Clavier pas très tempéré à La Roque d’Anthéron
Dans de nombreux domaines, on se rend compte qu’il existe des mondes qui, décidément, ne se mélangent pas, ne se rencontrent pas. C’est un véritable apartheid social. Rappelons que ce mot afrikaan (langue officielle de l’Afrique du Sud) signifie, tout simplement, « à part ». On met donc à part des pans entiers de la population qu’on côtoie pourtant.
Vendredi matin, sur France-Inter, l’invité était René
Martin, le fondateur et directeur du célèbre festival de piano de La Roque
Réponse du directeur. Ce n’est pas vrai qu’il n’y a pas de
retour. La Roque
Sur quelle planète vit donc ce monsieur Martin ? Cette
famille qui a, peut-être, deux enfants, devra débourser 45€ autrement dit
l’équivalent de 300 de nos vieux francs. Il existe surement des tarifs pour les
enfants mais le prix reste dissuasif pour une famille moyenne et encore, à
condition qu’il y ait des places à 15€ pour le soir qui l’intéresse.
Généralement, le prix des places tourne plutôt autour de 20€. A La Roque
http://www.festival-piano.com/index.php?id=30
La manière de répondre n’a certainement pas réjoui cette dame car, visiblement, il n’envisage même pas de demander une ristourne pour les habitants qui subventionnent par leurs impôts son festival qui se déroule dans leur voisinage et dont ils n’ont que les nuisances. On peut imaginer que tout autour la circulation est rendue plus difficile pour rentrer du boulot le soir et que les commerçants majorent leurs prix pendant la durée des festivités.
Bien sûr, M. Martin ne connaît que les avantages. Il ne paie
rien, il est entouré des musiciens qu’il aime le plus, il vit, pendant la durée
du festival dans une des plus belles régions de France en été. Déjà, vivre en
faisant ce qu’on aime est un privilège que ce monsieur trouve tout naturel. En plus,
il profite gratuitement de l’art des autres. Quant aux habitants du village, je
ne sais pas si ça leur fait la jambe plus belle de savoir que leur commune est
mondialement connue et qu’au Japon, quelques milliers de personnes ont une
pensée pour leurs petites maisons du bord de la Durance.
Il pourrait s’inspirer du Festival Musique & Cinéma d’Auxerre qui, pendant huit ans, a réuni des réalisateurs, des acteurs, des producteurs et des compositeurs parmi les meilleurs. Les séances étaient facturées 5€ sans compter celles qui étaient gratuites. On y voyait de très bons films, parfois en avant-première mondiale comme Ray. Le concert était proposé à 10 € pour les habitants de l’Yonne. C’était la volonté de l’ancien président du Conseil Général, M. de Raincourt, qui entendait que les habitants profitent directement de ce festival qui se déroulait chez eux. Le concert n’était pas ridicule puisque les meilleurs compositeurs l’ont dirigé : Michel Legrand, Eric Serra, Francis Lay, John Barry, Ennio Morricone, excusez du peu. Et tout ça pour 10€ ! Il faut préciser que le nouveau président du Conseil Général a décidé de supprimer ce festival pour répondre au dogme libéraliste de baisse des dépenses publiques.
Au-delà du petit festival « mondialement connu »
de La Roque
Alors, oui, tous les René Martin de France pourront bien vanter l’affiche exceptionnelle qu’ils proposent, les places au fond ou derrière les colonnes pour 15 € ou une « découverte », c'est-à-dire un artiste de talent mais parfaitement inconnu. Certains pousseront la mauvaise foi en soulignant qu’il existe, pendant la durée de l’événement, des spectacles gratuits. En général, on aura un jongleur avec des balles et un guitariste ou un saxophoniste au coin d’une rue qui essaieront de profiter de l’aubaine pour poser leur sébile. Concrètement, une famille qui va aux renseignements entendra un tout autre son de cloche. Justement le concert qui vous intéresse ne propose pas de tarif réduit, c’est même un peu plus cher que le prix des places habituel. Il faut en plus acquitter une réservation. C’est dire que même pour une famille dont les parents travaillent tous les deux (de plus en plus rare), une grande partie du budget vacances sera englouti en une soirée de festival d’été, en Provence ou ailleurs même à quelques dizaines de kilomètres de chez soi.
A travers ce simple exemple concret de La Roque
* M. Martin se réjouit
aussi que de plus en plus de jeunes passent du classique à la techno et aux
musiques modernes. Certes. Peut-il certifier que le cheminement inverse peut se
réaliser ? Y a-t-il des jeunes, accros de techno, qui s’ouvrent à la
musique classique ? On peut en douter, surtout à 25€ la place. Les jeunes
dont il parle possèdent une culture musicale de base. Généralement, ils ont eu
un bon prof d’éducation musicale ou bien suivent des cours dans un
conservatoire municipal. Leur connaissance classique ne les ferme pas aux
tendances contemporaines ; au contraire. L’inverse est plus que douteux.
En fait, ce sont les prémices de la fracture culturelle, de l’apartheid social
qui se consolide à l’âge adulte. Cette ignorance de la réalité montre encore
que l’on ne vit pas dans le même monde.
Si l’on reste sur La Roque