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la lanterne de diogène
19 juillet 2012

Médias : ça remue dans les ménages

L'été est une période traditionnellement calme dans les médias. C'est à peine s'il convient de dresser un bilan de la saison écoulée ou de tresser des lauriers à une grille d'été à la radio. La presse écrite se consacre à ses marronniers habituels tandis que, curieusement, presque chaque été l'actualité internationale est fournie. Comme c'est les vacances, on s'en fiche. Le monde peut bien s'écrouler. C'est vrai, de temps en temps, il faut faire une pause pour éviter la saturation d'informations.

 

Calme sauf que depuis quelques années, on assiste aux transferts de journalistes. On a parlé, bon an, mal an, des « jeu des chaises musicales ». On parlerait plutôt de « mercato », mot italien qui signifie simplement « marché » et qui s'est introduit, il y a un temps déjà dans notre vocabulaire pour désigner les transferts de joueurs de football à l'intersaison et à la mi-saison ;seules périodes autorisées pour changer les effectifs.

 

La télévision étant devenue un enjeu primordial, non plus tant pour maitriser les masses et donc exercer le pouvoir sur eux, que pour leur vendre des produits et s'assurer du conformisme collectif. En d'autres termes, les chaines de télévision sont devenues au fil des ans des supports de publicité. Les programmes ne sont là que pour retenir le public afin de l'obliger, malgré les besoins naturels qui poussent à s'absenter pendant les pubs, à ingurgiter des marques, des produits dont il n'a pas forcément besoin. Surtout s'il n'en a pas besoin car les produits et services nécessaires sont une obligation. Il faut donc multiplier les écrans publicitaires car on ne va pas au toilettes tous les quarts d'heure ni même toutes les demi-heures.

 

Donc transferts de journalistes et d'animateurs, afin d'attirer les auditeurs et les téléspectateurs. Ces transferts occupent un peu ceux qui n'ont rien à écrire (suivez mon regard – hem !) mais prennent un autre dimension après des élections qui ont vu les médias prendre parti, former un élément essentiel du choix des électeurs.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/06/19/24530765.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/03/09/23715631.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/03/16/23777510.html

Patatras, on apprend un va-et-viens entre deux journalistes de talent : le chroniqueur politique d'Inter Thomas Legrand et l'animatrice (parfois journaliste) Audrey Pulvar. L'un quitte l'équipe de l'hebdo-bobo « Les Inrockuptibles », l'autre y arrive pour s'asseoir dans un fauteuil directorial, comme il se doit pour l'épouse d'un ministre en vue. Soyons honnêtes, ça n'aurait pas choqué sous la 3ième République. Ça étonne tout juste aujourd'hui, tant la popularité d'Audrey Pulvar est grande. On aime son sourire malgré la polémique sur ses lunettes. En fait, ce qui mérite – de notre point de vue – un commentaire, c'est la justification exprimée par M. Legrand.

 

Citons :

http://www.telerama.fr/medias/audrey-pulvar-arrive-thomas-legrand-quitte-les-inrocks,84517.php

« Forcément, elle aura des infos : si elle les dit, elle trahit son compagnon. Si elle ne les dit pas, elle trahit son journal et sa condition de journaliste. Pour moi, c'était impossible de rester. Le journalisme politique, c'est avant tout une lutte contre la communication politique, un contre-pouvoir non institutionnel. Un journal traitant de politique ne peut pas être dirigé par quelqu'un d'aussi impliqué personnellement dans la vie politique du pays. »

Valerie-Trierweiler1

Le pronom personnel est bien commode ici et pas seulement dans la chaine de substitution pour éviter une répétition. Dans le cas présent, on sait qu'il s'agit de Mme Pulvar mais rien n'empêche de penser à quelqu'un d'autre. Le conflit d'intérêt (qualifié à tort de schizophrénie par M. Legrand - voir la définition de ce mot) est tout à fait évident. Un journaliste ne peut pas occuper des fonction de directeur ou de simple chroniqueur tout en partageant sa vie avec un ministre.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/12/29/23024247.html

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2008/11/03/11221626.html



Bien sûr, une partie des féministes hurle dès qu'on aborde la question. Pour elles, rien n'est plus important que de mettre une femme au travail afin qu'elle gagne sa vie sans dépendre de son homme. C'est incontestablement louable. Seulement, lorsque l'homme exerce de hautes fonctions et qu'il a accès à des informations et des secrets, on comprend que cela devienne incompatible avec le métier d'informer. Pour le moment, en France, le problème ne se pose que pour des femmes. Forcément, on est obligé d'employer le conditionnel pour évoquer l'éventualité d'un homme journaliste qui partagerait sa vie avec une ministre. Le fait que le débat d'idées s'en trouve faussé ne change rien à la réalité qui dépasse parfois l'échange d'arguments théoriques et les conversations mondaines.

Concrètement, on peut penser que tous les couples ne sont pas formés de membres antagonistes qui s'opposent en permanence sur tout. Dans la plupart des couples, il y a partage et mise en commun. On imagine mal un ministre (ou plus) rechigner à donner une partie de ses revenus à sa compagne pour qu'elle vive sa vie en dehors. D'autre part, les femmes en question sont des intellectuelles qui, normalement, devraient pouvoir occuper leur temps sans être angoissées à l'idée de s'ennuyer. On comprend aussi que des femmes qui exercent une profession intéressante, qui permet de rencontrer du beau monde, d'entrer là ou peu de gens peuvent accéder, aient envie de continuer d'autant qu'elles occupent toujours une place privilégiée dans une rédaction. Il en serait autrement d'une pigiste ou d'une localière affectée aux incendies et aux accidents de la route. Pourtant, les femmes qui, souvent, exercent les métiers dont les hommes ne veulent pas (caissières, femmes de ménage, enseignantes, ouvrières, agent au guichet) rêvent de pouvoir choisir au moins leur temps de travail à défaut de pouvoir rester à la maison. Bien peu envisagent de gaité de cœur de travailler au-delà de 62 ans dans un métier où elle se font engueuler tout le temps. Les féministes qui défendent vigoureusement le droit de femme intellectuelle à exercer un métier, même quand leur conjoint gagne assez pour deux, feraient bien d'y penser. Les revendications des conjointes de ministres et, maintenant, de Président, sont insultantes pour toutes les femmes qui exercent un métier pénible, avec des horaires inhumains, qui subissent différents harcèlements. La classe politique et les journalistes qui se sont côtoyés sur les bancs de science-po ignorent cette réalité, autrement que par témoignages ou reportages. Ils ne vivent pas parmi elles. Au moins, pourraient-ils être discrets.



Ce qui pose problème, n'est pas que la conjointe d'un ministre ou du Président veuille continuer à travailler. Cela se voit dans tous les cas de figure. Le bât ne blesse que parce que les conjointes veulent continuer comme journalistes alors même que leurs hommes occupent une part importante de l'actualité quotidienne. Le métier de journaliste appartient à l'un des pouvoirs dont la démocratie exige la stricte séparation. Au départ, le pouvoir d'informer n'existait pas. Il s'est imposé après guerre et singulièrement avec l'apparition de la télévision dans tous les foyers ou presque. Ce « quatrième pouvoir » n'est pas reconnu formellement mais existe de fait. La campagne pour l'élection présidentielle a consacré le pouvoir des médias et leur influence sur la vie politique. Lorsqu'un conjoint de ministre travaille comme haut-fonctionnaire ou cadre supérieur (rarement comme employé de bureau ou vendeur), cela ne pose aucun problème. Il en serait autrement s'il exerçait comme magistrat (pouvoir judiciaire) ou parlementaire (pouvoir législatif). On n'ose imaginer la confusion.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/04/06/23946622.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/04/09/23968595.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/04/18/24042279.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/04/24/24090086.html

 

Seulement, en France, les hommes politiques tombent souvent sous le charme des jeunes journalistes, profession qui attire de plus en plus les filles après le bac. Issus des mêmes milieux socio-culturels, ils se trouvent facilement des affinités qui ne demandent qu'à s'épanouir. Cette endogamie entre les politiques et les journalistes conduit à ces situations absurdes, inextricables. Au nom du droit des femmes, de l'égalité des genres, il est bien évident que rien ne doit s'opposer à ce qu'une journaliste continue à exercer son métier, quelle que soit l'activité de son homme. Seulement, exercer le pouvoir exécutif, avoir la responsabilité d'un pays et de sa population obligent à certaines contraintes. Ce ne sont pas des activités comme les autres. La promiscuité entre les politiques et les journalistes est tout à fait malsaine. À mesure que le temps passe, nous découvrons de nouvelles implications, de nouvelles conséquences. On ne peut pas, par idéal, éloigner d'un revers de main la réalité concrète de la chose politique et de l'exercice du pouvoir.



En marge de ce thème, le site de RFI riposte reproduit un article du Canard Enchainé qui nous apprend que le pouvoir intervient pour faire vivre une chaine de télévision, thématique mais sans moyen.

http://rfiriposte.wordpress.com/2012/07/18/france-24-tvous-canard-enchaine-elysee-kessler/

En haut-lieu, on favorise un rapprochement entre France-24 (chaine publique de l'audiovisuel destiné à l'étranger) et cette petite chaine de la TNT. Or, cette chaine (du nom de Tvous) sera parrainée par M. David Kessler, directeur des Inrockuptibles – nouvel employeur de Mme Pulvar – jusqu'à sa nomination comme conseiller à l’Élysée et produira des émissions en partenariat avec l'hebdo-bobo. La conflit d'intérêts et la confusion ne sont pas des inventions mais une réalité.

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