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la lanterne de diogène
19 décembre 2010

TGV : des montagnes et des fleuves à franchir

On apprend incidemment que le TGV traverse désormais les Pyrénées. On nous dit qu’il faut désormais à peine plus de 5 heures pour relier Paris au musée Dali de Figueres. Au passage, étonnons-nous de cette indication artistique surprenante pour ce thème. Ensuite, il ne faudrait ni passer sous silence cette nouvelle avancée ni s’en vanter.

http://www.montpellier.cci.fr/pages/index.php?id_m=3&id_arbo=014909630964&men=17&id_page=1007

 

http://passion-trains.over-blog.com/article-lgv-perpignan-figueras-en-tgv-pour-noel-2010-52466340.html

 

D’abord, il faut rappeler que la liaison entre Figueres et Perpignan a été sans cesse retardée. Malgré l’accord des sociétés ferroviaires françaises et espagnoles, malgré l’appui de la Généralité de Catalogne et de son homologue français présidée par le défunt Georges Frêche, malgré les bonnes intentions des sommets bilatéraux, au dernier moment les gouvernements français ont reporté sans aucune justification pendant des années. La décence impose une certaine modestie.

Pourtant, l’avancée est considérable. Pour la deuxième fois seulement, une ligne à grande vitesse (LGV) part de France (de Paris inévitablement dans notre pays hyper centralisé) et passe une frontière. Après la Belgique, c’est le tour de l’Espagne qui pourra accueillir les TGV français.

 

LGV_catalaneDans le même temps, deux villes catalanes, l’une en France, Perpignan, l’autre en Espagne, Figueres se trouvent reliées. Au-delà, c’est Barcelone qui n’est plus qu’à un jet de pierre de l’Europe vers laquelle, historiquement, elle s’est toujours tournée.

 

Les réserves concernent le projet initial. En effet, la liaison inaugurée en ce dimanche neigeux du 19 décembre 2010, devait être un maillon du vaste projet de liaison à grande vitesse Rhin-Rhône. Il s’agissait de relier à terme Francfort à Barcelone en passant par Strasbourg. Au-delà, c’était carrément une ligne Hambourg-Séville qui était prévue. Ce projet était porté en France par M. Chevénement, ancien ministre et élu de Belfort. Or, comme sa personnalité dérangeait tant à droite que dans son propre camp de gauche, aucun gouvernement français ne s’est appliqué à soutenir un programme de la plus haute importance stratégique dans la construction européenne. Les partis de gouvernements crient volontiers « Europe ! Europe ! en faisant des sauts de cabri », comme disait De Gaulle, mais restent extrêmement timorés dès qu’il s’agit de réalisations concrètes au profit des populations européennes. Après le référendum de 2005 et la crise bancaire de 2008, on sait désormais qu’il n’y en a que pour les financiers.

 

Donc, pour ne pas favoriser une personnalité politique incontrôlable, les gouvernants français ont freiné des quatre fers le projet Rhin-Rhône. Mieux, on a travaillé dans le même temps sur des liaisons moins importantes comme un TGV pour la Normandie déjà à un jet de pierre de Paris aujourd’hui avec les trains traditionnels. Il est vrai qu’on envisage un financement et une exploitation privés et que c’est intéressant tant il est vrai qu’il faut détruire tout ce qui ressemble à un service public.

 

Le projet de TGV Rhin-Rhône a quand même été soutenu. D’abord, les Allemands et les Espagnols n’ont pas chômé. Si l’ICE allemand peut circuler sur voie traditionnelle moyennant quelques aménagements et une signalisation particulière, l’Espagne a eu la volonté d’en finir avec un réseau vétuste hérité de la paranoïa insensée de Franco qui a imposé un écartement des rails plus large craignant une invasion. A la faveur de l’Exposition Universelle de Séville et des Jeux Olympiques de Barcelone, une première LGV a été ouverte en 1992 et les travaux se sont poursuivis. Outre Séville reliée à Madrid, une branche a rapidement été ouverte vers Malaga puis une autre au nord vers Valladolid. Surtout, des travaux gigantesques ont permis de relier la capitale à la deuxième ville, Barcelone, en passant par Saragosse. C’est le prolongement de cette LGV qui passe désormais sous les Pyrénées pour rejoindre Perpignan. Après, eh bien, les TGV et autres Talgo se transformeront en tortillards en attendant que les Français se mettent à l’ouvrage. Il convenait de rappeler ces faits car, l’Espagne est désormais le premier pays européen équipé en LGV, devant la France qui démantèle sa SNCF et se fait rafler la première place.

http://www.rfi.fr/europe/20101219-espagne-nouveau-leader-europeen-tgv

 

Cette première place ne devait rien au hasard mais à l’investissement public car aucun entrepreneur privé n’aurait risqué un centime pour financer des études et des travaux à la fin des années 1960 pour un projet de train ultra rapide à l’heure du tout-automobile et de l’avion supersonique. Les autres pays ont attendu de voir les résultats avant de se lancer à leur tour. 

 

A noter que Les Echos insiste sur le retard dans l’achèvement des quelques 140 km entre Figueres et Barcelone quand en France, les TGV rouleront à vitesse normale entre Perpignan et Avignon soit 240 km à condition de rejoindre la LGV. Jusqu’à présent les Talgo Barcelone-Paris roulent sur voie traditionnelle sur le parcours français.

http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/service-distribution/actu/0201013480301-le-tgv-francais-arrive-en-espagne.htm

 

Toute honte bue, Le Figaro met en avant l’investissement privé. Le ridicule ne tue pas. Les géants du BTP arrivent après la bataille pour prendre les médailles payées par les impôts.

http://www.lefigaro.fr/international/2010/12/18/01003-20101218ARTFIG00391-le-tgv-va-passer-sous-les-pyrenees-dimanche.php

 

 

Tandis que l’Espagne construisait des couloirs pour ses trains à grande vitesse, la France piétinait. On se disputait sur le tracé. Le long du Rhin, pas de problème, on laissait faire les Allemands mais, dès Mulhouse, il fallait décider. Bien sûr, Belfort devait être desservie puisque M. Chevènement, principal soutien en France en était l’élu. Ensuite, l’arrêt à Besançon s’imposait. Jusque là pas de problème. Après, les élus francs-comtois se sont ligués pour imposer des arrêts chez eux notamment à Dôle mais aussi Lons-le-Saunier. Impossible de leur faire admettre que si le train s’arrête partout, il ne peut plus rouler vite. Forts de leur combat contre le projet insensé de canal à grand gabarit Rhin-Rhône lui aussi, ils ont entravé le projet pendant des années.

 

Ça c’est débloqué il y a peu et Besançon, le chef-lieu de région est fier aujourd’hui d’accueillir bientôt le TGV. Une pendule à rebours égrène les minutes le séparant de l’arrivée du train rapide. Pourtant, à y regarder de près, ce n’est pas vraiment ce qui était prévu. La nouvelle LGV qui traverse la Franche-Comté n’a pas pour but de rejoindre la vallée du Rhin et Strasbourg ni encore moins la vallée du Rhône. Ne parlons pas de l’Espagne. En fait, la ligne partira de Mulhouse pour rejoindre Dijon. De là, elle empruntera pendant quelques kilomètres la voie traditionnelle avant de retrouver la première LGV française. En d’autres termes, il s’agit d’une ligne Mulhouse, Besançon, Dijon, Paris. On a complètement abandonné la liaison à grande vitesse Rhin-Rhône.

 

On comprend que la France n’a jamais eu l’intention de s’intégrer à l’Europe mais demeure centrée sur sa capitale. La décentralisation, la construction européenne ne peuvent rien contre les vieux réflexes. Les TGV partent de Paris tout comme les grands express des époques impériales et de la troisième République. Les TGV de province à province empruntent les voies traditionnelles à la même vitesse que les trains classiques. Le seul avantage est l’absence de rupture de charge. Bien sûr, le rêve d’un tarif égal, à peine majoré par la réservation obligatoire n’est plus qu’un lointain souvenir y compris quand le TGV ne roule pas vite.

TGV_pyr_n_es

Aujourd’hui, les trains peuvent franchir les Pyrénées mais ne peuvent pas venir à bout du jacobinisme entêté.

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