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la lanterne de diogène
7 mai 2010

Grèce : les financiers contre la démocratie

Dis donc, on l’avait oublié : c’est en Grèce qu’est née la démocratie. C’était il y a fort longtemps. L’Internet n’existait pas et le papier non plus. Pour se parler, on n’avait pas un téléphone accroché à l’oreille –allo ! t’es où ? –mais on se rencontrait en vrai sur l’agora et l’on discutait sur ce que devrait être la société. Ça parait incroyable. Tu n’y as peut-être pas pensé mais d’autres l’ont fait à ta place –comme toujours –et n’ont pas envie que ça recommence. Pensez donc, si l’on devait demander son avis au peuple… il ne manquerait plus que ça.

 

Comment en est-on arrivé là ?

C’est l’obstination du président Giscard qui a fini par imposer l’entrée de

la Grèce

dans le Marché Commun (c’est comme ça qu’on appelait l’UE autrefois). Pour lui, il était nécessaire de renforcer le pôle conservateur dans l’Europe des neuf (à l’époque) et contrer la toute puissance de l’Allemagne sociale-démocrate (à l’époque). Donc, on a fait rentrer

la Grèce

en bidouillant les comptes et en faisant croire que ça irait mieux une fois intégrée. Plus récemment, c’est cette logique qui a fait entrer dix pays de l’est et de Méditerranée en 2004 car il fallait à tout prix que

la Pologne

anticommuniste en soit. Et comme on ne pouvait décemment pas refuser les autres candidats qui faisaient mieux ou aussi bien, on en a fait entrer dix d’un coup sans avoir rien prévu pour les accueillir. La crise qui entravait l’UE n’a fait qu’empirer depuis son élargissement aux dix. Les problèmes de

la Grèce

ne sont qu’un des aspects de ces problèmes récurrents. Comme on l’avait prédit, le traité de Lisbonne n’y a rien changé.

 

Bien sûr, il fallait bien que ça éclate un jour. Notons au passage que les comptes falsifiés de

la Grèce

ont été révélés à l’automne dernier après les élections qui ont remis les socialistes au pouvoir. On dira que c’est pure coïncidence mais, quand il y en a autant, on finit par se poser des questions. On s’avise d’abord que

la Grèce

avait triché sur les critères d’admission à la monnaie unique. C’est seulement maintenant qu’on s’en aperçoit et l’on demande des comptes. Cela apparaît peu après la crise financière de la fin

2008. A

ce moment, il a fallu que l’Etat honni vienne à la rescousse pour sauver la finance qui n’avait eu de cesse de vouloir affaiblir sa puissance. Ce sont les experts, les financiers, les « traders » (comment les appelle-t-on encore ?) qui n’ont eu de cesse de critiquer les règles, les Etats qui faisaient mine d’intervenir dans l’économie, qui nous ont asséné les bonnes recettes pour que tout aille mieux (mieux pour eux bien sûr). Ils se sont envoyé dans le mur et ont entrainé tout le monde avec eux. Les mêmes ont été secourus par les Etats qui avaient eu la bonne idée de se maintenir malgré les conseils de Milton Friedman : « L’Etat n’est pas la solution mais le problème ! ». Ils se sont fourvoyés, ont ruiné quantité de gens dans le monde (et ça continue) et prétendent encore dicter leurs recettes. Le pire, c’est que les gouvernants les suivent encore.

 

Or donc, à peine remis à flot par les Etats –rebaptisés pour la circonstance « fonds souverains » –que les mêmes se sont remis à comploter et à vouloir mordre la main qui les a nourri quand ils étaient décharnés. Tout honte bue, voici que des soi-disant « agences de notations » prétendent distribuer des bons points aux pays qui leur paraissent dignes. Officiellement, ces agences étudient les situations de chaque pays et envisagent l’avenir. Relayés par une certaine presse britannique, ces « agences de notations » nous ont annoncé quels seront les pays punis par les marchés. Car, ce ne sont pas eux qui se salissent les mains en tenant la schlague. On insinue que… et ce sont les marchés affolés qui se chargent de la besogne. C’est la version moderne du baiser de Judas. On remarque, en passant, que le mot « marché » est employé à toutes les sauces. Les « marchés affolés », ce sont les experts, les financiers, les « traders » qui choisissent délibérément de mettre à genoux un pays qui ne leur convient pas. On spécule contre ce pays. On n’investit plus. On délocalise les entreprises. On refuse de prêter de l’argent pour rebondir. On attaque sa monnaie. Certes, la monnaie n’est plus une devise nationale mais la monnaie unique européenne. Peu importe, ça fera réfléchir les autres !

 

Les autres, ce sont les fameux PIGS dont parle la presse britannique. En anglais, PIGS signifie porcs avec tout le mépris à l’égard de cet animal dont on utilise pourtant tout. La comparaison n’est pas vaine ; nous le verrons. PIGS est l’acronyme de Portugal, Irlande/Italie, Grèce et Spain (Espagne). Tour à tour, ces pays seront saignés comme des porcs avant la curée. Il ne passe pas une semaine sans qu’un rappel, qui ressemble fort à un ultimatum, annonce le prochain sur la liste. Ce sera le Portugal. On dirait un des ces films de gangsters où la victime reçoit un papier griffonné sur lequel est marqué : bientôt ton tour ! Pas la peine d’y mettre la forme et de prendre des précautions.

 

A la faveur de la crise de l’automne 2008, à la faveur du vote de la loi d’assurance maladie aux Etats-Unis, certains ont pensé que la protection sociale –qui a amorti les chocs dans les pays où il y en a –va, au moins, être maintenue. On a même parlé du retour de Keynes, enfin réhabilité. En effet, ce sont ses principes qui ont donné le plus de résultats tandis que ceux d’Adam Smith, repris par Milton Friedman et Raymond Barre entretiennent la crise.

Pas question ! Les financiers ont vu le danger et ont sonné la charge. C’est qu’ils y tiennent à la crise qui les gave. Tout ce qui protège encore les plus faibles doit être anéanti. En revanche, tout ce qui protège les plus riches et les financiers doit être renforcé et développé. En France, pas question de toucher au « bouclier fiscal ».

 

Concrètement, les Etats (qui ont pourtant sauvé la finance), sont sommés de prendre des mesures drastiques pour rembourser. Rembourser quoi ? Rembourser qui ? Rembourser pourquoi ?

Ne posons pas les questions qui fâchent. Il faut regarder la réalité en face. Vous n’avez plus d’argent ? Pas de problème : faites des économies et prenez le où il est.

Faites des économies = économisez sur les fonctionnaires, les investissements, la santé publique, l’éducation, la sécurité.

Prenez-le où il est = augmentez les impôts des fonctionnaires puisque ce sont les seuls dont on sait qu’ils les paieront jusqu’au bout.

Oui, mais, s’ils gagnent moins et s’il y en a moins, les impôts ne rentreront plus ? Décidément, tu ne comprendras jamais rien. Le fond du problème, c’est qu’il faut affaiblir toujours plus les salariés afin de leur faire passer le goût de revendiquer toujours plus et, ainsi, d’obérer le rendement des actions et rendre moins attractives les transactions financières. Un peu comme ces séances sado-maso où les victimes sont affamées pendant deux ou trois jours pour diminuer leur résistance. Après, on reprend la schlague. Vous verrez, ils seront contents !

 

Dans ce jeu les salariés seront perdants quoi qu’il arrive.

Dans la crise grecque, personne n’a songé à contraindre

la Grèce

à renoncer à acheter des armes. C’est l’autre point commun avec

la Pologne.

Ces

pays, ont un passé douloureux. Les massacres de Grecs par les Turcs –évoqués par Victor Hugo –demeurent dans les mémoires. On peut le comprendre mais c’est totalement irrationnel quand les deux pays sont membres de l’Alliance Atlantique. Ce qui n’est pas irrationnel, ce sont les sommes englouties par

la Grèce

pour se protéger des Turcs et des Bulgares (membres de l’UE). On parle d’un milliard d’euros rien que pour l’exercice en cours. C’est qu’au passage, l’argent emprunté pour payer ces armes procurera des intérêts aux prêteurs. Donc, pas question d’y renoncer. Comme

la Pologne

qui avait acheté des avions de combat avec les fonds structurels pour l’aider à se mettre au niveau européen, l’argent prêté à

la Grèce

va servir à rembourser les emprunts pour les armes achetées.

En revanche, frapper les fonctionnaires et les salariés, voilà qui est autrement plus important. Ça « inspire la confiance aux marchés », probablement. D’ailleurs, le Portugal s’est engagé dans une politique visant à « rassurer les marché ». Mais qui sont « les marchés » ? Et les autres, n’ont-ils pas besoin d’être rassurés ? Le mépris envers les peuples s’affiche désormais sans vergogne.

 

Ce ne sont pourtant pas eux qui spéculent : ils n’ont pas assez de revenus pour ça. Ce ne sont pas eux qui ont vidé les caisses des Etats : pas assez bien payés pour ça. En revanche, par leurs impôts, ils ont contribués au sauvetage des banques. Ces mêmes banques vont faire des profits considérables en prêtant de l’argent à ceux qu’ils ont contribué à ruiner. Eh bien, malgré tout, ce sont les ruinés qui devront encore payer les intérêts et s’appauvrir encore. Comprenne qui pourra. Comprenne qui voudra.

 

Les messages sont clairs.

  • D’un      côté le grand capital et sa nouvelle courroie de transmission, la finance,      dictent leur politique aux Etats. M. Fillon l’a très bien compris qui      entend « inspirer la confiance aux marchés ». Inspirer la      confiance aux cochons de citoyens n’a aucune importance : qu’ils paient      et restent dans la souille.

 

  • L’intervention      de l’Etat dans l’économie doit servir exclusivement les intérêts des      financiers et des gros actionnaires. Les « fonds souverains »      doivent servir à assurer les financiers quand ils se trompent.

 

  • Les      financiers exigent des gouvernements qu’ils leur soient favorables à 100%.      Autrement, on fait comme pour

    la       Grèce

    : on tire à boulets rouges jusqu’à ce que la      gauche rentre dans le rang de droite. En général, ils n’attendent pas      longtemps. C’est ce qui s’était passé en France après 1981.

Les élections ne sont qu’une formalité destinée à entériner les diktats.

 

  • Les      attaques contre les peuples ne cesseront que lorsqu’ils seront tous      dociles. En cas de résistance, on lancera autant de rumeurs qu’il le      faudra pour affaiblir ce qui pourrait encore rebondir. L’Espagne est      prévenue.

    La France

         est en ligne de mire.

Ainsi, le chroniqueur du Figaro déclare : « le plan d'austérité va obliger l'Etat à réaliser les indispensables réformes structurelles, car

la Grèce

, dit-il, c'est une copie de

la France

en pire : des lois pour tout, des avantages inouïs aux salariés du secteur public, des minorités syndicales capables de prendre en otage les monopoles d'Etat, et une fonction publique hypertrophiée ».

Nous voilà prévenus !

 

 

Qu’on ne s’y trompe pas : ces attaques contre les plus faibles des peuples d’Europe ont pour but d’imposer un système dont aucun peuple ne veut. Des preuves ?

La Grande-Bretagne

est presque aussi endettée que

la Grèce. Pourtant

, personne ne spéculera contre. La raison en est qu’il n’y a plus de protection sociale dans ce pays. Quelle que soit la majorité, il sera mené par une politique libéraliste. Quant à

la France

, si elle ne s’aligne pas sur le moins disant social, il suffira qu’une agence de notation fasse savoir qu’elle pourrait réviser sa note à la baisse et la belle signature, dont le gouvernement est fier, serait caduque.

 

A travers les élections, puis à travers la contestation, les peuples marquent leur désapprobation mais surtout indiquent qu’ils ne peuvent pas payer davantage à moins de mettre en péril leur survie. Les attaques contre

la Grèce

aujourd’hui, contre le Portugal demain, contre l’Espagne après-demain, contre la sœur latine italienne ensuite, contre

la France

et d’autres après, sont des attaques contre la démocratie. Or, la démocratie a prouvé, malgré ses défauts, qu’elle est le seul rempart contre les crises économiques, contre le terrorisme.

En commençant pas

la Grèce

, les financiers ne s’attaquent pas seulement au plus faible mais aussi au berceau de la démocratie. C’est la grande leçon de la crise actuelle.

 

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Commentaires
A
De mieux en mieux : les particuliers/contribuables prêtent de l'argent aux banques mais ce sont les banques qui percevront les intérêts.<br /> <br /> La Chambre française approuve à la quasi unanimité ce plan qui endette un peu plus la Grèce afin qu'elle rembourse aux banques.<br /> <br /> Le député Dupont-Aignan proteste mais il est bien isolé :<br /> http://www.marianne2.fr/Dupont-Aignan-le-plan-d-aide-a-la-Grece-est-un-sabordage_a192543.html?preaction=nl&id=2940408&idnl=25952&<br /> <br /> M. Dupont-Aignan est de droite. Où était la gauche?
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