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la lanterne de diogène
29 juin 2008

L'Europe, c'est la paix ?

Parmi les rengaines, les platitudes rabâchées par les partisans d’une Europe qui serait une vaste zone de libre-échange, entérinée par le traité dit de Lisbonne, on entend souvent : « l’Europe, c’est la paix ! ». On nous explique que c’est grâce à l’UE que la paix perdure sur un continent qui a vu s’affronter les peuples plus qu’aucun autre.

 Beau retournement de termes ! Un simple coup d’œil sur la chronologie de l’histoire du vieux continent nous montre que c’est tout bêtement le contraire. C’est la paix qui a rendu possible l’union de l’Europe et non le contraire. A l’origine de tout cela, il y a eu la chute du nazisme puis, quelques années plus tard, la main tendue par DeGaulle –acteur incontestable de cette chute –à Adenauer, chef des vaincus, par ailleurs agresseurs disproportionnés d’hier.

 C’est ce geste, cette main tendue, qui est à l’origine de tout. Ce n’est certainement pas le traité de Maastricht ni même celui de Rome, plus généreux, qui a amené la paix. Tout juste les traités de coopération européens l’ont elle consolidée ; ce qui n’est pas si mal.

Mais bon, on est prêt à n’importe quel raccourci, n’importe quelle approximation, n’importe quelle stéréotype pour faire avancer sa cause. Les référendums organisés dans quelques pays membres de l’Union Européenne prouvent qu’à trop en faire, on finit par dégoûter l’opinion.

 Il ne suffit pas de dire « l’Europe, c’est la paix ! ». Encore faudrait-il le prouver. Et là, pas besoin d’en appeler à l’Histoire. Le présent offre une vision qui infirme ce vulgaire slogan. Le TCE ou sa version modifiée à Lisbonne met en avant « la concurrence libre et non faussée ». Ce n’est pas tout à fait la guerre mais c’est déjà la guerre commerciale. La guerre commerciale est encouragée entre les entreprises, comme on a appris à l’université ou dans le manuel d’économie politique du gros Barre. L’UE franchit un pas en encourageant la concurrence entre les Etats. Il s’agit d’encourager le moins-disant social afin d’attirer les investisseurs. On ne se soucie même plus de la productivité. Mieux vaut une petite équipe de « bras cassés » mal payés qu’une équipe qualifiée mais onéreuse. Partout, on réforme (au sens destructeur du mot) les lois sociales qui ont marqué le progrès de l’humanité et incité les peuples du monde entier à regarder vers cette belle réussite.

 On l’a oublié mais l’UE, au nom du principe d’égalité, a autorisé le travail de nuit pour les femmes. C’était la première étape, la porte ouverte à tous les renoncements. Au passage, on remarque toujours l’inversement des valeurs : c’est au nom de l’égalité entre les genres que l’on autorise les femmes à travailler la nuit. On aurait pu penser que cette référence à l’égalité interdirait plutôt le travail de nuit pour les hommes, aussi… Maintenant, la durée de travail hebdomadaire est portée à 60 heures avec possibilité jusqu’à 65 heures. On parle de réforme. On tâche, en ce moment, de « permettre » aux nouvellement nommés « séniors » de travailler plus longtemps. Il s’agit surtout de repousser l’âge légal de la retraite. On parle de réforme. A quand l’autorisation du travail pour les enfants ? C’était la première loi sociale au monde et, après tout, un enfant de cinq ans sait se débrouiller avec quelques appareils électroniques. On parle de réforme. C’est vrai que le paysan qui amène sa vache à l’abattoir la réforme également. Le plus marrant, c’est qu’on voudrait que les gens soient convaincus que c’est pour leur bien et qu’il faut accepter tout ça dans un forfait global. Oui, « forfait », le mot est juste.

 En France, on nous annonce que

la Sécurité Sociale

, ne remboursera plus la totalité de la prise en charge des maladies de longue durée. Dans l’esprit de « la concurrence libre et non faussée », on nous explique que les mutuelles et donc, les assurances privées devront prendre le relais. Elles se feront concurrence comme c’est déjà le cas pour l’assurance auto ainsi que le montrent les publicités surannées qu’on subit depuis quelques années.

La Sécu

assurait le même traitement pour tous, le progrès c’est de mettre en concurrence les couvertures sociales et donc les malades qui, en plus d’être malades, seront inégaux face à la maladie. Ce qu’attendent les Européens, c’est une protection sociale à la mesure de leur puissance économique et la solidarité entre les peuples qui ne s’affrontent plus que sur les pelouses des stades. Ce que les Européens attendent, c’est un statut du citoyen européen qui soit une référence et un gage de progrès à vocation universelle.

 Alors, il ne suffit pas de rabâcher « l’Europe, c’est la paix ! » quand, dans les faits, toutes les avancées de la paix, de la victoire sur le nazisme, sont, non plus mises en question, mais anéanties même si l’on emploie le bel euphémisme de « réforme ».

Aujourd’hui, on ne comprend pas que les générations qui ont connu l’horreur des tranchées aient pu vouloir une revanche, une prolongation de

la Grande Guerre

, au lieu de devenir les générations militant pour la paix. On ne comprend pas que, des deux côtés, il se soit trouvé des chefs, plébiscités par leurs opinions, qui voulaient en découdre une bonne fois pour toutes. Quand on réalise les progrès fulgurants réalisés par l’Europe depuis que la paix règne, on demeure consterné de voir que l’affrontement se déroule, aujourd’hui, non pas dans les stades mais sur le terrain social car c’est la finance qui a pris le dessus sur le politique. Les futures générations nous regarderont-elles avec la même incompréhension en constatant que l’amélioration continue des conditions de vie a été balayée en brandissant des principes de progrès

 La deuxième guerre mondiale a été militaire mais aussi politique. Il s’agissait non seulement de repousser l’expansionnisme allemand mais surtout d’abattre le pire totalitarisme de tous les temps. Si, sur le premier point, la victoire est acquise définitivement, on ne peut que constater que sur le second, insidieusement, toutes les victoires amenées par la paix retrouvée sont annulées par une forme nouvelle de totalitarisme : la finance et son bras armé, la déréglementation qui instaure la loi du plus fort, celle-là même que les peuples du monde ont abattue en 1945.

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