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la lanterne de diogène
12 septembre 2008

Afghanistan, an 7

L’actualité a remis sous le feu des projecteurs ce pays lointain dont on ne sait, au fond, presque rien.

 

 

 

Enclavé au centre de l’immense continent asiatique, il a commencé de nous être connu par la Croisière jaune organisée au début du siècle dernier par Citroën afin de montrer l’excellence de ses véhicules. On a l’impression que ses puissants voisins (Perse, pays de Tamerlan, Union indienne devenue Pakistan) ont arrêté les limites de leur autorité aux lignes de crêtes et que les fractions des différents peuples qui se sont retrouvées au-delà ont dû, bon gré, mal gré se réunir, apprendre à vivre ensemble, se trouver une capitale d’un territoire dont personne ne voulait.

 

 

 

Pourtant, de par sa faiblesse même, sa position enclavée, l’Afghanistan occupe une position centrale au milieu des Etats qui l’ont rejeté. Dans un contexte de guerre froide puis de choc de civilisation, cette situation devient stratégique et excite de nombreuses convoitises. Dans son aveuglement idéologique, le président Reagan, en son temps, a favorisé le rassemblement de fanatiques religieux dont la détermination jusqu’à la mort allait permettre de porter un coup fatal à l’armée soviétique donc à son influence dans le monde. Ce qui fut fait. Seulement, une fois victorieux, ces fanatiques, fort logiquement, ont poursuivi la mission qu’ils s’étaient impartie et qui a été utilisée un temps par les faucons du Pentagone. Pour les religieux, les intérêts bassement matériels d’un allié ne comptent qu’un temps. Tant que l’objectif final n’est pas atteint, ils poursuivent le combat quitte à se retourner contre leurs alliés et fournisseurs d’armes de la veille.

 

 

 

Bien évidemment, le sort de la population laïque, de la gent féminine importait peu au regard des intérêts économiques des grandes puissances. L’enjeu étant le passage d’oléoducs, peu importait l’asservissement de la moitié féminine de la population ainsi que la chape de plomb imposée au plus grand nombre des autres. L’aveuglement, la méconnaissance totale des peuples et de leurs religions, la bêtise pour tout dire, ont empêché de voir l’évidence : le matérialisme excessif des Occidentaux est haï par les peuples frustrés mais fiers.

 

 

 

On connaît la suite : l’attentat du 11 septembre 2001 et la traque de ses auteurs en Afghanistan. Si la population, ou plutôt les populations afghanes se sont montrés soulagées par l’éviction des talibans et de leur dictature religieuse meurtrière, ils constatent que, depuis, leur sort au quotidien ne s’est nullement amélioré. La principale puissance occupante ne s’est préoccupée que d’opérations militaires sans penser un instant que pour s’assurer du soutien sur place, il convenait que les personnes apprécient un mieux dans leur vie de tous les jours. En d’autres termes, au lieu de multiplier les missions militaires, il fallait investir. Or, les militaires sur place se trouvent sous pression et multiplient les bavures qui leur aliènent ceux qui pourraient devenir leurs alliés. Ceux qui disposent du minimum pour vivre ne se préoccupent pas de la démocratie. Au lieu de mettre au pouvoir, comme savent si bien le faire les Etatsuniens, un homme qui leur est favorable moyennant quelques avantages, il convenait d’améliorer le quotidien des citoyens en ouvrant des hôpitaux, des maternités, des écoles. On a commencé mais ça demeure insuffisant dans un pays qui manque de tout. Ainsi, avant l’envoi de troupes décidé par l’ONU, le pays ne comptait qu’une quarantaine de kilomètres de routes. En passant, on peut s’interroger sur la présence de personnes disant s’être trouvées presque par hasard en Afghanistan l’été 2001. Que ce soit par la route ou en avion, il faut vraiment le vouloir pour entrer là-bas. Depuis, les pays mandatés ont construit des centaines de kilomètres de routes. Certes, mais il ne faudrait pas oublier que c’est davantage pour acheminer les convois militaires que pour faciliter le commerce intérieur. Il fallait un vaste programme d’adduction d’eau comme pour le plan Marshall. Dans ces conditions, les Afghans auraient constaté la différence et, affranchi des principales contraintes matérielles, une élite aurait pu voir le jour et mettre en place une démocratie. Ainsi les talibans se seraient retrouvés sur une terre brûlée pour eux. On sait que la rapacité des grandes entreprises étatsuniennes qui soutiennent Bush leur a fait mépriser tout aspect humain.

 

 

 

Les conséquences sont palpables tous les jours. L’influence des forces de la coalition diminue. Les chefs de guerre et les talibans se refont, la culture du pavot s’étend, menace l’économie de la région et la santé du monde. Toutes les armées occidentales sur place déplorent des morts ; de plus en plus. Rien ne peut ouvrir les yeux des fanatiques libéralistes qui gouvernent la superpuissance américaine. A leur façon, ce sont aussi des talibans. Quel qu’il soit, le futur hôte de la Maison Blanche va se trouver avec ce dossier sur le dos et prendra de mauvaises décisions car il est déjà tard. Même une bonne décision –et laquelle ? –ne pourra compenser la suite de fautes commises dans ce pays par l’administration Bush.

 

 

 

Une autre de ses fautes, et non la moindre a consisté à attaquer l’Irak. L’aveuglement de la population étatsunienne chauffée à blanc par des moyens de communication dont on n’a pas idée ici et qu’on qualifierait de propagande sous d’autres latitudes, a permis cette folie. On savait qu’à l’époque aucun membre d’Al-Qaïda ne provenait d’Irak quand il en venait de France. Pourtant, la puérilité maladive de ce président l’a conduit à vouloir venger son père qui lui, n’a pas osé monter jusqu’à Bagdad ; à tort d’ailleurs car bien des morts auraient été évités. Les mêmes fautes sont commises en Irak : opérations militaires, alliances désastreuses sur place, aucun investissement. S’y ajoutent le pillage du pétrole et la rapacité des multinationales déjà évoquée.

 

 

 

Pourtant, il est une autre conséquence de cette imbécillité. Les populations arabes du monde entier et, par extension, les musulmans du monde affichent désormais leur haine pour les Etats-Unis et, par extensions, pour leurs alliés. Les alliances nouées sur place se défont et menacent le peu d’équilibre qui s’instaurait. Tout le Proche et le Moyen Orient sont le théâtre de terrorisme, et vit sous la menace de bandes armées. La situation est devenue imprévisible. Personne ne sait d’où partira le coup qui embrasera l’ensemble. Personne ne peut prévoir quelles alliances se noueront alors.

 

 

 

Il ne faut pas croire que l’Europe pourra se tenir à l’écart. Dans les mois qui viennent, la plupart des troupes alliées des Etats-Unis sur place devraient remballer. Les opinions publiques sont fatiguées d’épauler une politique irresponsable qui coûte aussi en vies humaines et qui monte des pays contre elles. Dans ce contexte, il ne serait pas étonnant que la France supplée le départ de ces troupes et s’engage à côté des Etats-Unis, d’autant que sa réintégration dans l’OTAN ne laissera pas beaucoup de marge de manœuvre.

 

 

 

Au cœur de l’Asie, l’Afghanistan est devenu un enjeu stratégique principal. Les puissances régionales ambitionnent de le contrôler, au premier rang desquels on trouve le Pakistan et son puissant allié chinois. L’Inde n’a pas envie de se laisser encercler. L’Iran se trouve fragilisé depuis de nombreuses années par ce voisin instable occupé par des puissances étrangères depuis 1979. Quant aux républiques musulmanes d’Asie centrale, elles ne subiront pas sans réagir. L’Afghanistan va empoisonner durablement les relations internationales.

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