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la lanterne de diogène
8 juin 2008

Fin de règne pour le pétrole

Depuis plusieurs mois, les pêcheurs s’inquiètent à juste titre de la hausse du prix du gazole pour les moteurs de leurs chalutiers. Ils en sont arrivés à un point tel que cela revient trop cher de démarrer le bateau pour aller pêcher, donc pour gagner sa vie. D’autant que, les moyens de pêche s’améliorant et la demande croissant, ils doivent aller de plus en plus loin pour trouver du poisson. Bien sûr, le gouvernement se doit de proposer à ces professionnels un aménagement afin que leur carburant demeure à un prix compatible avec leur activité. Ce faisant, il savait parfaitement que les autres s’engouffreraient dans la brèche mais il ne pouvait décemment pas faire autrement. Les agriculteurs et, bien sûr, les routiers et autres taxis et ambulanciers, sont également tributaires du prix du gazole. Et puis, en milieu rural, n’importe quel travailleur a besoin de sa voiture pour rejoindre son poste, pour faire les courses et –pourquoi ne pas le dire ? –pour ses loisirs.

 

Il faudra bien, un jour, s’interroger sur les déplacements en milieu rural.

 

En milieu urbain, c’est un thème qui occupe les administrés et leurs élus en permanence et, pour ainsi dire, depuis qu’il existe des villes. Devant leur engorgement, dont seuls les faubourgs paraissent quelque peu adaptés à la circulation automobile, il faut toujours inventer ou réinventer des solutions. C’est ainsi que certaines proposent des bus urbains et inter-urbains, des trams, des trams avec parkings-relais (Strasbourg), des vélos gratuits (

La Rochelle

), des vélos à louer (Lyon puis Paris), des navettes gratuites (Auxerre), le ramassage scolaire en voiture hippomobile comme à Saint-Pierre dans le Calvados.

 
Or, en milieu rural, rien n’est jamais proposé et l’on assiste, au contraire, au démantèlement des infrastructures et des services : suppression du tacot autrefois, des chemins de fer secondaires aujourd’hui, peu de co-voiturage etc. Même les autocars qui ont remplacé, souvent avantageusement, des petits trains lents et inconfortables, ont aujourd’hui disparu. Seul demeure le transport scolaire dont on connaît tous les risques ; du moins on devrait car il s’agit de la vie des enfants. L’actualité l’a encore montré. Ces cars arrivent le plus souvent du dépôt avant d’entamer leur circuit. En d’autres termes 9 tonnes se déplacent à vide parfois sur plusieurs dizaines de kilomètres deux fois par jour. Sans compter que ces cars sont souvent loin d’être remplis tant les mères préfèrent conduire leur progéniture en voiture jusqu’à l’école.

 
Dans le même temps, les vieux se trouvent, de fait, assignés à résidence. Ils hésitent à demander à quelqu’un de les emmener en ville. Quand ils doivent aller chez le docteur, chez le spécialiste, chercher les médicaments, c’est un véritable problème qui s’ajoute à la pathologie. Avec la fermeture de la poste –pardon : de

la Banque

Postale

–il faudra prendre la voiture pour aller acheter un timbre. Tout ne peut pas se faire par téléphone ou par l’Internet. Est-ce cela le progrès ?

 
Or, si la ville possède les commodités dont celui des déplacements, on préfère de plus en plus habiter dans les villages quand on travaille en ville où l’on fait ses courses avant de rentrer. D’ailleurs, on rentrerait trop tard pour les faire. Les services publics quittent aussi les villages, les médecins et autres professionnels aussi. Il y a donc obligation de se déplacer. Dans le meilleur des cas, on peut bénéficier de la tournée hebdomadaire d’un épicier ou du boulanger parfois tous les jours. Pourtant, certains font leurs comptes et bientôt le coût du déplacement ne sera pas compensé par le chiffre d’affaire de la tournée ; sauf à augmenter considérablement les prix. Cependant, il est bien évident que c’est insuffisant et il est plus que temps de mener une réflexion afin d’inventer des solutions à nos déplacements en milieu rural.

 

La fin du pétrole bon marché et de l’insouciance

 

La tendance irréversible à la hausse du prix du pétrole et à la difficulté pour l’extraire arrive encore une fois à point pour obliger à trouver des solutions alternatives. C’est quand même malheureux d’en arriver à de telles extrémités et de pousser des travailleurs à bout pour se mettre à réfléchir. En 1973, le premier choc pétrolier et la crise de l’énergie qui a marqué le début d’une crise beaucoup plus vaste et dont nous ne sommes toujours pas sorti, a poussé à se mettre au travail dans la précipitation. De cette effervescence est sorti le plan Messmer de construction de centrales nucléaires. L’idée était simple :

la France

possède une bonne technologie et d’excellents techniciens, l’uranium n’est pas cher et se trouve dans des pays où les dirigeants (voire les opposants) sont fortement liés aux réseaux diplomatiques parallèles. Si l’on peut contester ce choix du tout nucléaire, il faut néanmoins reconnaître qu’il fonctionne plutôt bien et qu’il n’y a pas eu d’accident majeur même s’il faut toujours le craindre. Pourtant, au lieu d’utiliser le nucléaire comme une transition en attendant de développer des énergies modernes, renouvelables et durables, les partis politiques au pouvoir se sont entêtés dans cette voie qui produit des déchets extrêmement dangereux qu’on ne sait toujours pas recycler et dont les usines sont maintenant vétustes. Nos voisins qui ne possèdent pas la maîtrise de l’atome ont été forcés de se tourner vers d’autres technologies tandis que

la France

prend un retard considérable.

 

La faute aux taxes ?

 

En marge de ces constats, il convient également de souligner quelques particularités typiquement françaises. Depuis les années d’après-guerre, tout est fait pour encourager l’usage de la voiture individuelle, même pour les déplacements les plus courts, participant à la désertification des campagnes. Le monde rural est souvent conservateur. Il prend le train du progrès en marche, s’enthousiasme mais l’alourdit et le dévie. Il considère souvent que, parce que le progrès s’accompagnait de gaspillage et de pollution, renoncer à l’une et à l’autre signifierait retourner en arrière. Renoncer à polluer et à consommer sans compter, sans craindre l’épuisement, signifierait renoncer à l’eau au robinet et à l’électricité, aux tracteurs et à l’automobile ? De plus les élus locaux ont encouragé la tendance en assurant des catégories socioprofessionnelles de leur soutien indéfectible dans le cas où l’on réclamerait d’elles de timides changements de comportement. Il est tellement bien vu et payant électoralement de dire haut et fort : je défend les paysans, les routiers, les pêcheurs et j’exige de l’Etat qui n’en peut mais de faire baisser les cours mondiaux du pétrole. Le plus fort, c’est que ça marche…

 
C’est comme ça qu’on prend du retard et qu’on doive mettre en place une aide à la cuve. Egalement, c’est en France –et depuis des siècles –que l’impôt est le plus mal perçu. Or, tout le monde sait bien –et les journaux populaires et l’Internet le rappellent sans cesse –que les carburants sont fortement taxés. Le raisonnement simpliste consiste à réclamer une baisse voire une suppression des taxes pour continuer à utiliser le pétrole. C’est bien ce que réclament les pêcheurs aujourd’hui, les routiers avant demain et les agriculteurs demain très tôt. Dans un premier temps, il sera difficile de faire autrement que de satisfaire leurs exigences. Le problème ne sera pas résolu pour autant. Tout au plus cela accordera un répit aux intéressés et aux autres dans la mesure où dans les jours qui viennent, les dépôts de carburants devraient être bloqués ; comme d’habitude…et sans que la presse ne parle de prise d’otage car chacun espère qu’au fond les taxes seront réduites pour tout le monde. On peut aussi s’interroger sur les manifestations de type « escargot » qui obligent les moteurs à chauffer et demeurer plus longtemps allumés, ce qui cause une surconsommation parfaitement inutile et coûteuse pour l’automobiliste.

 
Il est à craindre que, comme en 1973, il faille se trouver en état de manque de pétrole pour entamer une réflexion et lancer un plan. Pourtant, les choses sont un peu différentes. A l’époque, tout le monde a été pris de cours. Ce n’est plus le cas aujourd’hui car nous avons eu 35 ans pour réfléchir, trouver des solutions et les mettre en place. Les Israéliens, dépourvus de pétrole et face à des producteurs qui leur sont ouvertement hostiles n’ont pas attendus d’être à sec pour mettre des panneaux solaires sur leurs toits. Quand on a du soleil, autant en profiter. Les Scandinaves ont mis au point des maisons qui produisent plus d’énergie qu’elles n’en consomment, et pourtant, on ne peut pas dire qu’ils sont avantagés par le rayonnement solaire. Pendant ce temps, en France, le tout routier, bientôt remplacé (à la faveur de la décentralisation notamment) par le tout autoroutier, est roi. 66 % des dépenses publiques de transport sont affectés à la route. La grande distribution a contourné les anciennes lois limitant la superficie des magasins en réduisant les réserves qui circulent dans les camions sur les routes. Ce sont les fameux « flux tendus » qui consistent à réduire les frais de stockage et à faire déplacer un poids lourd parfois pour une palette. Dans ce contexte de coûts d’approche (essentiellement les transports et les frais de douane) peu chers, 10 à 15% des PL circulent à vide ou, dans les meilleurs des cas, remplis à 60 ou 70%.

 
Il faut savoir que le transport n’entre que pour 7 à 8 % dans le prix d’une marchandise. Les transporteurs eux-mêmes jouent le jeu en ne répercutant pas les hausses du carburant à leurs clients. Certains se sont d’ailleurs brûlés les ailes à ce jeu-là.

 
C’est que le lobby de la route, tout comme le lobby nucléaire qui a remplacé en terme quantitatif le lobby militaro-industriel, est hyper puissant. Outre la construction automobile qui fait vivre pas mal de monde, on trouve les concessionnaires, les réparateurs, les assureurs. Il faut ajouter ce qui est lié au carburant : pétroliers, raffineries, transport, distribution. Il ne faut pas oublier les routes donc les très grandes entreprises de travaux publics (et les moins grandes et locales aussi), qui sont, comme par hasard, concessionnaires des société d’autoroutes récemment privatisées. Ces entreprises possèdent des moyens de communication (presse écrite et audiovisuelle) pour convaincre au jour le jour les braves gens que l’automobile est la seule solution et qu’ils doivent se plaindre prioritairement des taxes.

 
Ces entreprises de travaux publics sont en liaison permanente avec les élus locaux et savent les convaincre de décider, qui d’un modeste et très sécurisant contournement, qui d’une vaste liaison autoroutière dispendieuse qui fera passer l’élu local à la postérité. Pour faire bonne mesure, des associations de riverains voient opportunément le jour pour se plaindre de nuisances dues à la circulation et demander à ce que cela nuise plus loin. En passant, ces gens ne se plaignaient pas en achetant le terrain ou la maison que le prix était bas à cause de la proximité de la nuisance. En rejetant plus loin la voie routière, leur foncier prend de la valeur au frais de la collectivité. Fin de la parenthèse. Qu’importe, les futures générations leur devront le bout d’autoroute qui fait la fierté du canton quand bien même il ne le dessert pas.

 
Comme si le pétrole était encore bon marché, ce lobby poursuit les élus de ses assiduités et avec succès. Alors qu’on peut raisonnablement penser qu’à la fin du premier semestre 2008, le baril dépassera les 150$, on continue d’imposer des autoroutes de plus en plus chères et de moins en moins utiles. L’A 65 dans le sud-ouest et le prolongement de l’A 51 dans les Alpes nous le rappellent. Ces réalisations vont augmenter la demande de pétrole et donc participer à la hausse de son prix. Quand l’ancien Premier Ministre, M. Raffarin, annonçait fièrement son plan de transports pour les 25 prochaines années, il soulignait que 80 % ne concerneraient pas l’automobile. Pourtant, on pouvait, sans crainte, parier que les 20% pour l’automobile seraient engagés et réalisés intégralement et rapidement tandis que le reste serait tout à fait incertain et hypothétique. A ce jour, c’est bien ce qui passe.

 
C’est que la hausse irréversible du prix du pétrole profite mais pas à tous. Les compagnies pétrolières voient leurs bénéfices exploser. Des voix réclament avec insistance que Total mette la main au porte-monnaie, comme s’il était seul responsable. Dans les pays producteurs de pétrole (à l'exception notoire du Vénézuéla qui a entamé un programme de protection sanitaire et sociale et d'éducation de masses) les populations ne profitent en rien de ces bénéfices records : l'Algérie préfère accuser

la France

d'être à l'origine de tous ses malheurs, au Gabon (population inférieure au million d'habitants) le président Bongo préfère s'acheter des appartements dans Paris, au Soudan l'armée massacre les populations du Darfour, en Russie n'en parlons pas...

Le gaz, dont on nous vante les vertus quasi quotidiennement depuis des années, suit les hausses du pétrole. Par la grâce de la future privatisation de GDF et de sa mise sous tutelle de fait par Suez, les augmentations vont continuer pour rattraper les cours en vigueur dans les autres pays. On appelle ça « la concurrence libre et non faussée ». Les actionnaires y gagnent tandis que les consommateurs qui ont investi voient une facture, qu’on leur promettait raisonnable, flamber.

D
ans le même ordre d’idées, les compagnies pétrolières rachètent depuis des décennies les brevets de voitures électriques et n'auront que l'embarras du choix quand le pétrole sera épuisé. Les constructeurs qui ont commercialisé des voitures électriques, les ont louées puis récupérées et détruites. Elles ne tiennent pas du tout à voir ces véhicules rouler quand bien même elles les fabriquent. Pourtant, signe des temps, les automobilistes étatsuniens qui marquent depuis quelques années leur dédain des gros 4x4 viennent de forcer GM à fermer des usines de construction de ces véhicules. Dès les années 1980, ils avaient également montré leur dédain pour les grosses bagnoles chromées, lourdes et consommatrices de carburant. L’Europe tarde à suivre le mouvement, abreuvée qu’elle est de vieilles séries télévisées américaines où circule ce type de voiture.

 

Quelles solutions

 

Les solutions existent. Elles ne sont pas utopiques car déjà en vigueur dans d’autres pays, singulièrement ceux qui sont privés de sources d’énergie abondantes. La première consiste à réduire la consommation. Les appareils électriques sont de moins en moins gourmands et tout est perfectible. Si en 1975, le président Giscard avait appelé à construire une voiture qui consomme 3l aux

100 km

, et qu’il n’a pas été suivi, certains véhicules montrent leur sobriété, notamment les « hybrides ».

 
Une autre met l’accent sur l’isolation des bâtiments. Il convient d’évaluer les besoins des particuliers et des entreprises et voir pour les premiers si une aide aux travaux peut s’avérer plus ou moins intéressante. Pour les vieilles maisons, il ne peut s’agir que de rafistolage à moins que l’on ne trouve des solutions innovantes car on ne peut pas reconstruire partout.

 
Pour les professionnels, il sera bien difficile de faire accepter des changements d’habitudes. Inciter les pêcheurs à utiliser des bateaux à voile et s’affranchir par la même des quotas de pêches destinés à préserver la ressource n’est pas gagné, même avec un moteur auxiliaire solaire ou non. Les paysans sont par nature économes mais l’épandage d’intrants chimiques multiplie les sorties sur le terrain et donc la consommation de carburants. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles les agrocarburants sont une fausse bonne solution car ils nécessitent l’usage de beaucoup de ces intrants (qui ne seront pas limités puisque non destinés à l’alimentation). Pour les déplacements individuels, on n’aura pas beaucoup de mal à passer aux transports collectifs mais, pour les distances moyennes et l’acheminement vers les gares, il faudra trouver des solutions souples et innovantes.

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