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la lanterne de diogène
13 octobre 2011

Les larmes de Ségolène

C'est toujours touchant de voir quelqu'un pleurer. Chaque larme rappelle à chacun d'entre nous sa faiblesse et, pour tout dire, la fragilité de l'humanité. Lorsqu'il s'agit d'une personnalité de premier plan, c'est encore plus troublant. Les larmes rappellent que même habillé de vêtements chers, même en ayant accès à des soins trop onéreux pour le commun, un homme, ou une femme en l'occurrence, reste aussi fragile qu'au premier jour. La vie a endurci, a façonné une carapace pour les uns ou a entamé le peu de protection naturelle des autres. Malgré tous les efforts d'une vie, il reste des émotions incontrôlables. Ça fait du bien de se sentir, quelques trop rares fois, à égalité.

 

Maintenant, cette sincérité qui affleure, ces larmes qui trahissent la fragilité, barrent la route de l'Élysée à Mme Royal. À force de se confectionner une carapace, d'affuter ses armes dans divers combats, ne serait-ce que pour faire reconnaître à une femme intelligente ses compétences, à force de l'emporter sur des adversaires en apparence démesurés, elle a oublié qu'elle reste un être vulnérable comme tout le monde. Dans la défaite, elle avait affiché une belle assurance et avait maintenu le cap malgré les changements survenus autour d'elle. Elle avait fini par se croire invincible au point de ne pas écouter les avertissements et de ne plus écouter les conseils.

 

Pourtant, son échec était hautement prévisible. D'abord, il y a cinq ans, elle avait bénéficié du succès dû à la nouveauté de sa démarche. On lui avait pardonné ses bourdes ; encore que. Elle impressionnait par sa volonté de parvenir au pouvoir. Elle rappelait les grandes figures politiques, persuadées de leur destin et prêtes à incarner la nation. À aucun moment, elle n'oubliait qu'elle était femme et profondément ancrée dans la réalité de la vie. Ça plaisait mais l'appareil médiatique presque entièrement dévolu à son adversaire, l'impression qu'il donnait qu'il allait tout casser et qu'avec lui, les méchants n'auraient qu'à bien se tenir, la misogynie, enfin, d'une partie de la population (et pas seulement chez les vieux barbons), l'avaient éloignée de la Présidence. On se disait que ce n'était que partie remise.

 

Las, la campagne avait changé la femme qui incarnait le changement, la jeunesse et la féminité conquérant le pouvoir politique. Face aux événements, Mme Royal s'est bornée à opposer une morgue et à répéter qu'elle avait eu raison avant tout le monde. On n'aime pas ça, parce que ça veut dire qu'on a eu tort et l'on n'aime pas avoir tort. Dans le même temps, d'autres ont montré de meilleures aptitudes. La sagesse aurait dû lui dicter de demeurer en retrait et de passer son tour pour cette fois. À défaut de sagesse, l'imitation de Mitterrand, son mentor, aurait dû lui imposer d'attendre. Présent en 1965, Mitterrand ne l'était pas en 1969 et a laissé Defferre boire la tasse. Il n'y avait pas de candidat de gauche au second tour. Deux ans plus tard, il fondait le PS et apparaissait comme le sauveur de la gauche non-communiste.

 

Pour cette fois, consolons-nous en admettant que, si l'on a perdu une bonne candidate, voire une bonne Présidente, on a gagné à découvrir l'humaine nature d'une femme politique.

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