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la lanterne de diogène
4 décembre 2011

Sarkozy à Toulon

On se focalise sur les relations franco-allemandes après le discours de Toulon prononcé par le Président de la République. On fustige ses propos sur les étrangers. On souligne qu'il a prononcé là, un discours de campagne électorale. On n'a pas tort mais il ne s'agit que de l'évidence. En revanche, on élude deux points qui, n'en doutons pas, vont s'insinuer dans notre vie quotidienne et s'imposer.

http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2011/12/01/04016-20111201ARTFIG00679-le-sauvetage-des-banques-n-a-rien-coute-au-contribuable.php

 

D'abord, il a annoncé en termes à peine voilés que la protection sociale ne sera plus financée et l'on peut penser qu'elle sera abandonnée aux assurances privées (dont le groupe Médéric dirigé par son frère) qui auront tout loisir de choisir leurs clients et de leur imposer leurs cotisations. Le Président a évoqué notamment la retraite et la maladie mais on peut penser que tout le reste sera touché et notamment le chômage.

En revanche, les allocations familiales, pour des raisons stratégiques et démagogiques devraient demeurer dans le domaine public, dont financé par l'impôt et les cotisations. On s'en doute depuis une dizaine d'années mais, désormais, les choses ont été annoncées. Le problème, c'est que le modèle de protection sociale, hérité de la Résistance au totalitarisme fait envie au monde entier ou presque. Les pays en voie de développement ont, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et les indépendances, en ligne de mire un environnement économique qui favorise le progrès social. Le progrès social, c'est un logement correct, une nourriture saine et abondante, l'éducation pour les garçons et surtout les filles, la possibilité de s'arrêter de travailler avant la mort ou l'invalidité, un accès aux soins facilité par le remboursement partiel. Outre un avantage individuel pour les bénéficiaires, un pays en bonne santé travaille mieux et produit mieux, ce qui augmente la richesse nationale. C'est cet objectif qui a été atteint par la Corée dans les années 1980 et le Brésil récemment. Du moins, telle est l'image profondément ancrée dans l'imaginaire collectif universel. Or, la majorité de droite en France prône exactement le contraire, s'accroche comme à un rocher aux dogmes libéralistes en prétendant pouvoir lutter contre la concurrence nouvelle des pays émergents. Justement, ces pays émergent en appliquant des politiques radicalement différentes mais proches de celles qui ont conduit à la croissance des fameuses « trente glorieuses ». Ils gardent en ligne de mire le modèle français où la population vit bien tout en développant des technologies de pointe.

 

Autre aspect de ce discours de Toulon, c'est la limite soulignée du langage ambigu. Depuis une dizaine d'années, depuis les formules de M. Raffarin, on entend, on subit une terminologie trompeuse, une inversion des valeurs. Pour dire les choses grossièrement, on nous fait prendre des vessies pour des lanternes, et ça marche. On nous a parlé de « France d'en-bas » ou qui « se lève tôt ». Notre culture faite de films qui montrent les conflits sociaux dans les mines, notre éducation qui a vaguement entendu parler des grèves de 1936 considèrent la classe ouvrière et les petits salariés comme le bas de l'échelle sociale. On comprend donc que cette France d'en-bas ou qui se lève tôt, est constituée de ceux-là. En fait, la droite libéraliste les considère comme « privilégiés » puisqu'ils sont assurés d'un salaire mensuel quelque soit le résultat de l'entreprise et quelque soit le marché. Ces termes désignent, en réalité, les petits entrepreneurs qui risquent leur capital. Les « réformes », constituent l'apogée de ces abus de langage et de cette ambiguïté. « Réforme » est compris par tous comme un progrès puisque ce sont des « réformes » qui ont amené le progrès économique et social. Les partis politiques partisans des réformes ont été qualifiés à juste titre de « réformistes » (par opposition aux révolutionnaires, il est vrai). Jusqu'à présent, c'était la gauche qui incarnait ce courant réformiste, voire le centre quand il existait encore. Or, les « réformes » impulsées par MM. Raffarin et Fillon ont consisté, précisément, à rogner les progrès obtenus au cours du 20ième siècle. « Réforme » est à comprendre comme « réforme » du matériel usé ou obsolète ou réforme du bétail âgé. Depuis dix ans, d'une manière tout à fait surprenante, ces abus de langage fonctionnent et le public continue de croire que les belles formules ambiguës s'appliquent à sa situation. On aime bien se sentir flatté. On ressent moins la douleur.

 

Cette fois, M. Sarkozy échoue en prétendant que « la souveraineté » sera mieux défendue au niveau européen. Tout le monde a bien compris qu'il s'agit d'un abandon de souveraineté, sans aucune ambiguïté et qu'il ne s'agit même pas d'une souveraineté partagée. On devine également que si la souveraineté est abandonnée à la technocratie européenne (la « règle d'or »), elle sera, de fait, abandonnée aux intérêts financiers. On en revient à une constatation qui s'est affirmée cette année, à savoir l'inutilité de la volonté démocratique, des élections, donc, puisque la politique économique et sociale sera soumise au contrôle de la technocratie européenne elle-même soumise aux agences de notations qui dépendent directement de la finance internationale.

 

Déjà, on peut observer un sursaut quand on nous rabâche que « nous » avons vécu « au-dessus de nos moyens » et qu'il faut payer « nos dettes ». Les salariés qui vivent dans la restriction depuis dix ans, qui paient à leurs enfants des études de plus en plus longues pour entendre dire par les patrons qu'ils ne trouvent pas de personnel formé, qui doivent se restreindre encore pour les aider à louer un premier logement (caution, garanties etc.), qui doivent payer de plus en plus de médicaments, de dépassements d'honoraires médicaux, qui vivent dans la crainte que leurs contrats de travail ne soient pas renouvelés ou que leur boite ferme, ou que pour assurer de meilleurs rendements d'actions, les grosses entreprises licencient, qui voient les tarifs des services publics mis en concurrence augmenter, qui constatent que les péages des autoroutes privatisées augmentent à chaque départ en vacances, qui n'ont pas vu le prix du repas de midi pris à la brasserie du coin diminuer lors de la baisse de la TVA à 5 % mais le voient majoré depuis qu'il est passé à 7 %, qui ne font même plus attention aux gens qui dorment dans la rue à quelques mètres de chez eu ou qui tendent la main devant l'entrée de leurs bureaux ; les salariés, donc, n'ont pas vraiment le sentiment d'avoir vécu « au-dessus de leurs moyens ». En revanche, ils savent parfaitement que la crise actuelle est due aux financiers qui jouent avec leur argent à eux, les salariés, et qui l'ont perdu. En plus, on leur a demandé de les renflouer et ils ont recommencé aussitôt après. Si la culpabilisation fonctionne, en revanche, il semble qu'on ait atteint les limites du langage inversé.

 

 

Petit décryptage :

 

«Lever les tabous sur les freins à la compétitivité française» : en clair, il s'agit de tous les coûts liés à la production, y compris le salaire, soyons en surs.

 

Le reste est à l'avenant :

 

«On ne peut pas financer notre protection sociale comme hier en prélevant uniquement sur les salaires quand les frontières sont plus ouvertes et qu'il faut faire face à la concurrence de pays à bas salaires»

 

«Permettre la retraite à 60 ans sans financement était une décision socialement injuste»

 

«Depuis trente ans, ceux qui travaillent et qui sont proportionnellement de moins en moins nombreux ont vu peser lourdement sur leurs revenus la charge de ceux, de plus en plus nombreux, qui vivent plus longtemps (…) C'est pour cette raison que la réforme des retraites ne pouvait plus être différée et qu'il a fallu en accélérer le calendrier. Contester cette réalité, c'est mentir gravement aux Français.»

 

«Sur l'emploi, on n'a pas tout essayé mais à la fin, il n'y a que la croissance qui viendra à bout du chômage».

 

«Travailler plus et mieux, se former plus et mieux, investir massivement et mieux, ce sont les principaux leviers par lesquels la France mettra en phase le nouveau cycle économique»

 

«Ce n'est pas en choisissant une politique de partage du travail qui a échoué partout dans le monde que la France tirera le meilleur parti de ses ressources. Entre gagner moins et travailler davantage, je suis convaincu que la deuxième solution est préférable à la première. C'est plus juste et cela nous permettra de sortir de la crise au lieu de l'aggraver»

 

«L’Europe a besoin de plus de solidarité. Mais plus de solidarité exige plus de discipline»

 

«L’Europe, ce n’est pas moins de souveraineté, mais davantage de souveraineté parce que c’est davantage de capacité d’agir»

 

«C'est par l'intergouvernemental que passera l'intégration européenne parce que l'Europe va devoir faire des choix stratégiques, des choix politiques»

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