Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
la lanterne de diogène
3 décembre 2012

Cirque médiatique

L'hiver dernier, à l'occasion de la pré-campagne pour la présidentielle, nous attirions l'attention sur le pouvoir exorbitant des journalistes de l'audio-visuel alors qu'ils prétendaient nous imposer leurs candidats.

 

Ils s'octroyaient le droit de désigner ceux qui méritaient de figurer au second tour, ceux qui devaient s'allier aux deux précédents et, ceux qui ne méritaient pas leur attention. Comme si ça n'était pas suffisant, ils exigeaient du CSA de ne pas respecter l'égalité du temps de parole entre les candidats et, de toute façon, usaient de tous les subterfuges pour contourner la loi. En cela, ils adoptaient un comportement que le monde entier reconnaît comme typiquement français : enfreindre la loi tout en paraissant s'y conformer. En d'autres termes : tout est permis à condition de ne pas se faire prendre. On passera sur la manière d'interroger les candidats ou leurs représentants selon qu'ils avaient une chance d'arriver au pouvoir ou pas.

 

Moins d'un an plus tard, ils jouent les prolongations. La majorité a changé et l'opposition, privée de son chef naturel, le Président de la République, doit s'en trouver un autre afin de conduire sa formation aux prochaines échéances électorales. Jusque là, rien que de très normal. Or, pour la première fois, la droite entendait organiser une véritable consultation auprès de ses membres. D'habitude, on le sait, tout est joué d'avance. Soit, il y a un candidat désigné, soit, le plus souvent, une grande gueule prend le pouvoir sous les applaudissements et les vivats des militants. Tout au plus, un simulacre d'élection est organisé mais on sait d'avance qui en sortira vainqueur. C'est ce qui s'était passé quand Mme Alliot-Marie l'avait emporté. Cette fois, c'est plus compliqué et la droite montre son incapacité à comprendre le fonctionnement démocratique le plus simple. Ça en dit long sur ses pratiques du pouvoir. Pourtant, il n'en est nullement question dans les commentaires. Pourtant, ce ne sont pas les commentaires qui font défaut depuis des semaines et, gageons que ça va durer encore quelques mois. Les journalistes et autres commentateurs nous imposent un duel de personnes. Ils nous l'imposent en sujet numéro 1 des journaux audio-visuels.

 

Pendant ce temps, l'admission de la Palestine à l'ONU, a été traitée en fin de bulletin ou de journal, juste avant les résultats sportifs. Les Restaus du Cœur entament leur campagne d'hiver dans l'indifférence. Le Gouvernement faisait tabasser une partie de ses électeurs qui s'opposent à la construction d'un aéroport d'un autre âge. En Syrie et au Mali, des gens souffrent mille maux depuis des mois. Rien de tout cela ne mérite l'ouverture des journaux audio-visuels.

 

Dans la matinale d'Inter, le sujet noyaute toutes les rubriques pour laisser plus de temps afin de traiter les péripéties de l'UMP. L'invité politique doit s'étendre longuement sur le sujet surtout s'il est de droite. Dans la tranche d'information vespérale, les radios réunissent des plateaux et, à la même heure, les « généralistes » rivalisent, se disputent les invités, les figures de l'UMP, les grandes plumes de la presse écrite. Pas moyen d'y échapper. On dirait que le sort du monde ou seulement de la France est suspendu à la vie du principal parti de l'opposition en France. M. Olivier Mazerolles est sorti de ses gonds et, fâché alors qu'on lui cédait l'antenne s'est emporté en déclarant qu'il en avait marre « de commenter des inepties ». Qui le lui demande ? Les directeurs des rédactions audio-visuelles ? Probablement. Ils se figurent que le public en redemande. Le public, lui, se préoccupe tous les matins de la ponctualité des trains en se rendant au boulot, des rendez-vous impossibles à obtenir chez un généraliste et même un spécialiste puis des médicaments qui ne sont plus remboursés, de la hausse des impôts, réelle et supposée. Tiens oui, les impôts. Ne serait-ce pas le travail des journalistes que d'expliquer clairement qui va payer quoi ? Dans l'état actuel, tout le monde se figure qu'il va être présuré et l'on assiste à de curieuses alliances entre les petits contribuables, peu touchés et les gros qui, finalement, seront peu touchés également en raison des pressions qu'ils exercent sur le Gouvernement et des multiples astuces qu'ils connaissent pour échapper à la contribution collective. Ne serait-ce pas le moment de mobiliser les rédactions pour enquêter sur cet argent qui échappe aux finances publiques et que les salariés doivent compenser ? Non, encore une fois, les journalistes de l'audio-visuel nous imposent leur hiérarchie de l'information et le sujet politique digne, selon eux, de nous préoccuper. Si une majorité d'électeurs a choisi de renvoyer l'équipe au pouvoir, il y a six mois, ce n'est certainement pas pour s'inquiéter de son devenir dans l'opposition. Ça paraît pourtant évident. Seulement, il convient de souligner que le traitement de l'actualité politique ne coute pas cher. Un reporter ou deux suit, dans les rues de Paris, toute la semaine, les antagonistes. Un commentateur intervient à heure régulière à l'antenne. Un animateur réunit un plateau. L'attachée de presse a le choix entre plusieurs noms puisque, nous l'avons constaté, les radios généralistes, les télévisions d'information se disputent les invités.

 

Une fois de plus, le cochon d'auditeur qui est parfois aussi électeur et citoyen, subit la loi des journalistes. Il doit supporter plusieurs minutes à chaque bulletin horaire, à chaque journal parlé, sur les péripéties puériles du principal parti de l'opposition. Rien d'autre ne compte et il faut rester attentif malgré la lassitude pour apprendre ce qui se passe dans le monde qui, sais-tu, continue de tourner. Pourtant, ce pouvoir que s'octroient les journalistes n'émeut personne. Les réseaux dits « sociaux » relaient la lassitude des Français concernant la vie de l'UMP. Ce sont moqueries quotidiennes voire de l'ironie ou de la réjouissance. Malgré tout, malgré l'indifférence, on se prend au jeu et l'on ajoute son quolibet ou son commentaire. En cela, le pouvoir médiatique a gagné puisqu'il parvient à imposer dans les conversations les plus banales de la vie quotidienne, un sujet qui n'intéresse personne. On remarquera que la conséquence la plus immédiate est un plus grand dégout pour la chose politique voire pour la démocratie. On a déjà remarqué que cette diversion réussit à merveille puisque les sujets qui préoccupent le plus les Français ne sont plus seulement évoqués. En d'autres termes, l'information audio-visuelle participe de ce nivellement par le bas que la multiplication des chaines commerciales a imposé. C'est le fameux « temps de cerveau disponible » pour la publicité. Ce temps disponible est désormais préparé non seulement par des programmes où la grossièreté le dispute à la bêtise crasse mais aussi dans les tranches d'information. Le pouvoir d'informer nous impose ses choix éditoriaux en parfaite cohérence avec la politique commerciale de la chaine ou en lien avec la concurrence que se livrent les médias. Il s'agit de ne rien traiter qui pourrait faire réfléchir. L'actualité étrangère ou l'actualité sociale ne sont abordées que dans la mesure où elle suscitent l'émotion. Sinon, des brèves avec quelques images convenues suffisent. La politique ne s'intéresse qu'aux rivalités internes dans les deux principales formations de pouvoir à gauche et à droite. Les représentants des autres formations ne sont intéressants pour les journalistes audio-visuels que dans la mesure où l'on va essayer des les faire déraper, de provoquer des lapsus ou de les forcer à des alliances politiques qui vont donner lieu à des commentaires. En fait, la vie politique audio-visuelle se doit de fonctionner comme un feuilleton. Il n'est que de voir comment ont été traitées les « primaires » au PS et maintenant, l'élection du chef de l'UMP. Il n'est que de voir comment les journalistes somment les autres formations politiques de se rapprocher de l'un ou l'autre grand bloc de pouvoir. Le refus des uns, les hésitations des autres entretiennent l'intrigue comme un feuilleton. La vie politique est à l'information audio-visuelle ce que « Plus belle la vie » est aux programmes de fiction.

 

Pendant que l'auditeur, le citoyen est gavé de cette mixture politico-médiatique, on discute du réchauffement climatique qui, sous d'autres latitudes, provoque des déplacements de population. La guerre couve au Mali et en Syrie. Là encore, ce seront des populations qui tenteront de fuir les combats, laissant tout derrière eux. Les plus audacieux ou les plus malins feront le choix de l'émigration. Ils rejoindront les périphéries des mégalopoles du monde entier avant de venir chez nous où ils grossiront les effectifs des indigents, des personnes à loger, des chômeurs, des bénéficiaires de l'aide sociale et de la charité organisée. Les Restaus du Cœur entament leur campagne d'hiver tandis que les autres (Secours Catholique et Populaire, La Mie de Pain, l'Armée du Salut, SAMU social, les banques alimentaires etc.) continuent inlassablement à assurer le service après-vente d'un système dont on nous affirme qu'il est le meilleur et, de toute façon, le seul possible. Aucune analyse n'est proposée sur les « défauts » qui poussent autant de « clients » à faire la queue auprès de ces « SAV ». ça devrait pourtant faire réfléchir. Les détenteurs du pouvoir d'informer détournent encore une fois notre attention des vrais problèmes en nous imposant les dissensions (après tout, c'est le jeu démocratique) dans un parti politique d'opposition.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
la lanterne de diogène
Publicité
la lanterne de diogène
Derniers commentaires
Archives
Visiteurs
Depuis la création 219 703
Newsletter
Publicité