Fin de règne pour le pétrole
Il faudra bien, un jour, s’interroger
sur les déplacements en milieu rural.
En milieu urbain, c’est un thème
qui occupe les administrés et leurs élus en permanence et, pour ainsi dire,
depuis qu’il existe des villes. Devant leur engorgement, dont seuls les
faubourgs paraissent quelque peu adaptés à la circulation automobile, il faut
toujours inventer ou réinventer des solutions. C’est ainsi que certaines
proposent des bus urbains et inter-urbains, des trams, des trams avec
parkings-relais (Strasbourg), des vélos gratuits ( La Rochelle
Or, en milieu rural, rien n’est
jamais proposé et l’on assiste, au contraire, au démantèlement des infrastructures
et des services : suppression du tacot autrefois, des chemins de fer
secondaires aujourd’hui, peu de co-voiturage etc. Même les autocars qui ont
remplacé, souvent avantageusement, des petits trains lents et inconfortables,
ont aujourd’hui disparu. Seul demeure le transport scolaire dont on connaît
tous les risques ; du moins on devrait car il s’agit de la vie des
enfants. L’actualité l’a encore montré. Ces cars arrivent le plus souvent du
dépôt avant d’entamer leur circuit. En d’autres termes 9 tonnes se déplacent à
vide parfois sur plusieurs dizaines de kilomètres deux fois par jour. Sans
compter que ces cars sont souvent loin d’être remplis tant les mères préfèrent
conduire leur progéniture en voiture jusqu’à l’école.
la Banque Postale
Dans le même temps, les vieux se
trouvent, de fait, assignés à résidence. Ils hésitent à demander à quelqu’un de
les emmener en ville. Quand ils doivent aller chez le docteur, chez le
spécialiste, chercher les médicaments,
c’est un véritable problème qui s’ajoute à la pathologie. Avec la fermeture de
la poste –pardon : de
Or, si la ville possède les
commodités dont celui des déplacements, on préfère de plus en plus habiter dans
les villages quand on travaille en ville où l’on fait ses courses avant de
rentrer. D’ailleurs, on rentrerait trop tard pour les faire. Les services
publics quittent aussi les villages, les médecins et autres professionnels
aussi. Il y a donc obligation de se déplacer. Dans le meilleur des cas, on peut
bénéficier de la tournée hebdomadaire d’un épicier ou du boulanger parfois tous
les jours. Pourtant, certains font leurs comptes et bientôt le coût du déplacement
ne sera pas compensé par le chiffre d’affaire de la tournée ; sauf à
augmenter considérablement les prix. Cependant, il est bien évident que c’est
insuffisant et il est plus que temps de mener une réflexion afin d’inventer des
solutions à nos déplacements en milieu rural.
La fin du pétrole bon marché et de
l’insouciance
La tendance irréversible à la
hausse du prix du pétrole et à la difficulté pour l’extraire arrive encore une
fois à point pour obliger à trouver des solutions alternatives. C’est quand
même malheureux d’en arriver à de telles extrémités et de pousser des
travailleurs à bout pour se mettre à réfléchir. En 1973, le premier choc
pétrolier et la crise de l’énergie qui a marqué le début d’une crise beaucoup
plus vaste et dont nous ne sommes toujours pas sorti, a poussé à se mettre au
travail dans la précipitation. De cette effervescence est sorti le plan Messmer
de construction de centrales nucléaires. L’idée était simple : la France la France
La faute aux taxes ?
En marge de ces constats, il convient également de souligner quelques particularités typiquement françaises. Depuis les années d’après-guerre, tout est fait pour encourager l’usage de la voiture individuelle, même pour les déplacements les plus courts, participant à la désertification des campagnes. Le monde rural est souvent conservateur. Il prend le train du progrès en marche, s’enthousiasme mais l’alourdit et le dévie. Il considère souvent que, parce que le progrès s’accompagnait de gaspillage et de pollution, renoncer à l’une et à l’autre signifierait retourner en arrière. Renoncer à polluer et à consommer sans compter, sans craindre l’épuisement, signifierait renoncer à l’eau au robinet et à l’électricité, aux tracteurs et à l’automobile ? De plus les élus locaux ont encouragé la tendance en assurant des catégories socioprofessionnelles de leur soutien indéfectible dans le cas où l’on réclamerait d’elles de timides changements de comportement. Il est tellement bien vu et payant électoralement de dire haut et fort : je défend les paysans, les routiers, les pêcheurs et j’exige de l’Etat qui n’en peut mais de faire baisser les cours mondiaux du pétrole. Le plus fort, c’est que ça marche…
C’est comme ça qu’on prend du
retard et qu’on doive mettre en place une aide à la cuve. Egalement, c’est en
France –et depuis des siècles –que l’impôt est le plus mal perçu. Or, tout le
monde sait bien –et les journaux populaires et l’Internet le rappellent sans
cesse –que les carburants sont fortement taxés. Le raisonnement simpliste
consiste à réclamer une baisse voire une suppression des taxes pour continuer à
utiliser le pétrole. C’est bien ce que réclament les pêcheurs aujourd’hui, les
routiers avant demain et les agriculteurs demain très tôt. Dans un premier
temps, il sera difficile de faire autrement que de satisfaire leurs exigences.
Le problème ne sera pas résolu pour autant. Tout au plus cela accordera un
répit aux intéressés et aux autres dans la mesure où dans les jours qui
viennent, les dépôts de carburants devraient être bloqués ; comme
d’habitude…et sans que la presse ne parle de prise d’otage car chacun espère
qu’au fond les taxes seront réduites pour tout le monde. On peut aussi
s’interroger sur les manifestations de type « escargot » qui obligent
les moteurs à chauffer et demeurer plus longtemps allumés, ce qui cause une
surconsommation parfaitement inutile et coûteuse pour l’automobiliste.
Il est à craindre que, comme en
1973, il faille se trouver en état de manque de pétrole pour entamer une
réflexion et lancer un plan. Pourtant, les choses sont un peu différentes. A
l’époque, tout le monde a été pris de cours. Ce n’est plus le cas aujourd’hui
car nous avons eu 35 ans pour réfléchir, trouver des solutions et les mettre en
place. Les Israéliens, dépourvus de pétrole et face à des producteurs qui leur
sont ouvertement hostiles n’ont pas attendus d’être à sec pour mettre des
panneaux solaires sur leurs toits. Quand on a du soleil, autant en profiter.
Les Scandinaves ont mis au point des maisons qui produisent plus d’énergie
qu’elles n’en consomment, et pourtant, on ne peut pas dire qu’ils sont
avantagés par le rayonnement solaire. Pendant ce temps, en France, le tout
routier, bientôt remplacé (à la faveur de la décentralisation notamment) par le
tout autoroutier, est roi. 66 % des dépenses publiques de transport sont
affectés à la route. La grande distribution a contourné les anciennes lois
limitant la superficie des magasins en réduisant les réserves qui circulent
dans les camions sur les routes. Ce sont les fameux « flux tendus »
qui consistent à réduire les frais de stockage et à faire déplacer un poids
lourd parfois pour une palette. Dans ce contexte de coûts d’approche (essentiellement
les transports et les frais de douane) peu chers, 10 à 15% des PL circulent à
vide ou, dans les meilleurs des cas, remplis à 60 ou 70%.
Il faut savoir que le transport
n’entre que pour 7 à 8 % dans le prix d’une marchandise. Les transporteurs
eux-mêmes jouent le jeu en ne répercutant pas les hausses du carburant à leurs
clients. Certains se sont d’ailleurs brûlés les ailes à ce jeu-là.
C’est que le lobby de la route,
tout comme le lobby nucléaire qui a remplacé en terme quantitatif le lobby
militaro-industriel, est hyper puissant. Outre la construction automobile qui
fait vivre pas mal de monde, on trouve les concessionnaires, les réparateurs,
les assureurs. Il faut ajouter ce qui est lié au carburant : pétroliers,
raffineries, transport, distribution. Il ne faut pas oublier les routes donc
les très grandes entreprises de travaux publics (et les moins grandes et
locales aussi), qui sont, comme par hasard, concessionnaires des société
d’autoroutes récemment privatisées. Ces entreprises possèdent des moyens de
communication (presse écrite et audiovisuelle) pour convaincre au jour le jour
les braves gens que l’automobile est la seule solution et qu’ils doivent se
plaindre prioritairement des taxes.
Ces entreprises de travaux
publics sont en liaison permanente avec les élus locaux et savent les
convaincre de décider, qui d’un modeste et très sécurisant contournement, qui
d’une vaste liaison autoroutière dispendieuse qui fera passer l’élu local à la
postérité. Pour faire bonne mesure, des associations de riverains voient
opportunément le jour pour se plaindre de nuisances dues à la circulation et
demander à ce que cela nuise plus loin. En passant, ces gens ne se plaignaient
pas en achetant le terrain ou la maison que le prix était bas à cause de la
proximité de la nuisance. En rejetant plus loin la voie routière, leur foncier
prend de la valeur au frais de la collectivité. Fin de la parenthèse.
Qu’importe, les futures générations leur devront le bout d’autoroute qui fait
la fierté du canton quand bien même il ne le dessert pas.
Comme si le pétrole était encore
bon marché, ce lobby poursuit les élus de ses assiduités et avec succès. Alors
qu’on peut raisonnablement penser qu’à la fin du premier semestre 2008, le
baril dépassera les 150$, on continue d’imposer des autoroutes de plus en plus
chères et de moins en moins utiles. L’A 65 dans le sud-ouest et le prolongement
de l’A 51 dans les Alpes nous le rappellent. Ces réalisations vont augmenter la
demande de pétrole et donc participer à la hausse de son prix. Quand l’ancien
Premier Ministre, M. Raffarin, annonçait fièrement son plan de transports pour
les 25 prochaines années, il soulignait que 80 % ne concerneraient pas
l’automobile. Pourtant, on pouvait, sans crainte, parier que les 20% pour l’automobile
seraient engagés et réalisés intégralement et rapidement tandis que le reste
serait tout à fait incertain et hypothétique. A ce jour, c’est bien ce qui
passe.
la France
C’est que la hausse irréversible
du prix du pétrole profite mais pas à tous. Les compagnies pétrolières voient
leurs bénéfices exploser. Des voix réclament avec insistance que Total mette la
main au porte-monnaie, comme s’il était seul responsable. Dans les pays
producteurs de pétrole (à l'exception notoire du Vénézuéla qui a entamé un
programme de protection sanitaire et sociale et d'éducation de masses) les
populations ne profitent en rien de ces bénéfices records : l'Algérie préfère
accuser
Le gaz, dont on nous vante les vertus quasi quotidiennement depuis des
années, suit les hausses du pétrole. Par la grâce de la future privatisation de
GDF et de sa mise sous tutelle de fait par Suez, les augmentations vont
continuer pour rattraper les cours en vigueur dans les autres pays. On appelle
ça « la concurrence libre et non faussée ». Les actionnaires y
gagnent tandis que les consommateurs qui ont investi voient une facture, qu’on
leur promettait raisonnable, flamber.
Dans le même ordre d’idées, les compagnies pétrolières rachètent depuis
des décennies les brevets de voitures électriques et n'auront que l'embarras du
choix quand le pétrole sera épuisé. Les constructeurs qui ont commercialisé des
voitures électriques, les ont louées puis récupérées et détruites. Elles ne
tiennent pas du tout à voir ces véhicules rouler quand bien même elles les
fabriquent. Pourtant, signe des temps, les automobilistes étatsuniens qui
marquent depuis quelques années leur dédain des gros 4x4 viennent de forcer GM
à fermer des usines de construction de ces véhicules. Dès les années 1980, ils
avaient également montré leur dédain pour les grosses bagnoles chromées,
lourdes et consommatrices de carburant. L’Europe tarde à suivre le mouvement,
abreuvée qu’elle est de vieilles séries télévisées américaines où circule ce
type de voiture.
Quelles solutions
Les solutions existent. Elles ne
sont pas utopiques car déjà en vigueur dans d’autres pays, singulièrement ceux
qui sont privés de sources d’énergie abondantes. La première consiste à réduire
la consommation. Les appareils électriques sont de moins en moins gourmands et
tout est perfectible. Si en 1975, le président Giscard avait appelé à
construire une voiture qui consomme 3l aux 100 km
Une autre met l’accent sur l’isolation
des bâtiments. Il convient d’évaluer les besoins des particuliers et des
entreprises et voir pour les premiers si une aide aux travaux peut s’avérer
plus ou moins intéressante. Pour les vieilles maisons, il ne peut s’agir que de
rafistolage à moins que l’on ne trouve des solutions innovantes car on ne peut
pas reconstruire partout.
Pour les professionnels, il sera
bien difficile de faire accepter des changements d’habitudes. Inciter les
pêcheurs à utiliser des bateaux à voile et s’affranchir par la même des quotas
de pêches destinés à préserver la ressource n’est pas gagné, même avec un
moteur auxiliaire solaire ou non. Les paysans sont par nature économes mais
l’épandage d’intrants chimiques multiplie les sorties sur le terrain et donc la
consommation de carburants. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles
les agrocarburants sont une fausse bonne solution car ils nécessitent l’usage
de beaucoup de ces intrants (qui ne seront pas limités puisque non destinés à
l’alimentation). Pour les déplacements individuels, on n’aura pas beaucoup de
mal à passer aux transports collectifs mais, pour les distances moyennes et
l’acheminement vers les gares, il faudra trouver des solutions souples et
innovantes.