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la lanterne de diogène
10 février 2010

Sacrifices sarkozystes

Quand on prétend que les idéologies sont mortes, il s’agit surtout de convaincre les derniers réfractaires que les idéologies altruistes sont définitivement discréditées. Pourtant, par parenthèse, c’est la montée de ces idéologies qui, pour simplifier, trouvent leur origine dans la philosophie des Lumières, a été le moteur du progrès social, culturel, et –pourquoi ne pas le dire ? –capitaliste.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2008/10/14/10955580.html

 

En fait, toutes les idéologies ne sont pas mortes. L’ultralibéralisme en est une. A son autel, on sacrifie les animaux innocents de notre société et même les vierges, nous allons le voir. Qu’importent les faits, il convient d’avoir raison contre tout le monde et d’imposer à la plèbe ses jeux cruels. Ce sont les 120 jours de Salo, la décadence de Rome : le populo trinque pendant que les possédants vident leurs dernières bouteilles.

 

Par idéologie libéraliste, on s’apprête à rejouer la crise de l’automne 2008. On avait pourtant juré qu’on ne recommencerait plus et que l’Etat devrait reprendre son rôle de régulateur. On fustige les pays méditerranéens de l’UE et on leur impose de s’en prendre à leurs fonctionnaires. Pourtant, ils ne sont pas responsables de la crise. Les responsables, on les connaît. On sait qui profite de toutes les crises, qui les provoque pour mieux en profiter. Or, chaque fois qu’on fait mine de leur demander de payer une petite partie des pots qu’ils viennent de casser, ils mobilisent leurs réseaux notamment médiatiques. Un peu comme ces gosses de riches qui lorsqu’ils cassent des verres dans les bistrots où ils font du scandale appellent leurs papas qui viennent les chercher dans leurs belles limousines avec chauffeurs et rient au nez des braves gens.

 

La fiscalité actuelle repose encore sur le vieux modèle, aujourd’hui totalement obsolète, d’une économie où la production de biens puis de services faisait la richesse d’un pays. Donc, on taxait les sociétés et leurs salariés. Aujourd’hui, la richesse provient du marché financier. Il est proprement aberrant de continuer à prélever l’impôt sur les petites sociétés et sur les salariés quand ce ne sont plus eux qui fournissent l’essentiel de la richesse. D’ailleurs, on ne manque pas de leur rappeler en d’autres circonstances.

 

La sécurité publique est un autre volet de cette idéologie qui ne veut pas dire son nom. Remarquons au passage que c’est un des rares domaines où le politique se préoccupe de l’individu. Pour le reste, il n’est qu’une variable d’ajustement, un élément statistique qui n’existe que dans un ensemble. Comme le stalinisme a perverti le communisme, l’idéologie sécuritaire pervertit la sécurité. Puisque les forces de police sont insuffisantes et vont encore baisser, on ne peut s’en prendre aux individus les plus gênants et les plus dangereux. Tout le monde sait qu’il existe en France des zones de non-droit où ce sont des petits salopards qui imposent leur loi. Les habitants terrorisés n’ont pas les moyens de partir. Donc, ils restent et subissent. Pour eux, la force publique ne peut rien. En revanche, elle se déchaine contre les écarts constatés dans les autres parties du territoire.

 

Depuis que M. Sarkozy a été ministre de l’Intérieur, on assiste à des démonstrations, des arrestations. On multiplie les coups d’éclat. On s’en prend aux plus vulnérables. Bien sûr, il y a ces fameux « sans-papiers » qui défraient régulièrement la chronique. Les gens sont émus lorsqu’ils voient la police arrêter les camarades de leurs enfants à la sortie de l’école. Les mêmes regrettent que la police ne fasse rien contre les petites frappes qui pourrissent la vie des élèves de certaines écoles. Là, ce serait plus difficile. Alors, on arrête ceux qui, justement, voudraient réussir en France.

 

http://www.lavoixdunord.fr/France_Monde/actualite/Secteur_France_Monde/2010/02/04/article_vice-president-du-tribunal-de-grande-ins.shtml

 

http://www.20minutes.fr/article/382144/France-L-inflation-choquante-des-gardes-a-vue.php

 

http://www.lemonde.fr/societe/article/2010/01/27/les-statistiques-officielles-sous-estiment-le-nombre-reel-de-gardes-a-vue_1297232_3224.html

 

Un rapport montre que le nombre de gardes à vue a été multiplié pendant les années Sarkozy. Rions un peu. Une prostituée arrêtée, gardée à vue et verbalisée, ça fait une arrestation, une délinquante punie et, surtout, une affaire élucidée. Le taux d’élucidation est passé au cours de ces années de 25% à 40% et certains journaux vont se réjouir de cette efficacité retrouvée de la police sans chercher à affiner l’analyse. On met en garde à vue les délinquants de la route. C’est pas mal de faire peur aux chauffards mais ça coute cher et ils ne menacent pas l’ordre public. Il y a quelques années, la fille d’un journaliste a été arrêtée avec ses copains à la sortie du lycée parce qu’ils étaient assis sur le capot d’une voiture et risquaient d’en rayer la peinture. Dernièrement, une fille de 14 ans a passé dix heures en GAV pour s’être interposée lors d’une bagarre. Elle a été arrêtée chez elle et conduite au poste en pyjama car on ne lui a même pas permis de s’habiller. Elle a été menottée, mains dans le dos. La police explique que tout s’est déroulé dans les règles et qu’il y avait eu, la veille, « violence aggravée », ce qui justifie la procédure. Qu’espère-t-on avec de telles pratiques ?

 

Si cela se passait dans l’Urss de Brejnev, tout le monde serait horrifié et à juste titre. Ça se passe ici et maintenant et bien peu se mobilisent. On arrête des enfants et des adolescentes et on les traite comme on n’ose pas traiter des gangsters qui connaissent bien les lois pour les enfreindre constamment.

 

On va voir que l’idéologie sécuritaire rejoint l’idéologie libéraliste évoquée au début. Par manque de moyens en personnel, des délinquants authentiques peuvent s’introduire dans un lycée parisien et tabasser un élève. Les professeurs, les parents et, naturellement les élèves eux-mêmes, réclament des surveillants pour travailler en sécurité. Il ne semble pas que cette demande soit extravagante. Ils estiment à onze emplois à temps plein leurs besoins pour un grand établissement. Le rectorat leur en propose chichement deux plus quelques personnes employées ici ou là de temps en temps. En effet, le plus important n’est pas que les élèves apprennent –d’ailleurs à quoi ça leur sert dans un contexte de licenciements massifs ? –le plus important n’est même pas que les contribuables soient protégés et évoluent dans une sécurité satisfaisante. Non, le plus important est que les effectifs de la fonction publique diminuent pour satisfaire à l’idéologie libéraliste dominante.

 

On ajoutera que –comble du mépris –le ministère de l’Education considère grévistes les professeurs qui font valoir leur droit de retrait ainsi que prévu par la loi. Non seulement, ils risquent de se faire encore agresser par des voyous mais en plus on leur retient leurs salaires. C’est à croire que l’Etat ne sait plus où trouver l’argent.

 

L’expression quotidienne de cette idéologie c’est une obstination dans l’erreur, dans la faute pour, surtout, ne pas laisser penser que l’ultralibéralisme a failli et sème partout la misère, la maladie, le désespoir. C’est aussi une débauche de moyens démesurés contre les voleurs de pommes ou les simples témoins de faits divers tandis que la délinquance progresse, que les agressions et les crimes contre les femmes et les enfants sont en hausse et que les moyens manquent. http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/01/11/16472714.html

 

saturneNous avons souvent utilisé ici le mythe de Saturne dévorant ses enfants pour illustrer l’idéologie libéraliste. Cette fois, nous savons que ce n’est plus tout à fait un mythe. Les adultes qui maltraitent les enfants et le sexe qui les a mis au monde ne font plus partie de l’humanité au sens où on l’entend généralement. A partir du moment où l’on offre en sacrifice des lycéens à des voyous qui ne font qu’occuper le terrain laissé vacant par les forces de l’ordre, à partir du moment où l’on laisse une fille de 18 ans seule dans un aéroport étranger, à partir du moment où une adolescente est gardée à vue en pyjama pour s’être interposée dans une bagarre (peut-on imaginer une fille de 14 ans se bagarrer sur la voie publique ?) et d’autres pour s’être appuyés sur une voiture, alors oui, on peut dire que nous vivons le temps du chaos qui précède l’humanité ou, plutôt, qui lui succède. Saturne dévore ses enfants et ça n’est plus tout à fait une métaphore.

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