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la lanterne de diogène
14 octobre 2008

la crise - 2e épisode

A la fin des années 1970, Michel Jobert pouvait affirmer que « les idéologies sont mortes ». D’une certaine façon, il avait raison puisque, ce qu’il était convenu d’appeler « idéologie » recouvrait essentiellement les idéologies de gauche autrement dit toutes celles se réclamant du socialisme au sens premier du terme. L’idéologie, c’est les autres et c’est toujours les autres.

 

L’effondrement du communisme dix ans plus tard a confirmé l’intuition de l’ancien ministre.

 

 

 

Une idéologie sans en avoir l’air

 

 

 

Il est mal vu de se réclamer d’une idéologie de nos jours. Pourtant, si l’on observe bien, jamais nous n’avons été à ce point baigné dans le dogme et l’idéologie. Seulement, elle ne veut pas dire son nom. L’ultra libéralisme économique a envahi toutes les sphères de nos vies mais il a retenu les leçons de l’effondrement des autres totalitarismes. Il ne s’agit plus d’imposer par la force un mode d’organisation politique, sociale et économique mais de réunir les conditions pour que chacun y adhère en apparence de son plein gré. En cela, il utilise de façon magistrale l’un de ses propres produits, à savoir la communication. Grâce aux formidables et divers moyens qui existent de nos jours, on parvient, patiemment ou par un matraquage grossier –selon les cas –à discréditer toute opinion quelque peu divergente de ce que l’on a appelé la « pensée unique ».

 

 

 

Comme tous les totalitarismes, l’ultra libéralisme pratique l’inversion des sens et des valeurs. Le meilleur exemple étant celui de « réforme » qui recouvre en réalité la destruction d’un progrès souvent acquis de haute lutte. Là où la communication prend toute sa place, c’est lorsque l’opinion divergente se trouve ridiculisée et qu’elle ridiculise ceux qui la confessent. L’Ecole de Chicago –souvent évoquée ici –avait posé comme préalable que ses théories ne relevaient pas de l’idéologie et en constituait même le contraire. Ainsi, elles se plaçaient au-dessus des débats et, en clair, les récusaient. Pourtant, comment appelle t-on un système d’idées, une doctrine dont le but est de régir l’organisation humaine ? Toujours dans l’ordre du mensonge totalitaire, si l’ultra libéralisme devait permettre à chaque individu, chaque agent économique de se développer dans une harmonie quasi naturelle, dans les faits, ce sont toujours les plus forts et surtout les moins scrupuleux qui prospèrent. En réalité, cette idéologie qui ne veut pas dire son nom a formalisé un système de pensée et d’expression consistant à rendre acceptables les inégalités par ceux qui en sont les victimes en leur faisant croire qu’ils pourraient, à leur tour, en se pliant aux règles, se trouver parmi les élus. Cette réforme-là revient à nier l’apport des philosophes des Lumières, inspirateurs de la démocratie moderne.

 

 

 

Le bon capitalisme, disent-ils

 

 

 

Depuis quelques temps, des critiques relèvent que l’on va répétant que « ce n’est pas le capitalisme qui est mauvais mais le capitalisme financier tout comme l’on disait que ce n’était pas le communisme qui était mauvais mais le stalinisme ». On nous serine que le capitalisme qui n’est pas le produit du travail mais de la spéculation n’est pas bon. Pourtant, il n’existe que parce que le capitalisme en général existe ; il en est le produit logique. Dans un contexte de dévalorisation du travail, que ce soit grâce aux progrès du machinisme hier et de l’électronique aujourd’hui, et que ce soit parce que le travail n’est plus considéré comme un facteur de production mais comme un coût, il entre dans la logique des choses de s’en passer pour gagner de l’argent et de préférer parier (on dit aussi spéculer) sur le rendement des actions. Le propos est intéressant dans la mesure où il met en lumière la nature profondément idéologique de l’ultra libéralisme ainsi que son caractère nuisible. Pourtant, il édulcore et épargne une réflexion sur le fond. La communication –dont nous avons vu qu’elle constitue un outil privilégié de la diffusion de l’ultra libéralisme –nous prépare à un simple replâtrage du capitalisme. En fait, à coups de centaines de milliards, on peut renflouer les banques ou garantir certaines transactions afin de réparer « le mauvais capitalisme ». Gageons que ces mesures, cette débauche de milliards, à l’heure où l’on peine à trouver quelques centaines de millions pour financer le RSA, ne changeront rien sur le fond. Au contraire, une fois assaini, le système pourra, à nouveau, repartir de plus belle. Une fois de plus, les petits investisseurs se retrouvent floués tandis que les autres auront fait faire le ménage par les Etats, appelés parfois « fonds souverains ». Décidément, tout est dans les mots.

 

 

 

Les leçons de la crise ?

 

 

 

Ce qui nous permet d’avancer cette prévision c’est que, contrairement à ce qu’on nous laisse croire, ce n’est pas le retour de l’Etat, de Keynes et de Schumpeter. Alors que les chefs d’Etat et de gouvernements européens s’entendaient pour remettre de l’ordre dans le système, en France, un autre ministre sortait sur le terrain pour promouvoir le travail le dimanche. La déréglementation continue quand tout autour les résultats précédents montrent leur inefficience. Apparemment, personne ne relève la contradiction. En accord avec le dogme libéraliste, on fait miroiter aux salariés qu’ils seront payés double s’ils travaillent le dimanche. D’abord, les salariés en questions ne se déclarent volontaires que parce qu’ils convoitent un supplément de revenus. En d’autres termes, s’ils étaient bien payés la semaine, ils se dispenseraient de bosser le dimanche. Ensuite, le travail du dimanche s’inscrit dans une logique de déréglementation de la législation du travail et donc de la protection sociale. Cette même logique aboutira, lorsque ce verrou aura sauté, à considérer comme normal de travailler le dimanche. Dans ces conditions, il n’y aura plus aucune raison de le payer double. C’est l’exemple typique du conditionnement qui fait accepter aux plus démunis leur propre exploitation et avec leur consentement proclamé, souvent avec quelle agressivité. D’ailleurs, on sait peu que dans certaines régions considérées comme touristiques, le travail du dimanche est chose commune et sans gratification.

 

 

 

Comment, dans ces conditions, croire que le système assaini va se réguler de lui même, comme disait Friedman, et que le capitalisme va enfin apporter le bien être ?

 

Ceux qui, à l’instar du chroniqueur Thomas Legrand

 

(lire son excellente chronique sur http://www.radiofrance.fr/franceinter/chro/edito/index.php?id=72186)

 

croient assister en direct à la mort de l’ultra libéralisme et de ses illusions d’une économie sans aucune direction se trompent lourdement. En réalité, on constate bel et bien la faillite de ce système mais le conditionnement des opinions est tel et l’intérêt à ce qu’il perdure si grand qu’il n’y a rien à espérer de ce côté. La preuve ? Vingt-quatre heures après l’annonce des mesures prises par les gouvernants européens, on apprenait que le principal inspirateur du plan de sauvetage a été salué par le Prix Nobel de l’économie décerné dans l’intervalle, à savoir M. Gordon Brown. Surtout, on apprenait que les bourses, sans vergogne, réagissaient positivement à ces mesures. Fait sans précédent, la bourse de Paris vient de connaître une hausse de 11% comme celle de New-York. On ne tire aucune leçon de la soi-disant crise que nous traversons.

 

 

 

Dans le même temps, on observe un certain bon sens populaire. Tout comme lors d’autres crises, les agents économiques se tournent toujours vers les valeurs refuges. En général, le cours de l’or remonte car on sait que, quelles que soient les circonstances et leur issue, l’humain sera toujours attiré par l’or. La pierre, autrement dit le bâtiment, le logement, constitue un autre refuge. On aura toujours besoin d’un toit pour se protéger et toutes les spéculations n’y changeront rien pour ceux qui cherchent cette protection sans chercher à en tirer un bénéfice supplémentaire. S’il y en a un, tant mieux, mais ce n’est pas le but. Dans un contexte de crise qui couvait, le livret de caisse d’épargne connaît un regain inattendu. Certes, le rendement n’est pas terrible mais il est sûr et disponible. En tous cas, il rapporte plus que l’achat d’actions quand on est un « petit porteur ». Si, autrefois, le candidat Mitterrand pouvait reprocher à son antagoniste, M. Giscard d’Estaing, le « vol de l’épargne » dû à l’inflation, cela représente peu de chose face au vol des petits porteurs. Si l’on a un peu parlé des petits actionnaires d’Eurotunnel, floués, en revanche tous les dupés par la spéculation et les gros actionnaires n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. En plus, ils ne bénéficient d’aucune commisération. Pire, on n’a que mépris pour ces petits qui ont cru pouvoir jouer dans la cour des grands en profitant d’un moyen d’épargne moderne qui faisait juste semblant de se démocratiser. Le dernier avatar de ce presque bon sens populaire consiste à se tourner vers l’Etat et sa solidité. Il serait dangereux de ne pas entendre cet appel et de ne pas redonner à l’Etat le rôle qu’il n’aurait jamais dû perdre. Car enfin, l’Etat, dans un pays démocratique est le reflet de la volonté populaire. Même lorsque celle-ci se trouve dévoyée, même lorsque l’Etat n’est pas parfait, il reste des cadres.

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