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la lanterne de diogène
25 février 2012

En train de voter

Sur le blog ami, Chris Phénix nous relate une expérience vécue :

http://leblogquatre.canalblog.com/archives/2012/02/15/23528280.html

 

 

Beaucoup de questions soulevées à l'occasion d'un banal dysfonctionnement ferroviaire.

D'abord, la ligne C du RER parisien (d'ailleurs, il n'y en a nulle part ailleurs dans notre beau pays centralisé – encore une question soulevée) a toujours connu des problèmes de toutes sortes. Au départ, on a voulu relier deux lignes de banlieue secondaires. Ensuite, on s'est dit qu'on pouvait prolonger les parcours en utilisant les voies déjà en service et en ré-ouvrant une autre abandonnée depuis longtemps (créée pour rejoindre la Tour-Eiffel lors de l'Exposition universelle).

 RER C

Là, on a commencé à instiller la confusion dans l'esprit des usagers. Ensuite, on a expérimenté un système d'appellation des trains qui facilite la vie des habitués une fois qu'ils ont pigé le truc. Il suffit, en effet de mémoriser les trois ou quatre noms de trains qui desservent les gares qui les concernent. Mais pour les autres, voyageurs occasionnels de la ligne, c'est un casse-tête sans nom. Surtout, on a voulu appliquer à des vieilles lignes Sncf la gestion (logistique) du RER de la Ratp. À partir de là, tout est allé de mal en pis malgré les nombreuses améliorations apportées depuis plus de trente ans que ça dure. En plus, la partie parisienne de la ligne dessert Notre-Dame et le Quartier Latin, le musée d'Orsay (et donc le Louvre en face), les Invalides et encore l'aérogare d'Air-France, la Tour-Eiffel. Plus loin, on atteint le château de Versailles et de l'autre côté, l'aéroport d'Orly. C'est également le mieux pour se rendre à la Maison de la Radio pour assister à des émissions en public. Ça fait beaucoup pour un tunnel qu'on ne peut pas doubler puisqu'il est construit dans la berge sud de la Seine.

 Gare_Saint-Michel_-_Notre-Dame_-_RER_C_-_01

Ensuite, la vitupération du voyageur est commune. Il suffit de prendre un quelconque moyen de transport à Paris pour entendre ce genre de propos. Celui qui prend la parole à voix haute se sent, en quelque sorte, investi de la grave mission d'alerter les autres sur quelque chose qu'ils constatent en silence. Il s'y ajoute un certain sentiment de supériorité puisque le récalcitrant se moque implicitement des autres qui n'ont pas, comme lui sa lucidité qui lui permet de comprendre aussi bien où sont les responsables. D'autres, sous l'emprise de l'exaspération, auront tôt fait de lui apporter leur soutien : pourvu qu'on tienne un coupable pour lui déverser sa haine.

 

Encore une fois, notre beau pays très centralisé insinue que tout ce qui se décide pour Paris est dû au pouvoir du Président. Notre beau pays est également très administré et tout ce qui rend service, y compris en province, est perçu comme le bon vouloir du pouvoir politique national. Donc, si le distributeur de billets ou le tourniquet ne fonctionne pas, c'est la faute de Sarko. Il est vrai qu'on ne prête qu'aux riches mais un Président moins nul recevait autant de critiques négatives et intempestives. On touche du doigt, l'ignorance totale des domaines de compétence des uns et des autres ainsi que l'idée, tout à fait monarchique, que celui qui se trouve à la tête de l'État peut tout. Dans notre pays, profondément laïc, qui a chassé dieu, y compris des consciences, on lui trouve des substituts rationnels tels que la science ou le pouvoir absolu d'un homme politique local ou national. Qu'importe le mandat, il suffit d'aller le voir pour obtenir justice. C'est la version moderne du bon roi saint Louis rendant la justice assis sous un chêne centenaire. À croire qu'on a toujours besoin d'un être tout-puissant pour accompagner la vie de tous les jours ou, du moins, tout ce qu'on ne comprend pas à commencer par une panne mécanique ou électronique.

 

Les premiers hommes craignaient la foudre, la pluie, le vent, le soleil et encore aujourd'hui, il s'en trouve pour invoquer un esprit en cas de maladie là où, nous qui sommes supérieurement intelligents voient (avec des instruments) des virus et autres microbes. Notre intelligence supérieure nous fait voir (par le petit bout de la lorgnette ou du microscope) l'inefficacité de l'administration et du Président dans tous les tracas de nos vies quotidiennes. Il est vrai qu'on est encouragé à le penser devant une telle incompétence au plus haut niveau. Ces critiques n'ont pas lieu d'être mais elles sont. L'auteur suggère, à peine discrètement, que l'esprit qui les formule est, au moins, mal informé. Il s'empresse de s'agréger à la masse pour avouer son incompétence, au moins partielle, dans des domaines capitaux sur lesquels nous allons avoir à nous prononcer. D'où la question épouvantable : sommes-nous capables de bien voter alors que nous sommes en partie ignorants ?

 

Les démagogues et tous ceux qui pensent que les Humains sont intelligents en toutes circonstances répondent automatiquement que oui. Les philosophes sont plus nuancés. Quant à ceux qui fréquentent les bistrots et les pages d'Internet, ils les rejoignent dans une stupéfiante collusion des deux extrêmes de l'échelle de la connaissance. Il est bien évident qu'on ne peut pas tout savoir. Tout le monde n'a pas le temps, ni le goût, ni les compétences pour acquérir un savoir universel afin de simplement bien voter. On fait donc confiance à des personnes et des partis qui nous paraissent défendre nos modestes situations. Souvent, on est abusé par des belles paroles, des falsifications, des belles présentations. Bref, on se trompe. Alors, on se dit que la prochaine fois, on ne se trompera plus. Ou bien, on dit que la prochaine fois, on votera pareil parce que les autres ne font pas mieux. D'ailleurs, quand on est sur cette position, c'est souvent parce qu'on ne sait pas et qu'on ne veut pas faire l'effort de savoir ce que proposent les autres. C'est ainsi qu'on élit et qu'on ré-élit toujours les mêmes. C'est ainsi que de plus en plus de personnes ne se déplacent plus pour voter. Elles se disent que ce sont toujours les mêmes qui passent, que l'un ou l'autre, c'est pareil, qu'ils s'en fichent plein les poches et que les trains n'arrivent plus à l'heure. Dans ces conditions, la démocratie n'est pas satisfaisante même quand on appelle Churchill à la rescousse. C'est fou ce qu'on l'invoque depuis quelques mois, au point de revendiquer sa promesse « de sang et de larmes » afin de paraître crédible pour la présidentielle.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/11/11/22646553.html

 

Pour imparfaite que soit la démocratie, on sait bien que partout ailleurs, c'est encore pire. Même si, de plus en plus, le peuple perd de sa souveraineté avec, notamment les législations européennes compatibles avec la spéculation financière, ce qui reste vaut la peine comparé à la situation dans les pays où un dictateur impose sa volonté, trompe le peuple et confisque les moyens de se maintenir. Quelle solution ?

L'éducation, bien sûr. Il n'serait pas absurde, pendant une longue période transitoire d'instituer un véritable permis de voter, facile à obtenir, avec des questions simples sur le fonctionnement des institutions, la durée des mandats électifs et les pouvoirs des différentes assemblées. On éviterait ainsi que des râleurs s'en prennent au Président de la République pour un train en panne. Afin de réussir ce permis, on pourrait prendre en compte les résultats des contrôles d'éducation civique au collège (tout le monde ne va pas encore au lycée) et les partis politiques éditeraient des fascicules pour vulgariser les institutions. Ça participerait de l'éducation populaire et ça permettrait d'informer sur les changements dus à la décentralisation et à la législation européenne. Surtout, ça permettrait un véritable échange citoyen. Dans les années d'après-guerre et jusqu'au début des années 1980, les partis politiques pouvaient afficher un nombre impressionnant de militants. La jeunesse se rapprochait volontiers des antennes pour les jeunes et des partis politiques qui correspondaient mieux aux aspirations à l'idéal dont on rêve quand on est jeune. Ainsi, la jeunesse était politisée. Ce n'est pas un hasard si le seul Président de la République de gauche a été élu en 1981 par cette jeunesse-là et par ceux qui avaient un peu vieilli mais étaient passés par ces « écoles ». L'éducation est donc la base indispensable, la fondation de la démocratie. Or, précisément, le constat que l'éducation forme des esprits informés et critiques a conduit à retirer, imperceptiblement au début, tout ce qui portait du sens dans les programmes scolaires. Le résultat, nous le voyons tous les jours et le voyageur grincheux mis en cause a mis en évidence que le pouvoir donné par des ignorants partiels ne peut être exercé que par un ignorant partiel qui s'exprime mal

http://lanternediogene.canalblog.com/tag/inculture

 

 

L'idée n'est pas absurde mais impossible à mette en œuvre. Les partis politiques qui ont intérêt à flatter l'électeur et considérer qu'il est supérieurement intelligent, seraient les premiers à s'opposer à une telle proposition. Pourtant, ils y gagneraient en lisibilité et rencontreraient concrètement les citoyens. Peut-être n'y ont-ils pas intérêt, finalement ?

 

Cette années, des sites proposent des questionnaires simples pour voir quel candidat à la Présidence correspond le mieux à ce qu'on souhaite.

http://www.je-vote-en-2012.fr/

 

http://www.jevotequien2012.fr/

 

Le citoyen moyen, celui qui n'est ni ignorant, ni répétant sa leçon, peut être troublé par le résultat tant il est vrai qu'on voit ce qu'on veut voir et, surtout, qu'on entend ce qu'on veut entendre. Prenons un exemple déjà ancien : il y a quelques années, des voix de gauche souhaitaient que le programme du Front National soit connu et largement diffusé afin que les électeurs tentés se rendent compte qu'il ne défendait absolument pas leurs intérêts, bien au contraire. Seulement, l'idée qu'avec « lui », ça irait mieux parce qu'il pense comme moi sur deux ou trois sujets, était fortement enracinée dans les esprits (si l'on peut parler d'esprit dans ce cas). Ainsi, alors que le candidat du FN était le seul à avoir une invalidité reconnue, il avait refusé de rencontrer des associations de handicapés désireuses de connaître sa position sur ce sujet douloureux. C'est édifiant mais certainement pas isolé. Nous connaissons tous des personnes qui s'apprêtent à voter pour l'un ou pour l'autre, persuadés qu'ils défendent une position qu'ils n'ont jamais exprimée. Ce genre de test montre surtout que la plupart d'entre nous ignore parfois jusqu'aux lignes fortes des programmes des candidats et s'en font une idée fabriquée de toute pièce.

 

C'est bien entendu impossible à vérifier mais il y a gros à parier que le voyageur mécontent du fonctionnement de son train quotidien mais satisfait du produit de sa réflexion qui a désigné le Président comme coupable du dysfonctionnement, fasse ce test. On peut même parier qu'il va voter pour un candidat dont il ignore l'essentiel du programme. Surtout, on peut penser que, l'été prochain, quand son train marquera un arrêt imprévu, il accusera le nouveau Président de ce forfait.

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Commentaires
C
L'instruction civique obligatoire pour tous , en voilà une bonne idée, tant il est vrai que nous ne connaissons pas toujours le fonctionnement des institutions et/ou leurs compétences. <br /> <br /> A quoi sert un conseiller général ? Que décide un conseil régional ? par quels chemins une loi est votée ? Je ne pense pas que cela une grosse influence sur notre façon de voter mais cela permettrait au peuple de bien comprendre comment les choses fonctionnent, et qui sait lui donnerait l'envie de s'impliquer dans la chose publique.<br /> <br /> <br /> <br /> Comme souvent l'éducation est une (la?) solution à beaucoup de maux de notre société, mais comme souvent on peut se poser la question (encore une...) de savoir si les bergers du troupeau ont envie que leurs moutons (ou administrés) ait la capacité de raisonner davantage.
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