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la lanterne de diogène
22 février 2013

La radio se cherche une identité et un avenir

Décidément, Inter n'en finit pas d'étonner. Peu de radios, tant dans le temps que dans la pléthore actuelle sont aussi peu radiophoniques. Sur Inter, les producteurs utilisent la chaîne faute de mieux. Peu ou pas du tout se servent de l'outil, cherchent à créer avec la technique, à inventer. La radio n'est là que pour « permettre » ; en général, pour permettre de se faire connaître ou pour mettre une distance entre l'animateur connu et le public pour un temps avant de mieux rebondir. Sur Inter, le modèle quasi unique d'émission avec un animateur et un invité illustre cette observation tout au long de la journée. Combien d'émissions où l'animateur profite de la notoriété de la station pour rencontrer des personnalités mais les traite comme une conversation privée ? Parfois, le ton baisse petit à petit et le ronron s'installe au bout de vingt minutes. Peu importe : l'animateur est content. Il a eu en face de lui celui qu'il rêvait de voir en vrai depuis longtemps. Les questions hésitent entre la participation à la promotion de l'invité et la curiosité personnelle. Pour faire avaler la pilule, on dit que c'est le style de l'animateur, son caractère propre, son identité et la couleur de la station.

http://lanternediogene.canalblog.com/tag/France-Inter

 

D'autres producteurs font de la télévision sans image. Au passage, c'est une régression par rapport à ce que répétait à l'envi José Artur dans son Pop-Club : « ici, nous avons réussi à supprimer l'image ». Ses successeurs, outre qu'ils n'auront jamais la culture ni le talent du vieux maître, font comme s'il y avait l'image. Peu leur importe que les auditeurs ne voient pas. S'ajoute la tendance à mettre une caméra dans le studio et à suivre en direct ou en différé l'émission. Europe1 fait plus fort avec plusieurs caméras comme à la télé et toutes les émissions sont visibles. Après tout, ça fait un équilibre avec les plateaux de télévision où des gens bavardent entre eux comme sur France-Culture. Certaines nouvelles chaines (je veux dire depuis la fin du monopole d'État) ne sont que de la radio avec de l'image. Dès le lendemain de l'épuration qui a suivi Mai 68, RTL avait confondu les genres en « communiquant » comme on dit aujourd'hui, autrement dit en faisant sa publicité en placardant sur les murs les portraits des animateurs vedettes de la télévision (récemment limogés en l'occurrence) pour inviter le public à les écouter chez eux. Depuis, chaque saison voit l'animateur vedette du moment rejoindre la station grand-ducale, toujours à grand coups d'affiches montrant la trombine des animateurs.

 

La nouveauté de ces derniers mois, c'est l'utilisation du site Internet. Désormais, on écoute des extraits de chansons, des extraits de reportages, d'entrevues, des extraits de recettes de cuisine etc. Au moment où l'on coupe, on nous annonce fièrement : « à retrouver sur France-Inter point Fr. »

 

En résumé, les producteurs utilisent toutes les techniques même celles qui sont absentes (l'image) sauf la radio. Ils méprisent le médium, le support. Ce n'est qu'un pis aller faute de mieux.

 

J'avais dit, ici même, tout le bien que je pensais du travail des reporters sportifs d'autrefois genre Thierry Roland et Bernard Père pour le football

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/06/16/24509752.html

 

ou Émile Thoulouze, Jean-Paul Brouchon et Pierre Salviac puis Jean-François Rhein

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/06/17/21421517.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2009/07/20/14466908.html

 

pour le Tour de France. Ils décrivaient précisément l'action tout en l'analysant et l'auditeur pouvait imaginer assez précisément ce qui se passait et que voyait le journaliste. Aujourd'hui, il est impossible de suivre un match à la radio. Les interventions entre deux publicités permettent juste de résumer ce qu'on a raté et donc d'occuper l'antenne.

 

L'été dernier, un homme décrivait tous les matins une œuvre picturale. Désolé, j'ai oublié son nom. La description était assez complète mais n'occupait pas toute la chronique. La sensibilité du chroniqueur transparaissait à chaque moment et l'on avait l'image et le commentaire sans imposer un point de vue. C'était du grand art.

C'est dans ce contexte qu'Inter nous annonce deux « cadeaux », à nous, auditeurs. Il s'agit de deux nouvelles chroniques. On se demande encore comme ils font pour en rajouter. Un coup d'œil sur la page Internet http://www.franceinter.fr/emissions/liste-des-chroniques

 

permet de constater la multitudes de chroniques qui occupent l'antenne tous les jours de la semaine. Il est vrai que le temps où le journaliste du matin parle entre les infos et une chronique est considéré comme une chronique. Il est vrai que certaines entrevues sont considérées comme des chroniques. Il est vrai que certains journaux (comme les sports) sont considérés comme des chroniques, que la revue de la presse, que les « extraits » de reportages, sont considérés comme des chroniques. Il est vrai que chaque fois que quelqu'un parle (et on parle beaucoup sur Inter) c'est considéré comme une chronique. Il est vrai qu'Inter est considérée comme une radio...

 

Pour la premier cadeau, on a sucré une rubrique (et pas une chronique : revoyez votre dictionnaires messieurs) à la fin de l'émission de Philippe Colin et Xavier Mauduit. Il s'agissait d'un moment amusant qui devait demander des heures à son auteur (pardon, j'ai aussi oublié son nom). Des extraits (encore) des tranches d'information matinales avec les invités et les différentes voix qui se succèdent étaient ponctués d'extraits (décidément) de films. Ça donnait un résultat époustouflant. Ça ne devait pas cadrer avec l'austérité de la station où l'on confond « ennuyeux » avec « sérieux ».

Désormais, on a demandé à un dessinateur de BD de talent, Joann Sfar, de dire quelque chose en regardant un tableau du musée du Louvre. Voici comment c'est présenté :

"Vous voyez le tableau". [ben, non, justement]
Un dessin, un récit pour entrer dans une œuvre… Une séquence à retrouver également sur franceinter.fr

Et allez donc...

évidemment, c'est facile en ré-écoutant la chronique tout en regardant le tableau sur la page de web. Est-ce de la radio ?

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/12/02/19770050.html

 

Pour caser l'autre « cadeau », on a sucré trois minutes sur le temps de parole, déjà considérablement réduit, des auditeurs qui peuvent intervenir, certains jours à l'antenne. On a fait appel au célèbre (c'est surtout ça l'important) pédopsychiatre, Marcel Rufo. Qu'il soit médecin spécialisé n'a aucune importance vu qu'il ne parle pas de sa spécialité. Ça n'a même strictement rien à voir. Il pérore sur l'air du temps sans aucune originalité. Ça pourrait être M. Duchmol et Mme Michu à l'heure de l'apéro. Comme il est visiblement mal à l'aise à l'antenne, on ne lui complique pas la tâche avec la « relance ». Ah, la « relance » !

Quelle invention géniale pour la radio ! Comment avons-nous survécu tant d'années sans la relance ? En effet, des spécialistes ont étudié le comportement des auditeurs et ont énoncé qu'ils se lassent s'ils entendent la même voix pendant un certain temps ; très court, autour de 2 mn, je crois. Par conséquent, dès qu'un invité se lance dans une argumentation, un développement, il est coupéimmédiatement par l'animateur. Dès que ça devient intéressant, il est coupé. Idem pour une chronique où l'animateur, au lieu de souffler un peu, de boire un coup pour s'éclaircir la voix, doit suivre à la ligne le texte du chroniqueur et l'interrompre à un moment décidé à l'avance pour faire croire qu'il pose une question sur ce qui a été dit et veut en savoir plus. Ça rappelle le temps où il y avait des dramatiques à la radio. Ça tient du sketch mais, Inter oblige, c'est du serieux. Donc, Marcel Rufo n'est pas relancé et raconte comment il s'est levé et à quoi il a pensé en se rasant. Passionnant...

 

Inter, c'est l'oxymore permanent, c'est l'association des contradictions. La radio est devenu pour ses producteurs ce que le vélomoteur est pour les adolescents : un moyen de frimer (ou du moins de se faire remarquer) en attendant d'avoir une voiture. Une fois dans sa conduite intérieure, on oublie vite le deux-roues qu'on bichonnait amoureusement.

 

En même temps, je ne sais pas si ça vaut le coup de perdre du temps à critiquer Inter.

À l'heure où les résultats d'audience enregistrent les meilleurs scores depuis longtemps,

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/12/21/25968028.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/12/03/22873206.html

 

il paraît difficile d'en appeler aux fondamentaux de la radio, à la création radiophonique puisqu'il semble que le modèle d'émission unique d'Inter, à savoir un animateur occupe sa tranche horaire avec un invité, convienne aux auditeurs.

Ces auditeurs, toujours plus nombreux doivent se réjouir que la parlote, pourtant déjà omniprésente trouve encore le moyen d'étendre son champ. À quoi bon s'étonner sur la toile que, le jour de la publication des audiences, chaque radio annonce fièrement à ses auditeurs qu'elle est en hausse. Chaque responsable de tranche horaire annonce que c'est lui qui est en tête et remercie les gentils auditeurs pour leur confiance.

 

Il est vrai que, dans d'autres domaines, on nous explique que c'est en facilitant les licenciements qu'on va faire baisser le chômage, que c'est en réduisant le pouvoir d'achat des ménages au nom de la rigueur qu'on va relancer l'économie, que c'est l'expérience de la France en matière de services publiques qui va être mise au service de la politique de privatisation des services publics en Grèce. Alors, sur Inter, on peut bien faire de la parlotte à longueur de journées, de la télévision sans image, on peut bien s'acheminer vers un prolongement à la radio du site Internet qui, lui, peut s'ouvrir à la publicité. Dont acte.

 

Après les licenciements sur RFI, la fusion (alors que le candidat Hollande avait promis qu'il ne le ferait pas) des rédactions de RFI et de France 24, la suppression sur Inter de « Et pourtant elle tourne », la radio a cessé d'être à l'écoute du monde et de tisser des liens entre les auditeurs du monde entier. Ruggero de Pas vient de mourir,

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2013/02/16/26428958.html

 

Alex Taylor a disparu de la circulation. L'émission qui, lorsqu'elle ne faisait pas la propagande éhontée de l'Union Européenne, faisait découvrir nos voisins a été supprimée et ses producteurs animent une « chronique » aux aurores.

La création radiophonique n'est plus qu'un souvenir à l'heure du nombrilisme culturel parisien. Encore une fois, les auditeurs plébiscitent comme ils laissent faire des politiques dont on sait à l'avance qu'elles conduisent à la catastrophe et dont on suit chacune des étapes qui confirment l'intuition de départ. On verra. Ah non, on ne dit plus ça. On dit : « à retrouver sur notre site france-inter point fr ».

 

Pour les étapes, on relira « la lanterne de diogène » chez canalblog...

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/09/14/22033957.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/07/28/21692017.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/07/10/21579281.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/09/14/19060609.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/10/15/19334491.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/12/21/23016483.html

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