Séisme annoncé dans une maison ronde

Il semble que le torchon brûle dans la maison ronde. Simon Tivolle débarqué, Patricia Martin –dont on connaît la susceptibilité –voit son émission amputée du quart. Certes, ce n’est pas la première fois qu’une chronique s’arrête et qu’une émission voit son format modifié. C’est plus rare en cours d’année, cependant. On annonce un bouleversement à la rentrée de septembre. Encore une fois, il n’y aurait rien à redire si l’on n’assistait pas à une suite de maladresses qui agacent des journalistes assez sensibles, des producteurs jaloux de leurs prérogatives et des chroniqueurs qui ne se gênent pas pour déblatérer sur leur directeurs à l’antenne.

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Tout a commencé quand, conformément à la nouvelle loi très contestée, le président de la république a nommé M. Jean-Luc Hees à la présidence de Radio France. Pourtant, tout le monde connaît son professionnalisme et son indépendance d’esprit. Seulement, la rumeur veut que c’est Madame –autrement dit Carla Bruni – qui a suggéré son nom au chef de l’Etat, peu porté sur la radio. Elle-même aurait écouté un collègue à elle, l’ancien chanteur gauchiste, Philippe Val, ami du journaliste. Déjà, on nage en plein vaudeville. Pourtant la pratique n’est pas exceptionnelle mais, en ce début de siècle, elle agace bien plus que dans les années 1960/80 où c’était courant. Par retour d’ascenseur, M. Jean-Luc Hees nomme Philippe Val à la direction de France-Inter où celui-ci animait une chronique hebdomadaire.

Depuis qu’il s’est essayé à la direction de journaux, Philippe Val a montré son véritable visage. Formant la moitié du duo Font et Val dans les années 1970 et 80, il était surtout connu comme un chanteur contestataire maniant un humour grinçant et choquant. Une affiche célèbre de leur ami Cabu montrait leurs têtes sanguinolentes avec le sous-titre : « ils finiront sur l’échafaud ». Quand on voit où il en est aujourd’hui, on mesure le chemin parcouru. Pourtant, c’est le même homme : toujours persuadé d’avoir raison contre tout le monde puisqu’il tire sa légitimité de son niveau intellectuel au-dessus de celui de ses pourfendeurs.

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A la faveur de la première guerre contre l’Irak, il fonde « La grosse Berta » puis reprend « Charlie-Hebdo ». Dès lors, il devient persona grata et on l’invite dans les radios et sur les plateaux de télé. Il se répand alors en citant des poètes chinois et fait montre d’une belle intolérance envers tout ce qui ne pense pas comme lui. Même dans sa rédaction, pourtant réunie par affinité, les conflits apparaissent. Il a fallu l’éviction de Siné pour que ses amis de toujours le lâchent. Depuis, ils ont fondé un hebdomadaire concurrent pour enfoncer encore plus de portes ouvertes, renouer avec les plaisanteries graveleuses et les attaques personnelles.

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Néanmoins, cet épisode a révélé le caractère autoritaire de Philippe Val. Tant qu’il s’en prenait aux amateurs de football, ça allait. Quand il s’en est pris aux antisémites, ça a posé question. Maintenant qu’il dirige une équipe qu’il n’a pas choisie, les tensions sont perceptibles. Le banal changement de présentateur de la revue de presse se transforme en affaire d’Etat. Pourtant, Frédéric Pommier n’était lui-même en place que depuis un an et l’on n’a pas crié au scandale quand il est arrivé.

Encore une fois, c’est la série de maladresses de cet été qui rend suspect tout ce que fait et va faire M. Val. L’éviction de Simon Tivolle et les changements de la matinales n’ont pas été annoncés aux intéressés. Aujourd’hui, on parle d’un changement dans la matinée et dans la tranche 18h-19h ; autrement dit celle-là même où il a fait ses débuts de chroniqueur radio dans l’émission de Jean-Luc Hees.

Bien sûr, chaque changement à la direction d’une radio s’accompagne de modifications dans les programmes. Sur France-Inter, c’est un peu différent car les producteurs se croient propriétaires de leur tranche et n’ont aucun esprit d’équipe. Chacun fait sa petite émission avec ses invités (car c’est le modèle unique d’émission sur Inter) sans s’occuper de savoir si les copains ont déjà invité les mêmes l’avant-veille et sans jamais parler du travail des confrères de la station.

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Avec cette exception –qu’on appelle sur la chaîne « la différence » –France-Inter espère toujours rattraper RTL quand la quasi-totalité des jeunes ignore jusqu’au nom de la station. Depuis longtemps, RTL joue sur la continuité tout en collant aux phénomènes de mode. Dans ce cas, on engage un animateur de télé vedette pour caresser le public dans le sens du poil. On a droit, alors, à de grandes affiches sur les murs des villes. Les auditeurs sont très conservateurs, tout comme les lecteurs de journaux qui apprécient peu les changements de formule. Quand, en plus, les changements sont suspectés d’arrière pensées politiques, ils sont carrément rejetés.

Depuis que ça chauffe sur France-Inter, chacun anticipe sur un départ et pose des jalons. Le plus malin à ce jeu est Stéphane Guillon. Il lance le bouchon chaque fois plus loin, mettant les rieurs de son côté. Ce faisant, toute absence à la rentrée sera interprétée comme une censure intolérable. François Morel se risque à ce jeu-là mais n’a qu’une chance par semaine. Didier Porte l’a compris depuis qu’il officie sur Inter tout en jouant la carte de la supériorité intellectuelle en rappelant que c’est lui qui a appris aux deux autres la différence entre le sénat et l’assemblée nationale. On imagine mal que la radio publique puisse se passer des services d’un tel génie.

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En revanche, les autres pourront aller se rhabiller sans considération de la part de la bonne presse et des blogueurs. Sur la sellette, Jean-Marc Four verra probablement son émission supprimée ou placée à un horaire moins intéressant. Et pourtant, elle tourne propose chaque jour à 18 h 15 un tour de la planète à travers des reportages et des chroniques qui sont autant de fenêtres ouvertes sur le monde. Cette émission qui permet de voyager quand on est dans les embouteillages du retour ou au moment où l’on se repose de sa journée ne passera –probablement –pas l’été. Pas besoin d’être bien malin pour deviner que Pascale Clark devrait se voir confier cette tranche qu’elle occupait sur RTL avec la participation régulière de Philippe Val. On y revient. Déjà, en septembre, personne n’a moufté quand elle a pris la place de Colombe Schneck.

Kriss, disparue récemment, était sur la sellette tous les ans et craignait, à chaque rentrée depuis environ cinq ans, de ne plus se voir confier d’émission. Son immense talent, reconnu unanimement, convainquait de justesse le directeur. Il n’est pas sûr que Marie-Pierre Planchon puisse s’imposer face à un Philippe Val quand Jean-Marc Four ferait ses valises.

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En fait, ce qui est en cause, c’est la nomination du président de Radio France directement par le président de la république, quel qu’il soit et qui que ce soit qu’il nomme.

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