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la lanterne de diogène
3 août 2010

Téléphone mobile et moi et moi et moi ?

Les nombres sont impressionnants : 5 milliard de téléphones mobiles sont utilisés actuellement dans le monde. C’est l’équivalent de la population mondiale d’il y a 25 ans seulement.

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Le téléphone mobile a révolutionné la communication personnelle. Il abolit complètement le temps et la distance. A tout moment, on peut joindre l’autre pour un oui ou pour un non.

 

Il obéit à l’impulsion. Il n’est que d’observer le comportement sur la voie publique. Dès qu’une personne sort d’un immeuble, d’un autobus, du métro, elle prend son téléphone en main et signale à quelqu’un où elle est : allô ! oui, je suis dans la rue. Oui, j’te rappelle. Inversement, quand la sonnerie retentit : allô ? Ah, c’est toi, t’es où ?.

Chaque changement d’activité semble imposer de saisir son combiné pour en avertir quelqu’un.

Cela s’apparente à l’achat d’impulsion, recherché par tous les vendeurs car il interdit la réflexion qui pourrait faire annuler la vente. On en a envie et on achète quelles qu’en soient les conséquences ultérieures, quitte à le regretter amèrement. Dans le cas du téléphone portable, on s’immisce encore plus dans l’univers de l’autre et l’on hésite de moins en moins à le déranger. On sait que l’autre répondra ne sachant pas si la communication sera importante ou non. On sait qu’il ne prendra pas le risque. Le téléphone mobile, c’est un Séraphin Lampion permanent dans sa poche. Nul doute que ce passionné de radiophonie aurait plusieurs téléphones aujourd’hui et que ça créerait des situations cocasses.

 

Le téléphone mobile facilite la communication en ce sens qu’on est relié au monde en permanence. On peut appeler au secours si l’on est perdu ou si l’on ne trouve pas l’adresse à laquelle on doit se rendre. C’est l’argument sécuritaire mis en avant pour convaincre les hésitants. Le téléphone mobile permet un accès aisé à un ensemble de banques de données via ses compatibilités avec l’Internet. Dans les pays africains, par exemple, il facilite l’accès à la connaissance et épargne des déplacements extrêmement longs et, parfois, périlleux ; de toutes façons très couteux pour des budgets modestes. Sur le continent noir, des pays expérimentent avec succès le paiement par téléphone mobile. Avec la technologie cellulaire, tous les pays d’Afrique et toutes les contrées qui comportent de vastes zones d’exclusion du monde actuel, peuvent sauter au moins une étape. C’est la prophétie de Jean-Jacques Servan-Schreiber appliquée à la téléphonie et non pas à l’Internet.

 

PC_to_PhoneOn sait que l’informatique embarquée à bord d’Apollo XI tient aujourd’hui dans un téléphone mobile qui apparaît de plus en plus comme le média total. Outre la fonction téléphone, on vient de voir qu’il combine également l’accès à l’Internet, l’écoute de musique, la vision de films ou de programmes de télévision, l’accès à des banques de données, la photographie, les transactions monétaires, la localisation par GPS. On peut penser que cela ne s’arrêtera pas et que, non seulement la lecture de livre est déjà possible mais la possibilité de tout savoir sur le site où l’on se trouve instantanément : localisation exacte, moyen d’y parvenir ou d’en sortir, horaire des transports et temps d’attente pour l’un d’eux, histoire, services de proximité, secours. Il n’y a donc aucune comparaison possible avec un quelconque autre mode de communication personnelle. On peut simplement remarquer qu’il les réunit tous.

 

Pour toutes ces raisons, on ne reviendra jamais en arrière et toutes les études anxiogènes sur les risques liés aux ondes des téléphones et des nombreux relais, sur l’emmagasinage de bactéries n’y pourront absolument rien. Parmi les 5 milliards d’utilisateurs de téléphones cellulaires se trouvent, forcément des personnes qui évoluent dans la mouvance écologiste. Même si l’on peut supposer qu’ils sont des utilisateurs raisonnables, ils ne renonceront pas à une technologie qui épargne des déplacements gourmands en énergie. On peut même penser qu’ils ont trouvé des utilisations conformes à leurs convictions. Chaque groupe humain a trouvé une utilisation qui lui convient. Certains diraient qu’on « s’approprie » la technologie cellulaire pour le meilleur, pour l’usage courant de communication et pour le pire.

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Si le 20ième siècle a été marqué par les dérivés du pétrole parmi lesquels, l’automobile est le principal, on peut penser que le 21ième sera marqué non par le spirituel mais par le téléphone mobile. L’automobile a façonné nos villes, nos vies, nos modes de déplacements et de travailler. L’automobile a sorti le monde rural de son isolement tout comme le téléphone mobile sort le Tiers-monde du sien. Pourtant, l’automobile a tué plus que tout autre moyen les hommes dans la force de l’âge et les tout jeunes hommes plus surement que la guerre. Malgré tout, malgré l’annonce de dix mille morts sur les routes chaque année en France (c’était il n’y a pas si longtemps encore), malgré les mutilations horribles, malgré les familles décimées, personne n’a jamais hésité à prendre sa voiture après l’accident d’un proche. Il en est de même pour le téléphone et ses risques potentiels.

 

Malgré tout, ce nombre de cinq milliard d’utilisateurs de téléphone cellulaire par son ampleur, par son universalité, par son rapport direct à la mondialisation ne peut faire oublier les quatre millions de personnes qui souffrent de la solitude en France.

http://www.france-info.com/IMG/pdf/synthese9.pdf

 

african_people_mobile_phoneNul doute que dans les pays similaires on peut recenser des masses équivalentes. Ce paradoxe souligne que jamais les moyens de communications n’ont été aussi performants, aussi faciles d’utilisation, aussi rapides tandis que jamais auparavant la solitude n’a touché de telles proportions de la population. Quelques tentatives d’explications : le téléphone ne réduit pas la solitude. On s’épargne un déplacement pour voir quelqu’un. On sait qu’on pourra couper la communication plus facilement que s’il fallait renvoyer un fâcheux ou s’éclipser de chez quelqu’un. Le téléphone mobile compense pour nombre de parents le manque de disponibilité pour leurs enfants. Par une surveillance renforcée, on se donne bonne conscience pour le peu de temps consacré aux échanges directs et aux marques de tendresse. Le téléphone mobile facilite le renouvellement de ses relations. Au début, on s’appelle souvent, on se rappelle. Puis, on s’appelle moins car on a d’autres personnes plus intéressantes à joindre. Finalement, on est effacé de la liste des numéros préenregistrés. On est mis sur répondeur systématiquement. La solitude s’installe. En fait, nous ne sommes qu’un nom sur une liste qui en comporte des dizaines. On recherche la performance : celui qui aura le plus de correspondants appelés pompeusement « amis ». Le nombre empêche toute relation privilégiée. On donne priorité à la quantité sur la qualité de la relation. On téléphone à son voisin le plus proche plutôt que de sonner à sa porte. On se téléphone alors qu’on se trouve au même endroit. On se promet de se rappeler. En fait, les contacts réels se raréfient. La solitude est installée.

 

L’autre nombre qui devrait faire réfléchir autrement plus que les cinq milliards d’abonnés aux services téléphoniques mobiles, c’est le nombre de la population totale mis en rapport avec le nombre de téléphones : 6,8 milliards d’humains ! Tous les records sont battus. Autant dire que nous serons sept milliard dans moins de trois ans. Or, aucun dirigeant quelque peu influent ne s’en préoccupe : ni un patron de multinationale, ni un chef d’Etat, ni le Secrétaire général des Nations Unies. Pourtant, les cinq milliards d’abonnés au téléphone mobile doivent aussi se déplacer quelques fois, et surtout manger, boire et respirer. Toutes activités menacées par la pénurie et la pollution. Il faudra bien en tenir compte un jour. En France, le débat sur les retraites occulte totalement cette réalité : de plus en plus de monde et de moins en moins d’emplois du fait, notamment, des nouvelles technologies qui remplacent efficacement le travail humain.

Certes, il n’y a pas grand risque pour les vivants d’aujourd’hui d’entendre dans quelques décennies nos successeurs se lamenter et nous insulter sur l’air de : comment ont-ils pu être aussi inconscients, comment ont-ils pu laisser faire ça et nous laisser payer la facture en nous dépossédant des moyens de la payer ?

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http://www.journaldugeek.com/2010/02/22/5-milliards-dabonnes-au-telephone-portable-en-2010/

 

Tous les grincheux fustigent –parfois avec raison –les nouveaux comportements induits par le téléphone mobile. On se moque souvent de ces conversations entendues dans les magasins quand quelqu’un demande l’avis de son correspondant pour l’aider à choisir entre deux articles. Pourtant, il n’y a là rien de critiquable. On évite une déception voire une dispute. Ce n’est pas mal de choisir ensemble même à distance. En revanche, ce qui devrait frapper, c’est la vacuité des messages transmis. On décide d’appeler quelqu’un pour lui indiquer un changement d’humeur, une idée qui passe par la tête. On choisit l’interlocuteur qu’on sait attentif à ce genre de propos, quelqu’un à qui on pourra dire : je suis fatigué ou j’en ai marre de mon collègue de travail et qui répondra « t’as bien raison, te laisse pas faire ». Dans ce genre de conversation au cours de laquelle aucun message n’est finalement passé, on remarque qu’il n’y a aucune tentative de solution et, surtout, aucune réflexion. C’est le binôme : action-réaction. Je téléphone et quelqu’un me répond impulsivement. Comment pourrait-il en être autrement puisque l’interlocuteur ne sait pas à l’avance sur quoi il sera sollicité ? L’immédiateté fait perdre toute notion de recul sur un événement. Là encore, on n’est pas dans la réflexion mais dans le ressenti.

 

Autre occurrence, la sonnerie du téléphone qui interrompt une activité, qu’il s’agisse d’un repas, d’une réunion, d’une activité professionnelle, d’un déplacement en voiture. Il y a trois ans, on a vu le futur président de la république en campagne, saisir son téléphone alors qu’il était à la tribune et annoncer fièrement que c’était son épouse. On sait ce qu’il en est advenu. Pourtant, personne n’a trouvé à redire. On a intégré le fait que le contact physique et direct doit céder devant l’intrusion d’un autre interlocuteur qui ne vient même pas se mêler à l’échange mais exige la priorité pour une affaire qui le concerne personnellement.

 

Les transports sont les lieux privilégiés d’usage du téléphone mobile. On abhorre ces moments où l’on subit la promiscuité avec ses semblables qui nous renvoient à notre condition et à ce qu’elle a de pénible et de frustrant. Autre cas, on s’ennuie à l’avance en pensant aux heures qu’on va passer tout seul devant les paysages qui défilent et parmi des gens qu’on ne connaît pas. La solution consiste à former un numéro et à engager une conversation sur un sujet choisi afin qu’elle dure le plus longtemps possible. Pendant ce temps, on échappe au transport en commun décidément trop commun comparé à cette merveille de technologie qui tient dans le creux de la main et qui m’appartient pour de vrai. Si personne n’est disponible, on aura toujours le recours aux jeux électroniques préinstallés.  

 

Le monde du travail s’en est trouvé modifié rapidement. Qu’on songe qu’il y a seulement une vingtaine d’années, ce type d’appareil était rare et réservé à l’urgence. Aujourd’hui, on peut dire que tout le monde en possède. Au travail, on exige souvent que l’employé donne son numéro à la direction pour être « joignable à tout moment ». La formule est surtout utilisée par les cadres et les cadres supérieurs. Non seulement ils ne sont pas censé compter leurs heures mais, avec le téléphone portable, ils emportent leurs soucis partout où ils se trouvent. Les employé aussi puisque durant le déplacement de leur chef, il pourra continuer à donner ses ordres avec encore moins de possibilité de les contester car l’autre ne pourra pas évaluer les contraintes in situ. Reste que pour ceux qui subissent ces expressions d’autorité, c’est encore plus insupportable que les conversations d’ado sur leurs embrouilles relationnelles ou les choix entre les yaourts aux fruits ou aromatisés.

 

A noter que la personne voulant s’évader du transport en commun adoptera plutôt le ton de la confidence tandis que le petit chef voudra que tout le monde évalue sa compétence et son autorité même à distance. On pardonnera plus volontiers à la première qu’au second tout à fait insupportable et qui répondra en cas de remarque : « Mais moi je travaille ! ».

 

mobileLe recensement des 5 milliards d’utilisateurs du téléphone mobile impressionne. Il a été annoncé fièrement comme tout ce qui fait du nombre. C’est le triomphe de l’économie de marché : un produit en vente libre et tout le monde peut se le payer. Les uns vont s’en réjouir puisque ça montre que tout le monde est égal devant la communication. Les autres vont regretter que, finalement, tout le monde possède le même appareil qu’on croyait pourtant unique. Si tout le monde peut frimer avec un téléphone qui n’a pas les mêmes fonctions que le sien à la pointe du progrès, c’est un peu embêtant.

 

Visiblement, l’autre nombre, celui qui est sous le rapport, 6,8 milliards, laisse indifférent quoi que plus fort. Pourtant, si l’on peut penser que l’on fabriquera toujours des téléphones mobiles car le processus est irréversible, on peut se poser la question pour tout ce qui concerne la vie même de nombre. On peut récupérer les pièces des téléphones portables et en faire un bien qui répondra au budget et au besoin de son acheteur. On peut recycler. Mais, les 7 milliards de vivants ne pourront pas réutiliser le pétrole brûlé ni le charbon. Pour satisfaire les besoins immédiat d’une aussi forte population, il faudra plus de bois et les arbres n’ont pas le temps de repousser pour la génération montante. Les minéraux utilisés pour la construction : pierre, gypse, calcaire ne sont pas renouvelables. L’espace pour loger 7 milliards n’est pas extensible, pas plus que les terres cultivables perdues ne sont récupérables pour les nourrir. C’est ce nombre de 7 milliards qui se profile qui pose question l’autre n’est qu’un leurre.

 

 

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