Rêvons un peu ou la politique de demain
A quelques mois des élections régionales, on peut s’interroger sur les débats qui agitent le monde politique. Le bon côté, c’est la richesse et la diversité de la vie politique française. Le mauvais côté, c’est l’éparpillement, la division à l’infini des familles politiques. Nous connaissons tous les grands partis de pouvoir et leur alliés traditionnels, leurs marchepieds –diront certains.
A côté, il existe une pléthore de petites formations et pas seulement aux extrémités. Si l’on prend la droite, on constate qu’après des années de divisions, de guerres des chefs, de croc-en-jambe, l’UMP a réussi à rassembler tout le monde derrière une bannière libéraliste. Tout le monde ? en fait, déjà à sa création, on a voulu faire une exception pour le vieux Parti Républicain Radical Socialiste, le plus vieux parti de France afin qu’il demeure même dans la nouvelle entité et même s’il ne représente plus personne. Depuis, les transfuges du PS qui ont tourné leur veste ou simplement rallié le gouvernement ont fondé leurs propres partis qui, également s’intègrent à la grande UMP. Le centre, depuis 1974 et son soutien au président Giscard peine à exister. Sous l’impulsion de M. Bayrou, il tente un retour mais tous ne le suivent pas et, nombre d’électeurs ne comprennent pas qu’on ne soit pas clairement d’un côté ou de l’autre. Ainsi, le Nouveau Centre regroupe les modérés de droite qui espèrent une gratification en soutenant les vainqueurs.
Bien sûr, le pire se trouve à gauche. Chaque parti
traditionnel se divise de l’intérieur. Chaque parti extrême se divise pour
créer d’autres partis, toujours plus petits. Depuis les années 1970, l’extrême
gauche démontre surtout sa capacité à se quereller. D’abord les maoïstes après
le sabordage de la Gauche
Ce qui reste du PCF se décline en autant de tendances qu’il
y a encore de personnalités anciennes ou émergentes. Les associations et les
personnalités qui ont appelé la gauche à voter contre le Traité Constitutionnel
Européen cherchent depuis juin 2004 à peser dans le jeu politique. Là encore,
ils font surtout la démonstration de leur formidable capacité à couper les
cheveux en quatre, à s’écouter parler pour mieux se critiquer entre eux. Pas
facile en effet de regrouper des gens qui revendiquent la représentation des
jeunes ou des ouvriers (il en reste) ou des salariés, ou des fonctionnaires ou
des femmes. Pas question, en effet, de se mettre avec des gens qui sont pour le
nucléaire ou qui ont soutenu untel lors d’une campagne précédente. Pas question
non plus de s’allier avec des anciens du PCF, parti stalinien bien connu. Pas
question de fricoter avec des personnes qui ne soutiennent pas les sans-papier.
Pas question d’accueillir ceux qui étaient avec les socialistes pour le TCE.
Pas question de soutenir quelqu’un qui n’a pas pris position contre les OGM. Et
ainsi de suite…ainsi, ce qu’on appelle la gauche de la gauche se décline en
Collectifs antilibéraux, en Collectif Politis, en Fédération pour une
alternative sociale et écologique (FASE), en Forum social des quartiers
populaires (FSQP), en Gauche unitaire (GU), en Mouvement politique d’éducation
populaire (M’PEP), en Nouveau parti anticapitaliste (NPA), en Parti communiste
des ouvriers de France (PCOF), en République et socialisme (R&S) en
Alternatifs, en Front de gauche, en NPA, en NEP, en Fédération, en Cap à
Gauche, en Avenir de la Gauche
De fait, on détourne les citoyens de la chose politique. Déjà, les magouilles, bien relayées par les médias dans les années 1980 ont beaucoup affecté la perception des élus. Ces divisions incompréhensibles achèvent de les détourner. L’abstention progresse et pas seulement quand ça concerne la lointaine Europe. Lointaine alors qu’on en fait partie pleinement et dans tous les sens. Or, la gauche a une responsabilité particulière. Le problème n’est pas qu’elle soit divisée comme a pu l’être la droite. Le fond du problème c’est que la gauche représente et est sensée défendre les plus vulnérables : les salariés et surtout, maintenant, les précaires. C’est son premier devoir et même, son seul devoir. Pourtant, elle n’en a cure et fait passer les débats avant toute autre préoccupation. Les salariés et les précaires peuvent bien attendre que ces messieurs-dames aient fini de se disputer. On a tout le temps d’attendre qu’ils s’entendent pour avancer un minimum de programme social et après d’attendre que ce programme soit appliqué. Quand bien même ce serait, il s’en trouverait toujours, et en nombre, pour estimer qu’un gouvernement vraiment de gauche n’en ferait pas assez et s’y opposerait. Au moins, à droite, quand on pense que le gouvernement n’en fait pas assez pour eux, ils ne font rien de néfaste pour s’y opposer même s’ils ronchonnent. A gauche, on ne ronchonne pas : on se met en grève et on n’a de cesse de mettre des bâtons dans les roues de ceux qu’on a élus.
Devant ce constat, rêvons un peu d’un paysage politique simplifié. Pour parler comme les intellos, disons un paysage politique « lisible » :
Une extrême droite diverse, entre les monarchistes, les catholiques intégristes, les néo-fascistes et un grand parti. Ça pourrait être le FN débarrassé des excès de son chef.
Une droite, libéraliste, incarnée par l’UMP
Un centre autour du MoDem, tendant à représenter cette improbable troisième voie pour ceux qui reconnaissent des qualités et des défauts des deux côtés.
Un parti écologiste fort et fédérateur. Ça pourrait être les Verts puisque ça existe déjà.
Un front de gauche débarrassé des tentations d’approuver l’ultra-libéralisme au détriment des salariés et des précaires.
Une extrême gauche diverse mais avec un grand parti capable de faire entendre sa voix. Ça pourrait être le NPA.
En dehors de cela, tout n’est que diversion, amusement, masturbation intellectuelle. On remarque que le PS ne figure pas dans ce schéma. C’est un parti totalement discrédité après ses passages au gouvernement qui ont surtout permis de faire avaler au populo des décisions qu’ils n’auraient pas accepté de la droite. Ses querelles actuelles dégoûtent tout le monde. Qu’on songe au raffut provoqué par la présence d’une personnalité à un rassemblement organisé par son propre parti.
Les soi-disant radicaux de gauche devraient rejoindre qui le MoDem qui le Parti de Gauche. Incapables de peser, ils ne sont depuis longtemps qu’une force d’appoint du PS rassemblant ceux qui refusent sa discipline ou qui préfèrent être le premier dans leur hameau que le deuxième à Rome. Les chevènementistes n’ont jamais réussi à peser véritablement malgré un argumentaire de qualité. La gauche de gauche a le choix, dès aujourd’hui entre le Front de Gauche et le NPA. Encore une fois, personne ne trouvera un parti qui reflète exactement sa sensibilité, son histoire, ses aspirations. Les partis ont vocation à rassembler.
Au-delà du débat politique, il y a des hommes et des femmes qui vivent mal et même très mal. Ces personnes se retrouvent socialement, économiquement marginalisées par les crises à répétition de la mondialisation libéraliste. Cessons de les marginaliser politiquement. Eux, ne peuvent pas attendre que les uns et les autres se mettent d’accord.
Pour eux, il y a urgence ! nous ne pouvons pas attendre indéfiniment l’émergence d’une UMP de gauche pour entamer de véritables réformes et maintenir la protection sociale que le monde entier nous envie. On sait que c’est cette protection tant décriée par les libéralistes qui a amorti le choc de la crise financière de l’été 2008.
Pitié ! Cessez de baratiner, cessez de bavarder, de couper les cheveux en quatre ! Nous ne pouvons nous payer le luxe d’attendre votre bon vouloir. Le chômage progresse, les salariés régressent, les cadres sont fragilisés, nous ne pouvons plus attendre !