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la lanterne de diogène
1 octobre 2009

France-Télécom : ligne de morts²

Dire qu’il y a encore des gens pour en sourire. 24 suicides en une vingtaine de mois à France-Télécom. Oui, il se trouve encore des gens pour penser, le plus sérieusement du monde que c’est parce qu’on veut faire travailler ces fonctionnaires ultra-nantis qu’ils préfèrent mourir. Décidément, en France, on croit toujours que la fonction publique serait une sorte d’atelier national destiné à fournir un salaire aux bons à rien. D’ailleurs, certains fonctionnaires eux-même le pensent. France Télécom ne peut plus être considéré comme un service public. Il a les mêmes contraintes qu’une entreprise avec, en plus, les stéréotypes issus de l’administration qui font que les cadres supérieurs nommés en CA s’imaginent qu’il faut changer les habitudes de ces employés peu au fait des règles du marché.

 

Pour l’heure, la question est de trouver les raisons de ces suicides et les responsables, car il ne saurait y en avoir qu’un seul. Imaginons qu’au lieu de 24 suicides on ait eu 24 milliards de pertes. Le PDG aurait aussitôt été contraint de démissionner tel Jean-Marie Messier en son temps à Vivendi, entreprise qu’il avait pourtant montée. Là, on attend. On attend un vingt-cinquième, sans doute ? Le PDG a parlé de « mode » de suicide avant de présenter des excuses mais le mal était fait et il demeure significatif. Dans la guerre que mène le capitalisme financier aux salariés, il est entendu que les dits salariés sont des privilégiés puisque assurés d’avoir les mêmes revenus à la fin de chaque mois, si faibles soient-ils. Tandis que les autres, les actionnaires ne peuvent se permettre de perdre ne serait-ce que vingt-quatre centimes. Et encore, tous les actionnaires ne sont pas égaux. Les petits épargnants sont considérés comme négligeables et variables d’ajustement des cours.

 

Dans le même ordre d’idées, le président de la république annonce que la prise en charge des accidents du travail sera soumise à l’impôt. Il est entendu pour les libéralistes que le salarié en arrêt maladie, voire consécutif à un accident dû au travail profite d’un privilège et qu’il convient non seulement de le lui faire comprendre mais en plus de le harceler pendant sa convalescence. Celui qui se suicide n’a, lui, rien compris aux lois du marché et à « la concurrence libre et non faussée ». Donc, il vaut mieux qu’il disparaisse.

 

Chez France-Télécom, d’après ce que l’on sait, ce sont des objectifs insensés qui sont mis en cause. Pour ceux qui ne le sauraient pas, « les objectifs » sont des résultats à atteindre. Ils sont annoncés en début d’année par les salariés mais fortement révisés à la hausse par les chefs d’équipes. De sorte que les salariés se voient contraints d’effectuer des tâches qu’ils savent ne pas pouvoir faire. Il y a des variantes selon les entreprises mais le principe demeure. Autre cause avancée : l’obligation de mobilité pour les cadres tous les trois ans. Tout le monde sait à quel point il est facile de déménager tous les trois ans, de payer le déménagement et de payer pendant un mois le loyer de l’appartement quitté et du nouveau, de passer quelques semaines ou mois à prendre ses marques, de trouver une école pour les enfants et un travail pour le conjoint. Déjà en période de plein emploi et de logement accessible, ce n’est pas évident. Alors, en période de crise immobilière avec la hausse que l’on connaît sur les loyers et les achats en propriété, on imagine ou plutôt, tout le monde sait ce qu’il en est pour soi ou pour ses enfants. D’ailleurs, les cadres de la direction générale de sont pas soumis à cette obligation de mobilité. Pourtant, eux, ont des facilités et peuvent même se payer le luxe de garder l’ancien logement et d’y retourner tandis qu’on s’en paie un autre.

 

Malheureusement, les suicides chez France-Télécom sont un peu comme l’arbre qui cache la forêt. En entendant les témoignages des employés de cette entreprise, chacun peut reconnaître tout ou partie de son quotidien. On part avec l’estomac noué. On a peur de ne pas y arriver et de se faire « encore » engueuler. On doit affronter les remarques méprisantes d’un supérieur pas si supérieur, d’ailleurs.  On craint pour sa place en période de pénurie d’emplois. On pense aux conséquences du moindre pépin sur la vie de famille, sur l’environnement immédiat. On hésite à aller consulter le médecin. Si c’est déjà fait, on s’habitue à avaler des antidépresseurs et autres anxiolytiques. Il est tout de même significatif que tout le monde connaît les noms des ces médicaments. Tout le monde a eu à en prendre ou en prend encore. A chaque fois qu’on peut, on culpabilise encore ces Français qui consomment trop de ces tranquillisants sans jamais se demander pourquoi. On est convaincu que c’est du tir au flanc jusqu’au jour où ça vous arrive. C’est, sans doute, parce que, précisément, chacun reconnaît un peu ses conditions de travail dans celles de France-Télécom qu’on hésite, en haut lieu, à prendre les mesures qui s’imposent. On sait que, partout, on réclamera la même chose.

 

Ce qui est arrivé n’est pas nouveau. Il y a quelques années, au Japon, les employés se suicidaient pour des raisons identiques. Comme d’habitude, les Français, convaincus de leur singularité et de leur supériorité raillaient cette société japonaise axée sur le travail et le patriotisme. Aujourd’hui, personne ne fait le rapprochement. Personne ne demande quelles solutions on a trouvé là-bas. Non, les Japonais ont inondé le monde avec leurs produits, nous devons en faire autant, coûte que coûte. Si on laisse des gens sur le carreau, peu importe. C’est la sélection naturelle : il fallait en licencier, les suicides évitent une procédure qui entache l’image de l’entreprise.

 

En attendant, il est particulièrement odieux d’encore se demander s’il faut renvoyer le PDG. D’abord, lui-même devrait avoir la décence de démissionner. Ensuite, c’est toute la direction générale qui doit être changée. Encore une fois, qu’on songe à ce qui se passerait s’il s’agissait d’un déficit.

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2008/03/30/8532696.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2008/12/03/11615956.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2008/10/09/10892767.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2008/07/26/10050674.html

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