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la lanterne de diogène
16 août 2012

Olympiades 2012

La plupart des épreuves des Jeux Olympiques viennent de s'achever. Même quand on ne suit pas les sports olympiques, on ne pouvait y échapper sauf pour ceux qui se trouvaient sur leur lieu de vacances où ils pouvaient facilement éviter le bruit et la fureur olympiens.

C'est le moment pour l'observateur distant de tirer trois séries de remarques.

 

D'abord, côté français, on a vu des athlètes, des nageurs et autres handballeurs gagner et exprimant leur joie d'avoir gagné et apporté des médailles au pays qui leur a permis de s'entrainer à côté de leurs études puis de leur nécessité de gagner leur vie en période de crise. Tout le monde a fait la comparaison avec les footballeurs professionnels. Eux, apparaissent de plus en plus comme des petits cons, des sales gosses qui n'en n'ont jamais assez. La sélection en équipe nationale leur importe peu. Ils n'y gagnent rien puisqu'ils font déjà des carrières internationales et jouent à l'étranger où leurs salaires et autres primes leur offrent un train de vie exceptionnel et, pour tout dire, indécent. Ils donnent raison à Mme Michu qui trouve que c'est cher payé pour taper dans un ballon ou courir après. Quand encore ils courent... Les vedettes du football trouvent que rien n'est trop pour eux, particulièrement ceux qui viennent d'un milieu défavorisé. Ils considèrent que tout leur est dû et que c'est la juste réparation pour avoir mal vécu autrefois. Aucune reconnaissance envers leur pays, bien au contraire, ils pensent que c'est plutôt la France qui doit s'incliner devant eux. La joie de s'envelopper dans un drapeau sous lequel ils évoluent avec tous leurs camarades et entraineurs ne les atteint pas. Il n'y a pas cet esprit d'équipe qu'on trouve, paradoxalement dans des sports individuels comme l’athlétisme ou la natation. Au contraire, des rivalités existent dans la sélection nationale. Voilà de quoi dégoûter encore plus le public qui trime et dont le seul plaisir, parfois, consiste à regarder un match à la télévision. Le malaise entre ces vedettes surpayées, présentées quelques fois comme des rebelles alors qu'ils profitent à fond et sans se poser de questions (en sont-ils capables d'ailleurs?) du système, n'est pas près de s'apaiser. D'un autre côté, si ça pouvait drainer un nouveau public vers d'autres sports et rééquilibrer la médiatisation des sports, ça ne ferait pas de mal.

 

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On s'est demandé ce qui se serait passé si un studio de télévision avait été saccagé par des footballeurs au lieu des « Experts », champions olympiques de handball. Évidemment, on passe l'éponge plus facilement pour les raisons qui viennent d'être avancées. De même, il y a peu de chances qu'on apprenne par voie de presse si un jour un cas de dopage est constaté dans le canoë-kayak. Ce que l'opinion publique ne supporte pas, c'est que des gens qui gagnent beaucoup d'argent, qui deviennent des vedettes n'aient pas un comportement sinon exemplaire, du moins compatible avec un minimum de morale collective.

 

Difficile aussi de passer sur l'incident à propos du foulard porté par une judoka saoudienne. D'abord, observons que chaque fois, quelles que soient les circonstances, le lieu, qu'il est question de la tenue des musulmanes, ça provoque un incident. Quelques semaines plus tôt, on croyait avoir trouvé un compromis, au moins provisoire, à propos de la tenue des athlètes olympiques. On autorisait les musulmanes à porter un foulard malgré l'interdiction de porter un signe religieux dans une manifestation sportive. On espère ainsi amener des femmes aux sports dans des pays où elles sont claquemurées. Certains pensent qu'il s'agit plutôt de se plier aux exigences des monarchies pétrolières afin de profiter de leurs énormes moyens financiers. Quoi qu'il en soit, on redoutait le moment où les rares filles couvertes (et pas voilées) apparaitraient. Leurs adversaires pouvaient légitimement refuser de jouer avec des filles qui ne sont pas habillées comme elles. En fait, le problème est venu après, quand le père de la judoka a fait un esclandre et menacé de poursuivre tous les commentaires désobligeants ou critiques envers sa fille. Chaque fois, ces histoires provoquent des incidents qui ont un impact mondial. Ce sont de véritables provocations qu'il est difficile d'éviter.

 

Maintenant, quand on voit les athlètes courir ou lancer le javelot en bikini tandis que les nageuses portent un maillot d'une pièce, on peut s'interroger. Il n'y a de toute évidence aucune raison sportive. Les performances ne sont pas améliorées lorsque le ventre est dénudé. On peut se demander s'il n'y a pas une instrumentalisation du corps féminin pour attirer les spectateurs. Dans ce cas ce n'est pas un progrès non plus.

Sans approuver la pudibonderie des islamistes, on peut comprendre qu'une religion qui impose une certaine décence vestimentaire ne puisse se compromettre avec des tenues plus petites que les dossards et sur lesquelles les noms des pays tiennent à peine. On peut penser qu'un maillot et un short conviennent pour pratiquer l'athlétisme et la plupart des sports de plein air. Si des musulmanes sont gênées de dénuder leurs jambes et leurs bras, on peut penser qu'on pourrait autoriser le port d'un collant sous le short et d'un maillot à manches longues. C'est comme ça que se pratiquent nombre de sports en hiver et il existe des textiles qui ne tiennent pas chaud. Ça ne gênerait pas les concurrentes. Pour ce qui est de cheveux – puisqu'il paraît que ça pose un problème grave aux musulmans – le port d'un bonnet devrait suffire. Curieux que des solutions simples et de bon sens ne puissent pas être mises en place.

 

Cet incident s'est produit pendant que le gouvernement tunisien n'a pas d'autre priorité que de s'occuper du statut des femmes, de leur tenue, des endroits où elles peuvent évoluer. Ce n'est pourtant pas pour ça que le petit marchand ambulant s'est immolé par le feu, déclenchant le « printemps arabe ». Il se produit alors que les fanatiques d'Ansar Dine traquent les femmes au nord du Mali pour les empêcher de gagner leur vie en vendant leurs produits sur les marchés, et les obliger à se voiler. Il se produit au moment où dans nombre de pays arabes, on assiste à une offensive des forces conservatrices parvenues au pouvoir contre leurs concitoyennes. Il existe bien une volonté de mettre au pas les femmes dans ces pays et leur faire passer l'envie de s'intéresser aux revendications féministes alors que dans les pays les plus avancés l'égalité de droits entre les genres n'est pas encore achevée.

 

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Autre enseignement, c'est la consécration du fric dans ce qui a été longtemps le temple de l'amateurisme. Comme par hasard, cet amateurisme a été enterré dès les Jeux de 1992, année de la signature de l'Acte unique européen. Depuis, les marques, les « sponsors » prennent toute la place. Cette année, à Londres, il était interdit d'utiliser des produits concurrents des « sponsors » dans l'enceinte olympique. Pas question de porter des vêtements ou des chaussures ou de boire autre chose que les marques officielles. C'est ça « la concurrence libre et non-faussée », dogme de l'ultralibéralisme triomphant. Nous avons eu, dans un espace réduit à l'agglomération londonienne, le modèle promu par les libéralistes : le triomphe des entreprises les plus fortes qui éliminent les concurrents et empêchent les nouveaux venus de pointer leurs museaux. On est allé jusqu'à interdire l'utilisation des anneaux olympiques en dehors des activités des Jeux. La police a été dépêchée, des mois auparavant et pendant toute la durée des Olympiades pour débusquer toutes les utilisations non autorisées. Ainsi, un bar qui s'appelait « Olympic » a été sommé de changer de nom. Tel pâtissier qui avait fait des gâteaux en forme d'anneaux s'est trouvé épinglé. Tel charcutier qui avait osé relier un chapelet de saucisses pour imiter l'entrelacs des anneaux olympiques s'est trouvé à l'amende. Ça fait sourire. C'est sain d'ailleurs. Malheureusement, ça ne va pas plus loin alors que ça devrait susciter une réaction de rejet de ce système insensé qui protège les plus forts et fait courber les plus faibles. Ces Jeux Olympiques ont montré tous les aspects de l'ultralibéralisme : d'abord le clinquant qui fait tout oublier. On aime les belles images et peu importe qu'elles soient réservées par une marque qui en détient l'exclusivité. On paie pour voir des jeunes se défoncer et offrir un beau spectacle à la morale irréprochable. On convoque les valeurs morales pour envelopper ce qui ne l'est pas. On entoure le sport d'animations parrainées par des marques afin de rappeler de qui l'on dépend. Enfin, la « concurrence libre et non-faussée » montre son véritable visage : exclusivité des marques les plus fortes, celles qui disposent du plus d'appui pour être présentes et revendiquer le monopole. On sait que, aux États-Unis, berceau de cet ultralibéralisme, les « lois anti-trust » sont vidées de leur substance et que les monopoles se reforment au grand dam des entreprises qui ne peuvent pas lutter contre les trusts.

http://owni.fr/2012/08/13/le-best-of-des-fails-orwelliens-des-jo/

 

On aurait tort de ne voir qu'un spectacle sportif et de critiquer la dérive mercantile et la débauche de moyens financiers pour la critiquer. Ce ne sont que des conversations de café du commerce tenues par des gens qui ne les fréquentent pas mais qui passent leur temps à vitupérer.

 

Ces trois remarques montrent que ces Jeux Olympiques reflètent tout à fait la société actuelle et met en évidence des dérives périlleuses. Seuls des esprits serrés n'y voient qu'un amusement pour abrutir les masses et les abreuver de marques. Ça fait beaucoup de coïncidence pour être fortuites. Ces Jeux sont le reflet de notre monde avec ses distractions pour faire oublier la vie quotidienne (et c'est nécessaire) et les anesthésiants que sont les images du village olympique, des constructions, des animations, de la débauche des marques qu'on a envie d'acquérir malgré un budget du ménage restreint. Ils montrent la compétition impitoyable entre les plus grands groupes, tous en position dominante mais qui visent tous le monopole et l'élimination des concurrents. Ils démontrent le mensonge des dogmes libéralistes comme « la concurrence libre et non-faussée » qui, loin de donner sa chance à tous et de faire baisser les prix organise les regroupement, favorise les ententes, provoque la hausse des prix pour les consommateurs et l'impossibilité de se passer d'eux quand les salaire, eux, n'augmentent pas et que la protection sociale est réduite. Comme tout discours de propagande totalitaire, l'ultralibéralisme reprend les mots et les formules les plus porteuses de sens positifs pour les détourner et imposer l'exact contraire.

 

Enfin, le fanatisme religieux s'immisce partout et entend réglementer au-delà de la pratique des fidèles tous ceux qui sont en contact. Concrètement, il menace l'égalité de droits entre les hommes et les femmes alors qu'il n'est pas encore réalisé complètement, loin s'en faut. Seulement, pour les fanatiques, le moindre progrès doit être étouffé dans l’œuf. L'indifférence devant les dérives observées pendant les Jeux Olympiques, les leurres qui attirent les critiques faciles caractérisent bien la résignation et la léthargie de nos sociétés ainsi que le verbiage dans lequel évoluent ceux dont ce devrait être le devoir de dénoncer l'insupportable.

 

Enfin, rappelons que les Jeux Olympiques ne sont pas terminés.

Ils reprennent le 29 août avec les épreuves handisports.

http://www.paralympic.org/

 

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