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la lanterne de diogène
5 septembre 2010

Une semaine après la rentrée 2010 sur France-Inter

On a été un peu pris de court entre la fin des vacances et les premières révélations sur les nouveaux programmes. Trop tard pour exprimer des craintes a priori : mieux valait laisser passer une semaine tout en revenant sur les prestations de Philippe Val qui, n’en doutons pas, devraient constituer de beaux sujets de dissertations dans les années à venir.

 

On l’attendait, parfois avec inquiétude et puis voici la rentrée annoncée sur Inter le samedi 28 août soit moins de 48 heures avant sa mise en place effective. Dans le passé, on a eu, selon les époques, un « Téléphone sonne », une invitation dans le journal de 13 heures quand c’était la vitrine de l’information. Parfois, il fallait lire les journaux pour savoir ce qui allait changer. Ce qui ne change pas, ce sont les réactions : on regrette la disparition de certaines émissions et l’on se réjouit de l’arrivée d’un nouvel animateur. Pour cette année, c’est l’émission estivale consacrée aux médias qui a offert la présentation de la grille nouvelle. On passage, on regrettera, une fois de plus, que de bonnes émissions estivales ou de bons animateurs découverts pendant l’été ne soient plus reconduits. Le galop d’essai que constituait l’été évitait les mauvaises surprises. Saluons donc « Médiaboliques » et son producteur Stéphane Lepoittevin ainsi qu’Aude Dassonville. Egalement, le site de Radio-France annonce les changements : http://sites.radiofrance.fr/franceinter/ev/fiche.php?ev_id=1393

 

Inimitable, indispensable, irremplaçable Philippe Val

 

On remarque que Victor Hugo –à qui l’on n’a surement pas demandé son avis –est mis en exergue pour justifier la grille de rentrée. C’est tout Philippe Val, ça ! Le reste est de la même eau. « la radio telle que je l’aime et je l’imagine » ; « J’ai toujours pensé qu’on manquait cruellement de » ; « Je pense que » ; une petite référence à Kundéra en passant. On est donc prié d’aimer ce qu’aime M. Val qui, décidément pense beaucoup, pense à nous et a « toujours pensé ».

 

Pendant près d’une demi-heure, MM. Hees et Val ont répondu à des questions pas méchantes mais loin d’être convenues. Ne boudons pas. Remarquons d’entrée que M. Philippe Val est moins à l’aise devant un micro comme directeur devant justifier ses choix que lorsqu’il était chroniqueur ou simplement invité pour dire tout le mal qu’il pensait du Mondial 98. Forcément, tout son propos va se ressentir de cette absence totale d’aisance qui dénote l’impression qu’il donne d’être une pièce rapportée, un élément étranger à la maison ronde et même au monde des médias en général. C’est sans doute la raison pour laquelle on lui a adjoint une directrice en la personne de Mme Laurence Bloch comme il avait fallu doubler M. Pierre Bouteiller, directeur, par M. Patrice Duhamel. La question de la chronique humoristique arrive dès le début. M. Val se défend : non l’humour ne disparaît de la chaine mais trouvera place en fin de session d’information et non plus au milieu du travail de la rédaction. Pour lui, ça change tout. On apprend qu’il a imposé cette chronique contre l’avis de son supérieur. Comme quoi, il ne tire aucune leçon du passé récent et suppose que c’était seulement la personnalité des humoristes qui était en cause.

 

Nous l’avons déjà dit : c’est le principe même du billet d’humeur, instauré depuis la direction de M. Pierre Bouteiller qui porte en lui tous les dérapages et toutes les perversions. Quels que soient leurs talents, l’imitateur Gérald Dahan (plutôt poussif cet été dans sa présentation d’une anthologie du rire) qui a préféré laisser la place à Daniel Morin et Raphaël Mezrahi tomberont forcément dans les travers inhérents au genre. On ne peut pas faire rire tous les jours à heure fixe en parlant pendant cinq minutes. « Le tribunal des flagrants délires », souvent cité comme la référence maison était loin d’être drôle tous les jours. Notons aussi que les dérapages étaient aussitôt interrompus par la clochette du « président » Claude Villers (qui n’avait pas la réputation d’être un conservateur). Rappelons aussi, qu’en son temps, il avait mis fin à la collaboration de Pierre Desproges, tout comme Jacques Martin qui l’avait fait débuter dans l’audiovisuel même si tout le monde a oublié l’un et l’autre. Remarquons que dans la presse écrite, Le Canard enchaîné et Charlie Hebdo ne paraissent qu’une fois par semaine.

 

Soyons sûrs que M. Val s’en mordra les doigts un jour ou l’autre et que le courrier sanctionnera tel ou tel autre propos, voire qu’une polémique naîtra à partir d’une chronique. Il ne suffira pas de changer l’intervenant. Après la mise au point sur l’humour qui « a toute sa place sur France-Inter », il regrette d’avoir appris le départ de Nicolas Demorand par une dépêche d’agence un soir vers 18 h. Ça lui va bien de dire ça quand on se souvient comment Simon Tivolle a été débarqué en janvier et comment Didier Adès et Dominique Dambert ont appris leur licenciement la veille au soir pour le lendemain.

http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/emmanuel-berretta/rue-des-entrepreneurs-la-version-d-un-journaliste-licencie-01-05-2010-450139_52.php

 

A la question sur la place des jeunes, Philippe Val rappelle que France-Inter est une radio généraliste, que toutes les tranches d’âge l’écoutent et pas seulement les jeunes. En effet, mais ça ne répond pas à la question. Quant aux tranches d’âges, qu’on nous permette de rigoler doucement. Les moins de vingt-cinq ans n’écoutent pas beaucoup Inter et les moins de quinze ans ignorent jusqu’à son nom. Simplement, Philippe Val vieillit (comme tout le monde), son ancien public aussi et il s’adresse à ceux de son âge. D’ailleurs, les plus jeunes n’ont pas les références pour comprendre sa démarche. En clair, rien n’est fait pour les jeunes et il ne suffit pas de passer du rap à tout bout de champ comme on l’a fait à une époque (avec les Foulquier père et fille) pour attirer les jeunes. Ils viendront à l’écoute s’il y a un ton qui leur convient, un rythme, de la musique. En d’autre termes : tout le contraire de France-Inter ! D’ailleurs, pour bien signifier à quelle tranche d’âge on s’adresse, on a rappelé José Artur (83 ans) qui participera au « Fou du Roi » tous les vendredis et Bernard Lenoir (65 ans) continue de faire la même émission depuis 1978. Auparavant, il remplaçait J.-B. Hébey pendant l’été sur RTL puis intervenait dans les émissions de Claude Villers, Patrice Blanc-Francard et Olivier Nanteau ou dans le Pop Club de José Artur ; on y revient. Voilà pour les jeunes.

 

On fait remarquer à monsieur le directeur qu’il n’y a pas beaucoup de femmes à l’antenne. Certes, il ne se pose pas la question en ces termes. En revanche, on aurait pu lui rappeler que Patricia Martin animait la matinale avec le ton qui convenait pour bien commencer la journée quelle que soit l’actualité ou le climat.

 

Sur le contenu, M. Val reprend son expression chérie des « fenêtres » qu’il ouvre ou qu’il élargit. Il parle beaucoup de culture. C’est bizarre pour une radio généraliste d’autant que, pour la culture, il y a France-Culture (désormais dirigée par M. Olivier Poivre-d’Arvor ; on ne rit pas), autre radio du groupe Radio-France. La culture, faute de Demorand, ce sera Philippe Colin. On est prié de ne pas rire. Il est vrai que tous ces gens qui sont arrivés comme chroniqueurs sur la station pendant l’ère Bouteiller, se targuaient tous d’être cultivés et d’une morale irréprochable qu’ils avaient à cœur de nous imposer considérant que nous manquions de l’une et de l’autre avant. Aujourd’hui, l’un d’eux est directeur d’Inter et l’autre animera deux heures de culture pour les auditeurs qui rentrent du boulot ou sont encore dans les embouteillages.

- t’as pensé à ramener du pain ?

- non, j’écoutais Philippe Colin ! et toi que faisais-tu ?

- j’écoutais Demorand !

 

La matinale

 

La matinale, c’est le gros morceau. Voici ce qu’on entend pour allécher le chaland : « le 6/7 avec Audrey Pulvar : la politique, l’actualité internationale, des reportages, des analyses, des invités ». Tout ça au pluriel dans une heure d’information amputée de 28 minutes en deux fois pour les journaux sans compter les points sur la circulation routière et la météo. On salue le retour de Simon Tivolle mais, au bout du compte, la session soi-disant axée sur l’international se trouve limitée à 5 minutes (entre 6h 19 et 6h 24). Rappelons que ça devait remplacer « Et pourtant elle tourne » mais on n’a pas réussi à faire tenir ¾ l dans un flacon de 5 cl. En plus, on peut se demander si c’est bien le moment d’en parler. En revanche, « Partout ailleurs » de Pierre Weil, semble reprendre quelques bonnes idées de l’émission défunte mais, là encore, 40 minutes le vendredi après le journal de 19 heures, c’est un peu court. On se recentre sur son nombril.

 

Passons à l’heure suivante. Jusqu’à présent, les questions posées par Patrick Cohen sont plutôt plus pertinentes qu’avant. On remarque deux chroniques politiques en une heure. Quant à l’humour « qui a toujours sa place sur France-Inter », jusqu’à présent Raphaël Mezrahi n’a pas été vraiment poilant. Encore une fois, est-ce bien le moment pour se taper sur les cuisses ? On remarque sur le site Internet que toutes les interventions d’humoristes sont désormais répertoriées avec l’heure exacte, à la minute près de leurs chroniques. Les humoristes forment désormais la majorité des chroniqueurs. Qu’on se le dise ! Ça, c’est pour la façade : bien montrer qu’on a de l’humour. Comme si l’humour était le mètre étalon pour mesurer la qualité d’une station de radio généraliste.

 

Où est Bernard Maris ?

 

En revanche, personne n’a remarqué la disparition de la chronique « L’économie autrement » de Bernard Maris. Cet économiste réputé nous expliquait en termes simples qu’on pouvait faire autrement et qu’il n’y a pas de fatalité au capitalisme débridé, qu’il existe des solutions et pas une seule politique économique et pas vraiment sociale. Entendre chaque matin un spécialiste démonter les mécanismes qui maintiennent le chômage et nous conduisent dans le mur était particulièrement intéressant voire dérangeant. Désormais, il faudra se contenter d’une fois par semaine dans la matinale de Patricia Martin. La suppression de la chronique suit curieusement celle de « Rue des entrepreneurs » autrement moins subversive mais sans concession pour les dérives du capitalisme et remplacée par une émission d’Alexandra Bensaïd destinée à nous convaincre qu’on peut réussir malgré les crises. Cette disparition que personne n’évoque est autrement plus grave que les fins de contrats des deux pitres qui n’avaient pas grand-chose à dire sinon qu’ils étaient mal payés et victimes de la censure politique. Ce qui est grave, c’est qu’on se soit mobilisé pour eux et que personne ne bronche quand « L’économie autrement » n’a plus droit de citer. C’est sûr que c’est plus facile d’applaudir quand on dit « Sarko enc… » que d’écouter des solutions alternatives au même Sarko.

 

Contrairement à ce qui avait été supposé ici, Pascale Clark ne se voit pas confier la tranche qu’elle animait sur RTL entre 18 h et 19 mais elle occupe une bonne partie de 9h à 9h 45. Dommage pour Vincent Josse qui avait réussi à imposer son ton et son rendez-vous culturel et qui s’est reconverti dans l’hagiographie hebdomadaire de Jean-Marie Banier puisqu’on nous annonce une suite. Consternant. Pour lui faire de la place l’année dernière, on avait déjà prié Colombe Schneck d’aller voir ailleurs. Notons une autre information peu évoquée : le licenciement de Florent Chatain qui s’ajoute à la demi-douzaine de la fin juin. Certains ont été promus mais la plupart doivent aller planter leurs choux ailleurs. Peu de chances pour qu’un pont d’or soit proposé à un parfait inconnu comme Florent Chatain par une radio périphérique.

http://www.ozap.com/actu/val-florent-chatain-france-inter-renvoi-antenne/361212

 

En revanche, comme prévu, Marie-Pierre Planchon n’a pas pu maintenir le « Crumble » de la regrettée Kriss, elle-même sur la tangente ces dernières années. Elle anime le mardi « Partir avec » mais c’est pas vraiment ça… Il a fallu faire de la place à Stéphane Paoli qui tient à refaire Baobab au Théâtre du Rond-Point (à Paris) en promettant d’aller rendre visite aux gueux de la province une fois par mois : deux heures de questions philosophiques et sociologiques très sérieuses mais jamais approfondies et des invités trop nombreux et interrompus par des rendez-vous fixes.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2007/01/09/3641456.html

 

 

Fin de l’épisode

 

La parlote est désormais omniprésente à toute heure du jour et de la nuit avec le format quasi unique de l’animateur qui reçoit un ou plusieurs invités ou qui diffuse une entrevue. On retiendra la disparition d’une émission irréalisable ailleurs que sur la radio de service public « Et pourtant elle tourne » avec les correspondants de Radio-France dans le monde remplacée par le rendez-vous du vendredi de Pierre Weil car on ne peut pas sérieusement qualifier le 6/7 de « session tournée sur l’international » avec 5 minutes en deux fois. La revue des radios francophones publiques a disparu également. De toute évidence, M. Val qui parle tant « d’ouvrir des fenêtres » a fermé carrément les lucarnes sur le monde. Il est vrai que quand on vit dans un pays aussi prestigieux que

la France

, le reste du monde ne présente aucun intérêt. Place donc, à la culture parisienne puisque Paris, c’est

la France

comme chacun est prié de le savoir. Rappelons aussi que le conflit à RFI n’est pas terminé.

En cette rentrée 2010 s’ajoutent d’autres licenciements et d’autres fins de chroniques absolument pas médiatisés comme celle de l’économiste Bernard Maris. Comme quoi, il y a toujours une pensée unique qui engendre une opposition convenue et tout aussi unique mais absolument pas dérangeante pour le système.

 

 

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