Éloge funèbre pour un sans-abri qui a quitté ce monde

Mes draps sont en carton…

Christian, Cutty, Sau, Samy, Canon et toi Sally : Vous partez les uns après les autres. Telle une famille qui a perdu son père, nous nous sommes retrouvés orphelins.
Dans le quartier des Batignolles, tout le monde te respectait. Ce mot que les gens d’aujourd’hui utilisent à tort et à travers prend toute sa dimension lorsque l’on parlait de Sally.

Pendant des années, nous squattions le garage-fourrière du métro Rome avec la permission de la police qui nous offrait sécurité, café et sandwichs quelque fois et tout ceci grâce à toi qui était notre interlocuteur.
Tu nous as souvent parlé de tes regrets de quitter ce monde sans n’avoir rien fait comme par exemple Christian, qui, un beau matin a trouvé un bébé encore vivant dans une poubelle à Villiers.
Et bien détrompes toi.
Tu aimais parler de politique, des problèmes qui régnaient au Sri Lanka et comme cela tu as su maintenir une harmonie parmi nous, français, algériens, marocains, sri lankais, pakistanais, irlandais, polonais, portugais, catholiques, protestants, musulmans, bouddhistes, hindous.
Tu étais un grand politicien comme ceux que tu aimais, car la politique n’est-ce pas l’art de faire vivre des gens de couleurs et de confessions différentes ?
Tous les soirs, nous pensons à toi quand nous allons chercher les cartons pour faire notre lit.

Comme il te plaisait à répéter :
Mon lit est en béton,
Et mes draps sont en carton.
So long Mister Sally,
We miss you.

http://mesdrapssontencarton.unblog.fr/2013/02/04/collectif-des-morts-de-la-rue/

Ce texte a été récité lors d’une cérémonie du Collectif des morts de la rue par une maraudeuse bénévole de l’association les Robins des rues qui connaissait bien les personnes concernées. Ce texte d’adieu a été écrit par un sans-abri en hommage à son ami mort dans la rue dans le quartier des Batignolles à Paris.

Rien qu'hier, on apprenait la mort dans les rues de nos villes de trois personnes.