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la lanterne de diogène
3 avril 2013

Politique et communication 1

Ainsi, le Président de la République rencontre un problème de communication.

C'est le moins qu'on puisse dire. Car enfin, voici un Président et un Gouvernement qui se vantent d'avoir déjà réalisé l'essentiel des promesses de la dernière campagne mais le ressenti est inversement proportionnel. Au début du précédent quinquennat, on reprochait aussi au Président Sarkozy de ne pas tenir ses promesses. Dans son cas, c'était dû au fait qu'on lui avait attribué des propositions qu'il n'avait jamais exposées mais qui paraissaient conformes à l'image qu'on se faisait de lui. Par exemple, il n'avait jamais promis que les salaires allaient augmenter mais qu'il faudrait travailler plus pour pouvoir gagner plus. La différence n'est pas négligeable. Cette fois, le Président a péché en voulant faire passer des réformes cosmétiques quand il y a le feu à la maison. L'affaire du « mariage pour tous », nous l'avions souligné, a réalisé l'exploit de diviser son propre camp, de relancer la droite pourtant désorientée et privée de chef, de raviver des querelles endormies et des clivages d'un autre âge.

 

De plus, cette loi dont la discussion occupe la représentation nationale depuis des semaines, sans compter le battage médiatique précédent. Pendant ce temps, le nombre de chômeurs augmente et l'opinion n'est pas prête à entendre que la politique menée portera ses fruits dans un peu plus d'un an. Quand on est au chômage ou qu'on va y être, on ne peut pas attendre ne serait-ce qu'une petite année. Quand on manque, une année compte pour une décennie et les enfants, eux, ne comprennent pas du tout.

 

Ce n'est pas d'aller s'expliquer au tribunal médiatique, comme un présumé coupable qui doit justifier de tous ses actes, qui va contribuer à améliorer l'image du Président et à faire approuver sa politique. La pierre d'achoppement, c'est, qu'on le veuille ou non, cette affaire du « mariage pour tous ». Alors que se dégageait, ses dernières années, un consensus tranquille pour accorder aux couples homosexuels les mêmes droits que les autres, la maladresse du Gouvernement, la surenchère des associations d'homosexuels afin de profiter de l'occasion pour obtenir un peu plus, beaucoup plus, beaucoup trop aux yeux de quasiment tout le monde, sauf eux, a anéanti des efforts étalés sur des années. Cette surenchère a effrayé la majorité de la population et radicalisé les adversaires qui y ont puisé des ressources. La droite, suppléée, comme toujours lorsqu’elle se trouve en mauvaise posture, par les pires forces conservatrices, ne s'y trompe pas. Elle sait parfaitement utiliser les atouts que lui donne la communication moderne (Frigide Barjot), sa mainmise traditionnelle sur les médias qui appartiennent d'une part aux grands groupes industriels et d'autre part à la bourgeoisie provinciale, et la peur qu'elle manie à la perfection. Selon les cas, ce sera le jeune, l'étranger ou, en l'occurrence, l'homosexuel. Elle reprend ce vocabulaire de la guerre pour s'ériger en victime et, partant, inverser les rôles. Certes, on lui accordera que son inexpérience des manifestations ne lui permet pas de savoir comment elles sont réprimées en temps ordinaire. Pourtant, les termes de « tirer sur les enfants », « gazer », « de guerre civile » ne sont pas choisis au hasard. Ils appartiennent à des moments de l'Histoire où, généralement, ces forces ultra-conservatrices n'ont pas brillé sinon par leur complaisance envers les forces du mal. Quand on parle de « printemps français », outre les relents nationalistes détestables, on menace le pouvoir d'agitation de rue et de provocation à une répression forcément impopulaire. Sur le plan de la communication, c'est on ne peut plus efficace. Ça passe très bien auprès du public qui n'est pas non plus familier des manifestations et de leur répression.

 

 

 

Le résultat, nous le voyons tous les jours depuis l'automne. Avec un sujet qui concerne quelques milliers de personnes parmi lesquelles une minorité seulement réclame la loi dont il est question, nous connaissons déjà un climat de guerre civile verbale, qui dépasse celui qui a entaché le débat sur l’identité et autres débats du quinquennat précédent. Encore une fois, rappelons que les médias sont, sinon favorables à la cause de ces ultra-conservateurs, du moins compatibles avec leurs organisations, ce qui n'était pas le cas des débats clivants précédents.

Sur le strict plan de la communication, c'est une catastrophe qui devient un cas d'école. Amener un tel sujet, de façon aussi maladroite, en début de mandat, est proprement insensé, non seulement pour le PS au pouvoir mais pour la gouvernance de la France.

Pendant ce temps-là, les plans sociaux se multiplient, des conflits éclatent partout, 102 personnes sont mortes dans les rues cet hiver. On attend de la gauche, lorsqu’elle arrive au pouvoir en France, qu’elle invente un modèle pour le monde de demain ou, pour reprendre la belle formule de Blum, qu’elle apporte au peuple une « embellie ». Au lieu de ça, le PS s’efforce de satisfaire les revendications des minorités quand le peuple tire la langue. On attend autre chose de la France qui, en l’occurrence, n’arrive même pas à se mettre à la remorque d’autres pays sur ce sujet de société. Or, la France, qui, depuis au moins deux siècles, a montré au monde le chemin à suivre, qui a résisté à la barbarie totalitaire, qui a construit un système de protection sociale que le monde entier nous a envié, qui a impressionné avec ses artistes, ses savants, ses intellectuels, ses prix Nobel n’arrive plus à seulement faire entendre sa voix dans l’UE. Pire, ses élus n'arrivent plus à rendre les Français fiers de leur Histoire, fiers de leur pays. Qu'on songe que les Français s'avouent plus pessimistes que les Iraquiens qui évoluent au milieu des attentats et que les Afghans qui savent qu'ils vont repasser sous le joug des talibans d'ici un an. Ici, ils voient leur personnel politique s'entredéchirer sur de sujets qui les concernent de moins en moins quand le chômage touche désormais toutes les familles et bientôt presque tous les ménages. On est de plus en plus mal soignés entre l'attente pour un rendez-vous et les soins de moins en moins remboursés. Les petits commerces ferment et la queue s’allonge dans les magasins « hard-discount » (où les gens se fichent de savoir s’ils mangent du cheval au lieu du bœuf ou s’ils gobent des colorants) dont les employés, payés au Smic et le gérant à peine plus, doivent décharger les camions, mettre en rayon, passer à la caisse et nettoyer avant de fermer. Voilà la réalité quotidienne, ignorée par la classe politique qui se complait dans des débats parfaitement surréalistes.

 

Ceux qui ont fait l’effort d’aller voter attendaient autre chose de la gauche au pouvoir qu’elle occupe la représentation nationale pendant des mois sur un sujet qui concerne aussi peu de monde. Finalement, ceux qui sont restés chez eux les dimanches de scrutin ont eu raison. Cet épisode renforce l’antiparlementarisme, fragilise la démocratie en renforçant les clivages. Les échanges outranciers qu’on observe en ce moment ne sont pas de bon augure pour les prochaines campagnes électorales.

Alors, dans un tel contexte, un passage à la télévision, même si le Président se rendait aux studios en taxi après avoir fait la queue sous la pluie à la station (puisque personne n'arrive à faire évoluer le statut des chauffeurs de taxis qui préfèrent gérer la pénurie et assurer le remplissage de leur véhicule), il lui faudrait changer radicalement pour reprendre le dessus et apporter un peu « d'embellie ». Comme si ça ne suffisait pas, l'affaire Cahuzac anéantit les efforts de communication (on dit parfois « pédagogie » lorsqu’il s'agit du gouvernement) et vient porter un coup fatal à la vie politique et à la démocratie. Quand on entend « tous pourris », on est prêt à approuver les groupes les plus violents pourvu qu'ils donnent l'impression de vouloir remettre de l'ordre et de punir rapidement ceux qui participent d'un système qu'on rejette à un moment.

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