coupé pour faire observer que nombre de films franco-algérien, tunisien seront montrés et, pour faire bonne mesure, elle diffuse les propos de Youssef Chaïne récompensé en son temps. On remarquera que tous ces gens sont blancs ; arabes pour être plus précis. Rébecca Manzoni défend l’absence d’Africains par le refus de quotas dans ce genre de manifestation. Rien que de très louable, en sorte. Quant aux autres journalistes sur le plateau, ils ont souligné l’absence de maturité du cinéma africain. Ziad Limam a eu toutes les peines du monde à poursuivre son propos et a tout de même fait remarquer que c’est la première fois qu’un chroniqueur de l’émission est contré sitôt annoncé son sujet.

L’Africain, le Noir, n’intéresse les bien-pensants habituellement prompts à défendre la pluralité culturelle, ce qu’ils appellent le « métissage », la solidarité avec le Tiers-monde, que lorsqu’il est victime. http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2006/10/02/2812053.html

Le cinéma africain n’est reconnu que lorsqu’il dénonce la guerre, les enfants soldats, les massacres et les puissances étrangères qui les manipulent. Le cinéma africain se doit de montrer des enfants qui ont faim, des cadavres d’animaux, des gens qui mangent avec les mains, qui mendient, qui sont malades ou difformes. Un jeune Antillais, désireux de connaître ses lointaines racines avait décidé de se rendre sur le continent noir. A sa descente d’avion, il n’en revenait pas : il était persuadé qu’il ne trouverait personne en bonne santé en Afrique. La force des préjugés ! Soyons juste : on aime aussi les Africains quand ils dansent et font la fête à moitiés nus comme de grands enfants qu’ils sont, finalement. Là encore, il faut que les images soient conformes à nos attentes. Le musicien Ray Léma s’était vu, à ses débuts en France, quelque peu méprisé par le journal Libération qui trouvait que sa musique n’était pas vraiment africaine. Il avait alors répondu : « c’est pas parce que je suis africain que je dois faire du tam-tam ». Il faut croire que si. D’un côté on va dénoncer la publicité coloniale « y a bon Banania », de l’autre on veut que les Africains se trémoussent en pagne, armés de sagaies, au son de coups de bâtons frappés sur des troncs d’arbres.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2006/09/30/2795718.html

En fait, seuls les Blancs évoquent l’esclavage et réclament le « devoir de mémoire». Habitués à intérioriser, les Noirs n’en parlent jamais. L’esclavage est marqué dans leurs gènes comme certains de leurs ancêtres l’étaient dans leur chair. Ils n’ont pas besoin qu’on le leur rappelle. Seulement, ils seront extrêmement sensibles à toute situation qui pourra rappeler ces temps où l’on était esclave du simple fait d’avoir la peau noire. La démarche intellectuelle qui consiste à tout niveler nous fait parfois mettre dans le même sac la traite négrière, l’esclavage sous l’empire romain, l’esclavage patriarcal pratiqué dans certains pays arabes, le bagne, le système féodal, voire le salariat. Encore une fois, la réduction à l’esclavage des Noirs ne peut être comparée à aucune autre puisque c’était la couleur de la peau qui conférait le statut d’être domestiqué et exploité comme les bêtes de somme. http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2006/05/13/1972106.html

Il faut cependant reconnaître que le cinéma africain n’est pas très populaire chez lui. Le grand public africain se rue en masse dans les cinémas pour voir des films de karaté made in Hong-Kong et boude les histoires qui, finalement, ne les distraient pas beaucoup puisque c’est leur vie quotidienne. http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2007/01/13/3677037.html

En est-il autrement chez nous où les films qui font le plus d’audience et ceux qui sont les plus vus en DVD sont des histoires de superflics étatsuniens avec force violence et des adultères dans de riches familles texanes ?

La célébration de l’abolition de l’esclavage apparaît pour ce qu’elle est : une façon de se dédouaner de ce qu’on ne peut pas appeler racisme endémique ou quotidien mais plutôt condescendance. C’est une concession accordée aux Noirs : on reconnaît les torts de certains de nos ancêtres et vous nous fichez la paix ; déjà on vous appelle « black », ne venez pas réclamer plus. Le Noir se doit de demeurer inférieur, quémandant de l’aide en toute circonstance : pour manger, pour se soigner, pour travailler, pour éduquer ses enfants. Il conforte ainsi la supériorité du Blanc. Le Noir doit être victime du racisme ou être immigré clandestin sinon, il n’est pas. Déjà, le travailleur résident légalement est suspect et beaucoup moins intéressant. Quant à celui qui possède la nationalité de son ancienne colonie, il est limite traître  http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2006/07/20/2324443.html

ou au contraire exhibé comme l’exemple de ce que peut atteindre le nègre aidé par l’esprit des Lumières. http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2006/07/17/2307359.html

 Le Noir civilisé se doit d’être rappeur s’il est jeune ou jazzman s’il est vieux : on lui en voudrait d’interpréter de la musique baroque. S’il est africain, il faut qu’il soit squelettique, qu’il ne connaisse pas le goût de la viande, qu’il soit malade par-dessus le marché et que ses enfants soient nombreux et encore plus mal en point.

La traite négrière, a fait place à la maltraitance culturelle et morale. Chassez le naturel…

 

 

Ce 13 mai, mon ami Serge, mon frère, descendant d’esclaves aurait eu 68 ans.

 

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