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la lanterne de diogène
23 juillet 2010

Clavier pas très tempéré à La Roque d’Anthéron

Dans de nombreux domaines, on se rend compte qu’il existe des mondes qui, décidément, ne se mélangent pas, ne se rencontrent pas. C’est un véritable apartheid social. Rappelons que ce mot afrikaan (langue officielle de l’Afrique du Sud) signifie, tout simplement, « à part ». On met donc à part des pans entiers de la population qu’on côtoie pourtant.

 

Vendredi matin, sur France-Inter, l’invité était René Martin, le fondateur et directeur du célèbre festival de piano de

La Roque

d’Anthéron. Après nous avoir certifié que les jeunes font preuve de curiosité et n’hésitent pas à passer du classique à la techno en passant par la « world », après avoir vanté les platanes du 17ième siècle, l’acoustique du parc, il répond à l’unique question d’auditeur. Il s’agit d’une habitante de la commune qui se plaint de payer des impôts sur la commune, sur le département, sur la région et de n’avoir aucun retour. Avec ses enfants, une soirée au festival représente un investissement qu’elle ne peut, de toute évidence, pas se permettre.

 

Réponse du directeur. Ce n’est pas vrai qu’il n’y a pas de retour.

La Roque

d’Anthéron est le village le plus connu au monde. Des entreprises viennent s’implanter grâce à la notoriété du festival. Des chambres d’hôtes se sont ouvertes qui assurent l’ambiance du village. Il y a des places à 15€, donc, cette dame peut venir écouter un récital sans se ruiner.

 

Sur quelle planète vit donc ce monsieur Martin ? Cette famille qui a, peut-être, deux enfants, devra débourser 45€ autrement dit l’équivalent de 300 de nos vieux francs. Il existe surement des tarifs pour les enfants mais le prix reste dissuasif pour une famille moyenne et encore, à condition qu’il y ait des places à 15€ pour le soir qui l’intéresse. Généralement, le prix des places tourne plutôt autour de 20€. A

La Roque

, le minimum à débourser est de 25€. Pour 15€, on aura droit d’écouter un pianiste inconnu qui espère être invité l’an prochain et qui doit encore se contenter d’assure le lever de rideau avant le récital du soir plein tarif.

http://www.festival-piano.com/index.php?id=30

 

La manière de répondre n’a certainement pas réjoui cette dame car, visiblement, il n’envisage même pas de demander une ristourne pour les habitants qui subventionnent par leurs impôts son festival qui se déroule dans leur voisinage et dont ils n’ont que les nuisances. On peut imaginer que tout autour la circulation est rendue plus difficile pour rentrer du boulot le soir et que les commerçants majorent leurs prix pendant la durée des festivités.

 

Bien sûr, M. Martin ne connaît que les avantages. Il ne paie rien, il est entouré des musiciens qu’il aime le plus, il vit, pendant la durée du festival dans une des plus belles régions de France en été. Déjà, vivre en faisant ce qu’on aime est un privilège que ce monsieur trouve tout naturel. En plus, il profite gratuitement de l’art des autres. Quant aux habitants du village, je ne sais pas si ça leur fait la jambe plus belle de savoir que leur commune est mondialement connue et qu’au Japon, quelques milliers de personnes ont une pensée pour leurs petites maisons du bord de

la Durance.

 

Il pourrait s’inspirer du Festival Musique & Cinéma d’Auxerre qui, pendant huit ans, a réuni des réalisateurs, des acteurs, des producteurs et des compositeurs parmi les meilleurs. Les séances étaient facturées 5€ sans compter celles qui étaient gratuites. On y voyait de très bons films, parfois en avant-première mondiale comme Ray. Le concert était proposé à 10 € pour les habitants de l’Yonne. C’était la volonté de l’ancien président du Conseil Général, M. de Raincourt, qui entendait que les habitants profitent directement de ce festival qui se déroulait chez eux. Le concert n’était pas ridicule puisque les meilleurs compositeurs l’ont dirigé : Michel Legrand, Eric Serra, Francis Lay, John Barry, Ennio Morricone, excusez du peu. Et tout ça pour 10€ ! Il faut préciser que le nouveau président du Conseil Général a décidé de supprimer ce festival pour répondre au dogme libéraliste de baisse des dépenses publiques.

 

Au-delà du petit festival « mondialement connu » de

La Roque

d’Anthéron, on se rend compte que la moindre sortie estivale vide les poches. Veut-on aller écouter un récital, un soir ? Outre le déplacement, il faudra manger sur place. Si l’on veut être bien placé ou éviter la queue, on arrive un peu avant et l’on achètera un casse-croute. Coût : 4,5 € (ne parlons pas d’un restaurant ou du plateau-repas à 16€). Il faudra bien boire car en été, il fait chaud et il faut avaler le casse-dalle. Coût d’un demi dans un café : 3 € sur le zinc. Sans compter le transport, on s’en sort pour une trentaine d’euros par personne hors coût du carburant et prix du stationnement. Si l’on vient avec les enfants, on arrivera plus tôt pour les détendre après le voyage dans une voiture chaude. On fera un tour sur place. On achètera une glace pour chacun. Conservons la configuration d’un couple avec deux enfants. A raison de 2 € la boule (minimum et avec un cornet gaufré : pour un cornet pâtissier, compter 50 cts de plus) cela fera facilement 8€ pour déguster ensemble une glace en flânant. Généralement, le congélateur installé sur le trottoir n’affiche pas les prix. Difficile de s’en approcher avec les enfants et de tourner les talons après avoir entendu le prix des glaces. Maintenant, pour la pause sandwich et boisson, il faudra s’installer sur une table en terrasse. Le coût sera facilement de 10€ par tête de pipe. On y ajoutera le prix de la place de concert ou de spectacle quelconque.

 

Alors, oui, tous les René Martin de France pourront bien vanter l’affiche exceptionnelle qu’ils proposent, les places au fond ou derrière les colonnes pour 15 € ou une « découverte », c'est-à-dire un artiste de talent mais parfaitement inconnu. Certains pousseront la mauvaise foi en soulignant qu’il existe, pendant la durée de l’événement, des spectacles gratuits. En général, on aura un jongleur avec des balles et un guitariste ou un saxophoniste au coin d’une rue qui essaieront de profiter de l’aubaine pour poser leur sébile. Concrètement, une famille qui va aux renseignements entendra un tout autre son de cloche. Justement le concert qui vous intéresse ne propose pas de tarif réduit, c’est même un peu plus cher que le prix des places habituel. Il faut en plus acquitter une réservation. C’est dire que même pour une famille dont les parents travaillent tous les deux (de plus en plus rare), une grande partie du budget vacances sera englouti en une soirée de festival d’été, en Provence ou ailleurs même à quelques dizaines de kilomètres de chez soi.

 

A travers ce simple exemple concret de

La Roque

d’Anthéron, on mesure non pas la fracture mais le précipice qui sépare les différentes couches de la population. On se côtoie, de plus en plus loin, mais, décidément, on ne se rencontre plus. On doit se conformer à l’idée que les loisirs et même les glaces sont réservés à une minorité. D’un côté ceux qui peuvent se rendre dans des festivals d’été ou au concert ou au théâtre ou même au cinéma (à 9€ la place) pendant l’année. Ceux-là peuvent se payer le restaurant et les glaces dans les zones piétonnes des centres-villes historiques. De l’autre, ceux qui louent les DVD, écoutent la musique en ligne, font leurs courses aux supermarchés en périphérie et y achètent des bacs de glaces en promo. Leurs enfants, eux, dépensent leur argent de poche dans les restos rapides, les kébabs, les sonneries de téléphone, écoutent de la musique commerciale à la radio et finalement s’ennuient faute d’accès à un minimum de beauté. On sait tout ce que peut faire un jeune quand il s’ennuie.

 

* M. Martin se réjouit aussi que de plus en plus de jeunes passent du classique à la techno et aux musiques modernes. Certes. Peut-il certifier que le cheminement inverse peut se réaliser ? Y a-t-il des jeunes, accros de techno, qui s’ouvrent à la musique classique ? On peut en douter, surtout à 25€ la place. Les jeunes dont il parle possèdent une culture musicale de base. Généralement, ils ont eu un bon prof d’éducation musicale ou bien suivent des cours dans un conservatoire municipal. Leur connaissance classique ne les ferme pas aux tendances contemporaines ; au contraire. L’inverse est plus que douteux. En fait, ce sont les prémices de la fracture culturelle, de l’apartheid social qui se consolide à l’âge adulte. Cette ignorance de la réalité montre encore que l’on ne vit pas dans le même monde.

Si l’on reste sur

La Roque

d’Anthéron, on entend le directeur vanter aussi son ouverture à la danse. Une rencontre ! un danseur a esquissé quelques pas en entendant un pianiste…Génial ! il le fait venir à son festival. Gageons que d’ici deux ans, une autre rencontre amènera un chanteur d’opéra. Soyons sûrs, alors, que le public sera encore plus select. Au passage, c’est fou ce que ces gens-là font comme « rencontres ». On aimerait qu’ils rencontrent aussi le grand public plutôt que de rester entre « happy few ».

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Commentaires
A
Non, ce n’est pas du copié/collé. C’est bien moi qui rédige tout (sauf les citations éventuelles). La différence de caractères dans la taille ainsi que le retrait après chaque nom propre féminin provient de l’éditeur du blog. Je ne le maîtrise pas. Je m’en suis expliqué précédemment. <br /> http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/06/06/18154841.html<br /> <br /> Je le regrette et constate que c’est de pire en pire. Je ne sais pas si j’ai choisi le bon éditeur. Cela donne une présentation vraiment dégueulasse et je le déplore. De même, je n’arrive pas à disposer mes photos comme je veux.
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P
salut, ça se voit que vous copiez/collez vos textes et je suis bien déçu! moi qui pensait que c'était vous qui....<br /> Bon, blague à part, il vaut mieux copier un texte, le coller dans "bloc-note", ensuite, le recopier pour le coller dans des messages, car word et office met des infos sur vos pages sans que vous le sachiez, et déforme vos textes. la preuve, le texte est "scindé" n'importe comment.<br /> Sans rancunes, je passais juste.
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