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la lanterne de diogène
24 août 2012

Armstrong noir ou blanc

 

 

 

Armstrong n'est pas noir mais il n'est pas blanc non plus.

Voici que projeté en pleine lumière pendant des années, il est désormais voué aux ténèbres. Du reste, il faudrait s'interroger sur ce comportement humain consistant à aduler quelqu'un jusqu'à l’idolâtrie et, du jour au lendemain, à le vouer aux gémonies sitôt que l'idole se trouve fragilisée. Dès ce jour, les débordements ridicules auxquels on a pu se livrer sont oubliés et reniés. En tout cas, ça en dit long sur la confiance à accorder à l'être humain.

 

Armstrong a gagné sept fois le Tour de France. Il est entré dans la légende et s'ajoute aux rares coureurs à l'avoir emporté plusieurs fois tellement l'épreuve est difficile. Déjà, cinq fois, semblait la performance maximum et s'est créé de fait un « club » des quintuples vainqueurs qui regroupe les meilleurs cyclistes de leurs époques. Avec Armstrong une page devait se tourner et pourtant l'Histoire ne retenait déjà plus son nom parmi les vainqueurs tellement de doutes planaient. On le disait dopé. Certes mais les autres aussi se dopaient pour l'emporter ; plus ou moins. Les techniques de dopage ont évolué et l'on sait que depuis une dizaine d'années certaines méthodes consistent à faire fabriquer par l'organisme ses propres moyens dopants et, partant, tout à fait licites.

 

Armstrong, lui, prenait des médicaments suite à un cancer contracté et qu'il a vaincu. Cette victoire, l'a fait entrer dans la légende. Le fait d'avoir repris l'entrainement après avoir triomphé de cette sale maladie lui a apporté une notoriété forcément exceptionnelle. Qu'il soit remonté au meilleur niveau au point de gagner la Grande boucle, en faisait un dieu du sport. C'était un exemple pour tous. C'était un formidable message d'espoir. Peu importait alors que les médicaments inhérents à son traitement lui aient facilité la tâche. La médecine moderne couplée à la volonté d'un être l'emportaient sur le cancer et rien d'autre ne comptait.

 

Seulement, il a voulu en faire trop. Au lieu de se retirer et de se consacrer à sa fondation (en bon Étatsunien), il a réitéré ce qui n'était plus un exploit. Deux, trois, cinq fois. Il égalait les meilleurs. Allait-il les battre ? Oui, six fois ! Et pour être sûr que son record ne serait pas battu de sitôt, autant aller jusqu'à sept fois. Pourquoi pas dix ? Les foules s'extasiaient. Les commentateurs ne tarissaient pas d'éloge. Chaque année, des émissions de radio lui était consacré. Des auditeurs téléphonaient pour qu'on mette fin à l'hypocrisie. Les responsables du sport cycliste repoussaient les accusation sur l'air de ce pauvre Armstrong, atteint du cancer et qui gagne haut la main les Tour de France. RAS TVB : fermez le ban ! D'ailleurs, aucun contrôle ne décèle quoi que ce soit. Et quand bien même, il présentait une ordonnance et clouait le bec à tous les combattants du dopage dans le cyclisme.

 

D'ailleurs, le dopage dans le sport est décrié pour la forme car le public veut des performances à tout prix. On a vu comment Virenque a gagné en popularité malgré son obstination à mentir après avoir été pris la main (si l'on peut dire) dans le sac. Les coureurs italiens, en bons latins, voient dans le dopage un moyen de gagner comme un autre, un point c'est tout. D'ailleurs, c'est une équipe italienne qui s'est empressée de signer un contrat avec le tricheur français, sure que sa notoriété ferait connaître à tous la marque qu'il portait sur le maillot plutôt que celle du Français Luc Leblanc qui avait reconnu un peu trop facilement des peccadilles. Les Espagnols ne rechignent pas non plus pour prouver au monde entier qu'ils sont les meilleurs du monde et que les méchants Français ne savent pas comment faire pour les empêcher de gagner. Peine perdue. Aucune nation sportive n'est épargnée par le dopage car il permet l'amélioration des performances et assure le spectacle. Ensuite, le public a beau jeu de s'offusquer lorsqu'un moins malin se fait prendre. L'esprit français est tel qu'on va témoigner de la sympathie pour le malheureux qui s'est fait pincer tandis que les vrais coupables sont ailleurs, forcément. Où l'on retrouve la paranoïa qui renforce la théorie du complot. Pour le public, mieux vaut un Tour de France avec des tricheurs (tant qu'on ne le sait pas ou qu'on ne le dit pas) que plus de Tour du tout.

 

Il est piquant depuis hier soir, où l'on a appris que l'agence étatsunienne contre le dopage USADA) a décidé de déchoir Lance Armstrong de ses victoires dans le Tour, d'entendre ceux qui se sont répandus dans l'idolâtrie se faire aujourd'hui les juges impartiaux et implacables en enfonçant un coureur qui a raccroché depuis longtemps et qui ne risque pas de se défendre sur son terrain. Le dopage assure la victoire et la performance mais ne transforme pas un mulet en cheval de course. Un toquard, même dopé ne gagnera jamais rien. Ceci dit sans aucun mépris pour les autres coureurs qui assurent le spectacle, font les mêmes efforts sans parvenir à la popularité de celui qu'ils servent.

 

On se souviendra que les commentateurs s'emportaient bruyamment, ne montraient aucune retenue pour saluer les performances des athlètes des pays de l'Est dans les années 1960 à 80. Les mêmes, lorsque ces records étaient battus dans les années 1990 ne manquaient pas de faire remarquer que les précédents étaient douteux puisque les athlètes des pays de l'Est étaient dopés. Soit ils le savaient et alors pourquoi jubilaient-ils ? Soit ils ne le savaient pas et donc faisaient mal leur métier de journaliste. Qu'importe, plus personne ne s'en souvient et les records ont été largement battus depuis et par des moyens pas forcément licites. Carl Lewis était-il moins dopé que Ben Johnson ?

 

En attendant, le public s'offusque, se sent offensé par la décision de l'agence et les autorités étatsuniennes. Le public, qui savait que les meilleurs cyclistes se dopaient, qui se précipitent sur la dernière biographie de Jacques Anquetil dans laquelle le dopage n'est pas nié et même revendiqué, aime à s'ériger en vierge effarouchée. Le public savait. Le public sait ! Va-t-il réclamer la destitution d'Anquetil de ses victoires dans le Tour ? Allons !

 

La mémoire est telle que tout recommencera comme avant après avoir juré et entendu jurer que plus rien ne sera comme avant. On n'effacera pas si facilement le nom d'Armstrong des annales du Tour de France. Et qui pour le remplacer ? Le suivant sur la liste ? La belle affaire. Le deuxième n'aura jamais plus la joie de monter sur la plus haute marche du podium, n'aura pas droit à la bise de l'hôtesse qui offre le bouquet, n'entendra pas la foule hurler ses vivats et n'aura pas droit aux éloges des journalistes.

 

 

 

 

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