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la lanterne de diogène
28 juillet 2010

Plus de corrida en Catalogne

C’est un pas en avant : la corrida est hors la loi en Catalogne. Cette survivance des jeux du cirque romains est une aberration en ce début de 21ième siècle. On s’étonne que de telles pratiques consistant à torturer un animal et à se repaitre de sa force malgré les blessures infligées puisse encore exister à notre époque et même aux époques précédentes.

 

goya_3maiEn fait, il faut remonter à Napoléon. On devrait dire aux Napoléon. Le premier, en envahissant l’Espagne, a monté définitivement la population outre Pyrénées contre

la France.

L

’Espagne n’était pas prête pour l’esprit des Lumières dont elle n’a vu que les exactions perpétrées par la soldatesque de

la Grande

Armée.

L’empereur vaincu, tout ce qui le rappelait a disparu de la péninsule ibérique et la corrida qu’il avait supprimée est revenue au grand galop. Ce spectacle de la souffrance et du sang, parce qu’il était décrié et interdit par l’esprit des Lumières s’est répandu comme symbole de

la Castille

éternelle et spirituelle face à la force et au matérialisme. En épousant une Espagnole, le neveu de l’empereur et troisième Napoléon a ouvert une brèche, en France, à cette activité. L’impératrice, outre le développement de Biarritz, a souhaité continuer à apprécier ce que tous les Espagnols considèrent comme un art qui a pour seul concurrent l’opéra. Au passage, on remarquera l’habileté du propos puisque typiquement et exclusivement espagnol, il ne peut y avoir de rivalité comme dans les autres domaines où l’on peut mettre en concurrence les écoles de peinture, par exemple, ou les performances sportives.

 

C’est ainsi que

la France

des Lumières a vu introduite dans le sud (plus proches de l’Espagne les taureaux et chevaux étaient plus facilement transportables à l’époque) la tauromachie. Pourtant, les populations méridionales ont peu plébiscité les corridas et lui ont préféré d’autres spectacles taurins comme la course camarguaise où, non seulement les taureaux ne sont pas mis à mort mais peuvent acquérir une certaine notoriété garantissant le spectacle et la fidélisation du public.

 

Avec le franquisme, la corrida s’est renforcée. Le dictateur a pris soin d’asseoir sa légitimité en reprenant tous les symboles fondateurs de l’Espagne. Outre le joug et les flèches, outre les couleurs sang et or (par opposition au drapeau de

la République

), se trouvait la corrida. Encore une fois, on notera l’intérêt d’un spectacle où l’Espagne n’était pas en compétition quand elle était à la traine de l’Europe dans tous les domaines. Avec la démocratie, les Espagnols sont sortis de leur enfermement et ont pris l’habitude de critiquer y compris la corrida. Si la souffrance des taureaux laisse plutôt indifférent, en revanche, tout l’argent manipulé, toutes les magouilles autour des spectacles, le dopage entament fortement la popularité de la corrida. De sorte que le public espagnol, toujours nombreux, diminue sur les gradins. Il est remplacé, il est vrai, par les touristes toujours avides de sensations quitte à s’indigner de retour chez eux. En attendant, leur présence payante maintient cette tradition romaine en péninsule ibérique. Toujours en raison des sommes considérables en jeu, la corrida gagne du terrain en France. Tous les moyens sont bons pour faire du pognon y compris sur le dos sanguinolent des taureaux.

 

La décision du parlement catalan de ce mercredi 28 juillet 2010 est importante. Elle éloigne les jeux sanguinaires d’une partie importante du territoire espagnol. Pour autant, rien n’est gagné. Les fanatiques de la corrida en appellent déjà à la défense des valeurs castillanes. Pour eux, le taureau symbolise l’unité espagnole face aux particularités catalanes. En fait, les Catalans, déjà mal vus dans tout le reste du pays le seront un peu plus même chez leurs frères valenciens toujours prompts à s’affranchir de leur lignée catalane. Après avoir hissé leur dialecte catalan au rang de langue à part entière, ils auront à cœur d’attirer les touristes en manque de corrida sur les plages du nord. Quant aux autres, le syndrome Napoléon risque de se reproduire. Pour bien marquer le caractère castillan, il n’est pas exclu que les corridas se multiplient et envahissent les écrans des télévisions. Il n’est pas impossible que les télévisions qui émettent en Catalogne renforcent leurs programmes tauromachiques pour enfoncer un coin en territoire interdit de corrida.

 

Le combat contre la corrida est loin d’être gagné. Trop d’argent circule autour des corridas pour qu’on permette de tuer le taureau aux œufs d’or : 50.000 emplois et plusieurs milliards d'euros de revenus chaque année. Ça fait réfléchir. D’autant que ceux qui profitent de la souffrance et de la mort des taureaux peuvent compter sur l’appui indéfectible de ceux des Espagnols extrêmement susceptibles quand on touche aux symboles de leur pays. En France, au cours des dernières décennies, on a vu tout un courant qui, surmontant son aversion pour les sévices aux animaux, tolère et approuve ces pratiques au nom de la diversité culturelle. C’est tout juste si l’on n’y voit pas un moyen de lutter contre la mondialisation. D’ailleurs, à l’occasion de corridas, les journaux Libération et Le Monde proposent des pages entières sur l’événement. Eux si prompts à dénoncer le football professionnel et les comportements des supporteurs trouvent tout à fait honorables de se repaitre du sang qui coule et des fers plantés dans la chair du taureau et, finalement, sa mort d’un coup d’épée. Corrida

Encore faut-il rappeler que seuls les bons matadors réussissent à tuer du premier coup. Les autres s’y reprennent à plusieurs fois avant de toucher un organe vital sous les huées, il est vrai, de la foule. Le public en exprimant son mécontentement ne s’offusque pas du supplément de douleur infligé à l’animal mais de la maladresse du professionnel. Encore faut-il, à ce stade, rappeler tous les animaux qui ont servi, en coulisse à l’entrainement des futurs matadors avant qu’ils puissent enfoncer leur lame au bon endroit.

http://www.allianceanticorrida.fr/combat.html

 

Pour avoir une idée de l’engouement des Français et autres étrangers pour la corrida, il suffit de consulter l’article que lui consacre Wikipédia qui a même ouvert un portail consacré à la corrida comme il en existe un pour la philatélie. Il y a quelques années, on a pu entendre le chroniqueur taurin de France 3 Marseille évoquer « Une agonie de bonheur ». Quel lyrisme pour la mise à mort d’une bête.

On attend, donc, après la décision d’une région qui, plus que beaucoup d’autres en Europe manifeste son attachement à l’Union Européenne et à ses valeurs, que

la Commission

Européenne

fasse respecter ses lois concernant la protection des animaux. La même CE qui oblige (quoiqu’inapplicable) à faire descendre de leur bétaillère les animaux en route vers l’abattoir afin de les déstresser devrait manifester un zèle égal pour un spectacle abject où la douleur est magnifiée. On connaît l’ardeur des commissaires européens pour le respect de la courbure des bananes, pour son combat en Hongrie et en France contre le lait cru, contre les pâtes fraiches en Italie. On aimerait qu’elle s’exprime sur la corrida.

 

En attendant, saluons –avec les craintes mentionnées plus haut –les parlementaires catalans. Surtout, soulignons que ce vote fait suite à une pétition populaire qui a provoqué le débat et, finalement, le vote abolitionniste. Précisons que rien n’est acquis puisque la droite espagnole a déposé un recours auprès du tribunal constitutionnel.

 

http://www.ladepeche.fr/article/2010/07/27/880471-Espagne-la-Catalogne-interdit-la-corrida-coup-dur-pour-la-tradition-taurine.html

 

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