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la lanterne de diogène
14 mars 2013

Habent papam

Je n'aurai jamais pensé réagir, et à chaud, à l'élection du chef de l'Église catholique. Seulement, l'événement m'a chamboulé. L'auditeur de radio que je suis a été captivé par l'actualité qui se déroulait en direct. Alors que, sur Inter, les journalistes et les experts invités échangeaient quelques propos pour résumer les enjeux de cette élection, je pensais que la rapidité signifiait que le favori était sorti de l'urne. Juste avant l'annonce publique, ils rappelaient comment, lors du conclave de 2005 (pour Benoît XVI), le cardinal Bergoglio avait souffert de se voir confronté lors du choix final au cardinal Ratzinger et combien il ne voulait pas de cette charge. Voici que huit ans plus tard, âgé de 76 ans, il accepte le trône de Pierre. Cette coïncidence a étonné encore plus les journalistes quand la rumeur de l'annonce les a interrompus. Eux et nous auditeurs, avons eu encore plus de mal que les fidèles réunis sur la place Saint-Pierre à en croire nos oreilles. Le brouhaha sourd de la place a suivi. Voilà pour l'anecdote.

 

Le plus étonnant encore a été le choix du nom pontifical : François. Cet hommage à François d'Assise ne peut qu'émouvoir tous ceux pour qui, le petit pauvre d'Ombrie est une figure de premier ordre dans l'Histoire universelle. Et puis, ce nouveau pape qui s'agenouille devant la foule et lui demande le silence alors qu'elle est toute à sa joie et agite des drapeaux, surprend.

 

Il me plait d'espérer que la vie de pauvreté de François inspire l'Église pour qu'elle se situe clairement à côté des plus défavorisés et soit assez forte pour rappeler aux puissants, dont beaucoup se réclament du catholicisme, leurs devoirs alors que notre monde connait des injustices insupportables, que l'argent mène les choix des humains. Puisse le pape François avoir la force – si tel est son souhait – de rappeler les devoirs de justice, de partage et – pourquoi ne pas le dire ? – de bonté. Dans les épreuves qui attendent nombre de pays du monde dans les mois et les années à venir, il serait bon que l'Église catholique se rappelle le message de celui qu'elle prétend suivre mais dont elle s'est toujours détournée en échange de la possibilité octroyée par le pouvoir d'exercer son culte. Je parle, bien sûr, de ses cadres et de ses dirigeants. Tout le monde connait la force qu'a donné la foi à des religieux et à des laïcs, sur le terrain, pour soulager un peu la misère du monde. Sans remonter à François d'Assise ou Vincent de Paul, on trouve Sœur Emmanuelle, vieille femme au milieu du sous-prolétariat qui évoluait dans les dépotoirs du Caire et, bien sûr, l'Abbé Pierre.

 

L'écrivain Henri Vincenot a pointé, à plusieurs reprises, le choix insensé de l'Église du XIXième siècle qui, au lieu de soutenir ses fidèles qui souffraient des changements induits par la révolution industrielle, a préféré s'acoquiner aux puissants et à la bourgeoisie émergente comme, autrefois, elle faisait cause commune avec la noblesse. Toujours ces accointances avec le pouvoir en place. Elle paie cette faute car l'immense majorité de la population mondiale qui était catholique de naissance n'a cessé de s'éloigner de cette Église qui pactise avec les nantis. Le monde se déchristianise (la démographie ne doit pas faire illusion), la part des catholiques parmi la masse des chrétiens diminue et le processus est irréversible.

 

Si l'on peut souhaiter que l'Église catholique, non pas revienne, mais vienne à ses fondamentaux, ce n'est pas par souci de ses intérêts. Simplement, malgré la désaffection, malgré la perte de terrain sur ses sphères d'origine, à savoir l'Europe qui décline et s'éloigne du christianisme et l'Amérique du sud qui émerge mais se tourne vers les Églises évangéliques, plus souples et plus proches des fidèles, l'Église catholique et sa mouvance conservent de l'influence. Or, on sait qu'en Amérique latine, les Églises évangéliques ont souvent été les relais de l'emprise étasunienne et de l'ultra-libéralisme en raison d'une certaine interprétation des principes protestants. Il faut relire Weber, de temps en temps, pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui.

 

Ce n'est pas l'intérêt de l'Église catholique qui nous préoccupe. Au contraire, on doit souhaiter un monde affranchi des influences religieuses. Seulement, ça présuppose un niveau d'éducation qui, paradoxalement, avec la somme de connaissances disponibles aujourd'hui, avec les moyens d'accès que nous savons, semble s'éloigner toujours plus. L'inculture que j'épingle souvent n'est pas préoccupante pour des raisons de confort intellectuel personnel mais parce qu'elle engendre les pires maux qui sont les corollaires de la bêtise : l'intolérance, l'égoïsme, la violence, l'absence de tout respect envers la nature et les êtres qui la peuplent. Il faut tendre vers un monde sans dieu ni maître mais cette utopie s'évanouit à mesure que la population augmente et, avec elle, les intérêts particuliers. S'il faut souhaiter voir l'Église catholique prendre un tournant et voir ses dirigeants marcher à côté des plus défavorisés, c'est uniquement parce que nous ne serons pas de trop pour faire face à la finance qui voit le monde se transformer, qui y contribue parfois, et qui entend profiter au maximum de sa puissance pendant qu'il en est encore temps. Il serait bon de pouvoir compter sur une voix encore très influente.

 

Pour rester sur le plan strictement ecclésial, on remarque que le pape François est âgé (76 ans) et sera encore un pape de transition. On peut supposer que, le précédent Benoît XVI ouvre à son successeur la possibilité de démissionner quand il se jugera inapte. Ça n'a l'air de rien mais ce précédent aura des conséquences en cascade et conduira probablement à l'abolition du dogme de l'infaillibilité papale puisqu'elle l'est de fait. Les catholiques sont nombreux à réclamer l'ordination d'hommes mariés et l'accès des femmes, au moins, au diaconat. Sur le plan des mœurs, il ne faut pas s'attendre à du changement. On ne voit pas comment une religion révélée pourrait adopter une position contraire aux Écritures dont elle se réclame.

 

On parle de la vie de Mgr Bergoglio. Déjà, on rappelle qu'il a parfois manqué de courage pendant la dictature argentine. Comme pour Hugo Chavez, on trouve toujours des défauts. Il est vrai que nous qui avons toujours été parfaits, et le sommes encore, pouvons donner des leçons à tout le monde.

Ensuite, on loue sa simplicité jésuitique. Il a renoncé à sa voiture avec chauffeur pour prendre les transports en commun, au personnel de maison attaché à sa fonction ainsi qu'au palais épiscopal. Fort bien mais, ce faisant, il a mis au chômage tout ce petit personnel qui trouvait là un travail simple et au service d'une personne en vue. Je doute que ces gens louent cet évêque qui les a fait renvoyer. Ensuite, avec ou sans son locataire, le palais épiscopal et toujours là et il faut quand même payer son entretien et les impôts afférents en plus de l'appartement en ville de cet évêque. Ne pas se fier aux apparences et voir un peu plus loin que l'image qu'on nous impose.

On a beaucoup entendu les fidèles argentins et autres latino-américains présents à Rome. Forcément, ils étaient contents. Ils l'auraient été de toute façon. Idem pour ceux qui se sont retrouvés sur la Place de Mai de Buenos Aires. Il faudrait connaître l'avis des prêtres présents sur le terrain et qui partagent le quotidien des populations. Il faudrait savoir ce qu'en pensent ceux qui l'ont côtoyé pendant des années. Les apparences peuvent être trompeuses mais, quoi qu'il en soit, chacun a la possibilité d'évoluer et de changer.

 

Reste que cet événement en a éclipsé d'autres d'importance fondamentale. Le Parlement européen, pour la première fois a usé de son (nouveau) droit et a censuré le budget de récession (et en baisse) préparé par la Commission sous la pression des Gouvernements, des groupes de pression et autres financiers. C'est l'Europe de Merkel et l'Europe de la récession qui a été rejetée par nos élus. Il faudra s'interroger sur restriction du domaine de la représentation démocratique à tous les échelons, du médiocre parti politique dont on méprise les aspirations des militants de base jusqu'au niveau de décisions européen où les voix des peuples ne comptent pas.

 

On apprend incidemment que la Grande-Bretagne et la France ont décidé, unilatéralement, de lever l'embargo sur la livraison d'armes aux rebelles syriens. Conséquences ? Et puis, dans une moindre mesure, le nouveau numéro 1 chinois a pris ses fonctions. Lui aussi règne sur plus d'un milliard de personnes.

 

Enfin, dans le genre agacement, on entend les commentateurs hésiter à appeler ce pape « François 1er » en raison de la confusion avec des rois d'autrefois dont, le plus célèbre (surtout ici) dans la France de la Renaissance. Il suffirait de dire « le pape François » sans préciser le quantième (ce que je fais depuis le début). Trop simple pour être adopté, sans doute.

Également, cette manie depuis des années, qu'ont les journalistes français de ne pas vouloir traduire et de prononcer le prénom espagnol « Jorge » avec les règles phonétiques de … l'allemand : [yorgué]. C'est vrai que la « khota » espagnole est difficile pour nos gosiers mais enfin, il suffirait de dire « Georges » qui est l'équivalent exact. Là encore, ce serait trop simple et ça priverait certains de cette bizarrerie qui les distingue. Il est vrai que beaucoup ne peuvent pas briller autrement.

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Commentaires
E
Étant donné que ma femme a plus son pc, je le dis pour elle : extrêmement sympathique ce post, belle découverte!
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D
Aujourd'hui, une connaissance a partagé ce blog, et moi-même spécialiste en la matière, je désirais faire part de mon ressenti, je l'estime extrêmement convivial.
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