Bernard Clavel et le vin jaune
Il faisait partie de ces écrivains que j'ai étudiés avec Jean-Marie Floch. J'ai lu L'Espagnol » et j'ai aimé l'histoire et le style. Des années plus tard, j'ai vu à l'occasion de sa seule rediffusion, l'adaptation de Jean Prat pour la télévision. C'était tout aussi magnifique. Entre temps, le petit écran nous avait régalé avec « Le silence des armes » et d'autres œuvres qui ne se terminaient pas toutes bien. Bernard Clavel ne faisait pas de concession. Son style simple était d'une correction admirable ce qui en facilite l'écriture pour tout le monde. À quoi servirait d'écrire si seule une élite pouvait lire, décrypter, comprendre ? Bernard Clavel s'adresse à tous et c'est certainement son plus grand mérite littéraire. «Le silence des armes » en dit plus sur les crimes liés à la colonisation que tous les discours bien pensants qu'on entend depuis quelques années. Avec d'autres, il a contribué à donner une conscience antimilitariste et anticoloniale autrement plus forte et plus profonde que la simple impulsion.
Bernard Clavel était né en Franche-Comté, dans les montagnes du Jura. Il l'évoque constamment dans son œuvre. C'est sa lecture qui m'a donné envie de la connaître un jour, avec toutes les conséquences heureuses pour moi en termes de relations humaines. C'est en tournant les pages que j'ai bu mes premières gorgées de ce vin jaune que je devais découvrir bien plus tard.
Je ne suis pas un amateur de vin mais j'ai toujours une bouteille de Jura avec sa forme si particulière. Quand elle arrose une saucisse de Morteau à la cancoillotte, une potée comtoise, un mont d'or chaud ou un morceau de comté, je revis les lectures et les images de Clavel, je réactive les convictions construites à la source de son œuvre et je retrouve mes amis et mes amours de Franche-Comté.