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la lanterne de diogène
24 avril 2013

LOUXOR, les bobos l'adorent

Évidemment, comment ne pas se réjouir de la réouverture du Louxor ? Surtout, il faut se réjouir qu'il n’ait pas été démolie comme tant d'autres. Après tout, le Gaumont Palace n'est pas si loin. Seulement, quand je lis le projet, je reste dubitatif. Bien sûr, ça va réjouir les bobos qui, parait-il, commencent à peupler le quartier qu’ils trouvent « chou » et surtout tellement « populaire », tellement « métissé » et autre clichés qui les ravissent.
http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/06/16/18306904.html

 

Maintenant, je me souviens de la programmation du Louxor qui était la même que celle du Barbès Palace, du Gaité-Rochechouart et, plus loin, du Trianon, de l’Eden, de l’Ornano-43 etc. à savoir des films de série B, des karatés et des pornos. La clientèle était exclusivement masculine. Si ces salles ont fermé, c’est que cette clientèle s’est précipitée sur les vidéos.

Les plus jeunes qui habitent le quartier vont-ils au cinéma ? Quand ils y vont, quel genre de films vont-ils voir ? Je pense qu’ils regardent plutôt des Dvd qu’autre chose. D’ailleurs, les marchands de Dvd et vidéo-clubs sont nombreux dans le coin. Surtout, je doute fort qu’ils se précipitent sur les films d’art & essai et encore plus sur Hannah Arendt, Free Angela et Pierre et le loup qui sont annoncés. Il aurait peut-être fallu leur demander leur avis.

Or, en regardant le reportage sur l’ouverture du Louxor, on a la confirmation des craintes exprimées plus haut, voire pire.

http://www.france24.com/fr/20130418-france-barbes-goutte-or-images-premiere-seance-publique-cinema-le-louxor-paris

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D’abord, on s’est bien gardé d’organiser une journée portes-ouvertes où les habitants du quartier auraient pu accéder à la beauté. Ça leur aurait donné envie d’y retourner ou d’en parler à leurs voisins et amis.

Au contraire, les gueux du quartier ont été repoussés mais des gentilés de Boulogne et des beaux quartiers de Paris s’y sont précipités. L’une d’elle se réjouit que, finalement, elle a croisé la même clientèle que sur les Grands Boulevards. Elle pensait, sans doute, trouver des sauvages, des gens qui s’habillent pas pareil. On est quand même mieux entre soi. Néanmoins, elle croit que les gens du quartier vont y aller. Elle doit penser que le décor de péplum à thème égyptien va rappeler aux Maghrébins leurs origines. On distribue quelques pâtisseries dégoulinantes de miel pour faire couleur locale alors que le local est exclu. Je suppose qu’on n’a pas oublié les loukoums et le thé à la menthe. Je doute que les spectateurs de la séance inaugurale se soient attablés dans les pâtisseries et salons de thé du boulevard Barbès ou du boulevard de la Chapelle. Ils ont préféré attendre de se retrouver entre gens du beau monde, cultivés et ouverts d’esprit...

Confrontation des bobos avec la réalité : « j’y retournerai pas le soir », « on se fait aborder par des mecs relous ». Qu’est-ce qu’ils imaginaient ? Une population de victimes par définition, exploitée et résignée ?

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/03/28/23873269.html

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/11/25/22860861.html

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/02/04/16794887.html

Ils pensaient que le quartier allait être en fête parce que les élites daignaient apporter la culture à ces masses barbares ? Ils pensaient qu'ils allaient être accueillis en libérateurs ou en missionnaires ? Il aurait peut-être fallu les inviter et les associer. La réalité, c’est une sortie de métro dans une foule bigarrée, nerveuse, en mouvement, dans un quartier de débrouille. Les uns font du trafic illégal comme les clopes. Les autres vendent des produits de mauvaise qualité à une clientèle dans la dèche mais qui a besoin, comme tout le monde, de s’équiper pour vivre : vaisselle, ustensiles de cuisine, appareils électroménagers, costumes mal coupés. À ces boutiques qui caractérisent les boulevard Barbès, Magenta, Rochechouart, de la Chappelle, il faut maintenant ajouter celles de téléphonie. Et puis, il y a les commerces de bouche, dans les rues des Poissonniers, de la Goutte d'Or, de Chartres, les marchands des quatre saisons souvent fournis en fruits et légumes qui restent à Rungis quand les autres ont tout acheté, les boucheries hallal dont une seule peut se vanter de proposer de la viande de premier choix, les boulangeries, des agences de voyages pour retourner voir la famille au pays ou effectuer le pèlerinage.

Si c’est folklorique pour les clients du Louxor, c’est la réalité pour les habitants du quartier qui préféreraient, eux aussi, vivre correctement au lieu de devoir se fournir en aliments et produits de basse qualité voire dangereux. Non, le quartier n’est pas reluisant même si l’habitat s’est amélioré.

Maintenant, gare à la gentrification du quartier. L’ouverture du Louxor pourrait fort bien marquer le début d’une reconquête par la classe moyenne supérieure. Bien sûr, celle, pour de motifs similaires, du Virgin Megastore est un échec mais a marqué l’arrivée d’une nouvelle population qui, sans entrer proprement dit dans « la Goutte d’Or », s’en est rapproché. À propos, le dernier nom commercial du Louxor était « Mega Town », boite branchée (déjà) et un peu homo. On reste dans le « méga ».

Personnellement, je parierai plutôt sur un échec du Louxor ; du moins sous la forme annoncée. Comme la salle va être portée à bout de bras par la Mairie, elle survivra à la faible clientèle mais qu’une autre majorité soit élue l’an prochain et ça ne tiendra pas bien longtemps.

Il n’est pourtant pas exclu qu’une opération immobilière amène d’autres types de commerces, une clientèle qui viendrait de plus loin, d’autres qui s’y installeraient, profitant, dans un premier temps, des prix bas de l’immobilier. Ces commerces pourraient être des meubles et de la décoration exotiques. Pour faire « couleur locale », on poussera à imiter le style souk chez soi. Bien sûr, « couleur locale » correspond à l’idée qu’on se fait du local et pas à la réalité telle que nous la connaissons. Viendraient alors les caméras de surveillance.

France 24 se veut le phare de l’audiovisuel extérieur de la France. Il relève du ministère des Affaires étrangères.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2009/06/17/14117357.html

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2009/01/26/12237480.html

Curieux que ce média soit en pointe sur ce dossier tout à fait parisien : « Ce projet pharaonique vise avant tout à promouvoir la mixité sociale et la diversité de l’offre culturelle dans un des quartiers les plus défavorisés de la capitale. »

En fait tout est dit dans cette phrase, sauf qu’il faut entendre le contraire.

C'est bien parce qu'il y a une population homogène, d'origine étrangère, que France 24 est allé voir. Ensuite, pour réussir la « mixité sociale »,il faudrait déjà que ce quartier ne soit « le plus défavorisé de la capitale ». Ça ne passe pas par des opérations immobilières ou en programmant des films élitistes à des gens qui ont besoin de se distraire. Il faudrait que cette population en particulier (mais de plus en plus de personnes dans notre beau pays sont dans ce cas) ait les moyens de vivre correctement ; ce qui signifie qu’elle ait les moyens de consacrer une partie de ses revenus aux loisirs. Or, les revenus sont précaires ou constitués des minima sociaux. Dans ces conditions, on n'a pas beaucoup d'autre choix que de regarder la télé ou des DVD. D'ailleurs, c'est dans ce quartier qu'on voit le plus d'antennes paraboliques aux fenêtres. Alors, le film d'un cinéaste chinois, probablement en version originale sous-titrée... On nous annonce encore Hannah Arendt.

Les promoteurs du Louxor vivent sur une autre planète. Le plus drôle, c'est qu'ils ne se rendent même pas compte qu'ils participent à l'exclusion de la population du quartier, d'abord en leur refusant l'accès le jour de l'inauguration, ensuite en programmant des films qu'ils n'iront pas voir, même pour simplement admirer les décors de la salle. Ils viennent s'installer chez eux, font venir leur public, dégustent, à l'intérieur des murs, des pâtisseries dites « orientales » mais hors la présence des « orientaux* » en question.

Mais bon, on se fait plaisir à la Mairie de Paris. On parle de mixité. On apporte la culture aux barbares. On garde en mémoire que nos ancêtres ont exploités les leurs et par conséquent, il faut leur payer cette dette. On leur permet de voir la façade du cinéma mais pas d'entrer. La mixité a ses limites, tout de même.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/03/19/23803063.html

 

*Il faudra un jour qu'on m'explique ce glissement sémantique qui fait qu'orient et oriental désignent une aire géographique située non pas à l'est, au levant, mais au sud et que l'occident et les occidentaux, désignent ceux du nord de la planète. Faut-il rappeler que « maghreb » signifie justement « occident », le côté où le soleil se couche ?

Le plus curieux, c'est qu'en France, « oriental » est souvent un euphémisme pour désigner les immigrés d'Afrique du Nord tandis qu'en anglais, on utilise ce terme soit pour des Indiens et des Pakistanais, soit pour des Chinois ou des Japonais.

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Commentaires
A
Je maintiens ce que G écrit sur le Louxor.<br /> <br /> En effet, le théâtre des Bouffes du Nord est situé à proximité et marche bien. Seulement, comme tu le fais remarquer, il est ouvert depuis 1974 et, avec Peter Brook à sa tête, il a eu le temps de se constituer un public qui a été attiré par la réputation de son directeur et une programmation alléchante. Je connais ce lieu. <br /> <br /> Pendant ce temps, je ne reviens pas sur la programmation du Louxor qui a fermé (comme cinéma), il y a un quart de siècle environ. Il n'a donc pas pu fidéliser son public. D'autres salles ont fermé aussi. Ceux qui vont au cinéma pour se divertir ont eu à leur disposition d'autres supports, plus souples et moins chers que le déplacement vers la salle de cinéma du quartier ou d'un peu plus loin. <br /> <br /> À l'heure où le Louxor fermait, un autre cinéma du même genre rouvrait dans un quartier un peu semblable : le Rialto. Situé place Stalingrad, il proposait une formule de tarifs originaux et une programmation populaire avec des films de divertissements et des films plus ambitieux. On pouvait voir au long de la semaine aussi bien « Les bronzés » ou « Monty Python » que « Dersou Ouzala » ou « Félicité ». <br /> <br /> <br /> <br /> Cependant, malgré des travaux pour faire de cette salle un petit bijou (déco semblable à cette salle de la rue Champolion, le Reflet Médicis, je crois), malgré les scolaires et les centres de loisirs du mercredi, la salle a fermé et les cinéphiles qui l'animaient ont bouffé la grenouille (ou la tortue selon Jacques Attali). <br /> <br /> <br /> <br /> De l'autre côté, ce n'est surement pas par bonté ou pour favoriser la « concurrence libre et non-faussée » que la chaîne Pathé a abandonné deux salles de son complexe de la place Clichy. La salle indépendante dite « le Cinéma des Cinéastes » ne fait pas salle comble et attire, encore une fois, une clientèle extérieure à cet autre quartier populaire. <br /> <br /> <br /> <br /> Malgré tout, on veut rouvrir le Louxor et c'est bien ; surtout pour conserver cette salle originale. J'ouvre une parenthèse pour espérer que la Pagode a été ou sera préservée pour des raisons semblables.<br /> <br /> Je pense que le Louxor tiendra le coup tant que la Mairie de Paris la soutiendra. On y emmènera les élèves du lycée Clignancourt (R. Dorgelès) et autres qui se taperont des films en version originale sous-titrée et devront rédiger un rapport à l'issue de la séance. Dans la journée, on y verra aussi nombre de cinéphiles attirés par les petits programmes en papier distribués à l'entrée. Pourquoi faire, d'ailleurs, puisqu'on sait ce qu'on va voir ? Apparemment, on a décidé que, puisqu'on aime (le cinéma) on ne compte pas. <br /> <br /> <br /> <br /> Qu'on me comprenne bien. Ce que je dénonce dans ce billet, c'est qu'on a ouvert cette salle juste en bordure de ce quartier de la Goutte d'Or en insistant sur son caractère de « mixité ». Or, justement, dès l'ouverture, on a exclu les habitants de ce quartier. La mixité ne se fait pas plus dans la salle qu'ailleurs. C'est cela qui me chiffonne. Ils n'ont même pas été consultés. Sinon, ils auraient probablement émis d'autres suggestions quant à la programmation. Qu'on songe que le film de la séance inaugurale était un film chinois en version originale sous-titrée ! Quel mépris pour cette population qu'on prétend par ailleurs accueillir, respecter ; pour ne pas dire « intégrer » car maintenant c'est devenu un gros mot. Deux monde continuent d'évoluer côte à côte mais sans se rencontrer.<br /> <br /> <br /> <br /> Les Bouffes du Nord, la Cigale, le Cinéma des Cinéastes, le Trianon ne sont pas loin mais ne sont pas dans ce quartier. D'ailleurs, elles n'attirent pas la population de la Goutte d'Or. Le Louxor aurait eu vocation à attirer la population étrangère de ce quartier plus tous ceux qui sont ouverts d'esprits et curieux du mode de vie des autres. Là, on aurait pu parler de mixité. Tandis que ce que je dénonce, c'est de s'installer parmi cette population mais de leur interdire de fait et dans les faits l'entrée. <br /> <br /> <br /> <br /> Maintenant, j'accepte la critique selon laquelle je me laisse aller à une vague nostalgie d'un quartier que j'ai connu, beaucoup plus populaire et beaucoup plus mélangé qu'aujourd'hui alors qu'on ne se payait pas de mots comme « mixité » ou « métissage ».
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A
... pas complètement d'accord avec ton papier sur le Louxor.. trop caricatural à mon goût.. je te rappelle qu'à quelques encablures, il y a un théâtre que je fréquente assidûment. Je veux parler des Bouffes du Nord, longtemps sous la houlette de Peter Brook.. oui, dans le quartier de la Chapelle, au 37 bis boulevard de la Chapelle, juste en face à la station de métro La Chapelle... tout ça pour dire que ce théâtre a été relancé en 1974, qu'il draine des foules à chaque représentation, beaucoup de touristes aussi, des gosses des lycées du coin.. que la programmation est haut de gamme et que ce petit théâtre ne fait pas tache dans ce coin défavorisé.. je fréquente aussi Virgin où le rayon disque ne désemplit pas, moi je vais au rayon livres.. Pour en revenir au Louxor il faut attendre pour voir comment un nouvel espace peut vivre.. des bobos ?? il y en a partout maintenant.. ils descendent tout doucement sur mon bd Ornano.. et alors ?? et le marché du bd Ornano est vraiment formidable et n'offre pas uniquement des fruits et légumes de troisième choix.. non.. pas d'accord puisque j'y vais quasi tous les dimanche.. quant aux boucheries halal elles ne déméritent pas et quand j'ai du monde je vais y acheter un excellent petit gigot par ex.. frais, pas congelé pendant des mois et surtout pas estampillé Nouvelle Zélande comme dans pas mal de boucheries "normales".. Oui capitaine, je défends mon quartier qui ne ressemble plus beaucoup à celui que tu as connu lorsque tu étais enfant, exactement comme Alger ne ressemble plus à la ville dans laquelle j'ai vécu jusqu'à 15 ans et demi... c'est autre chose.. une autre chose qui ressemble à une autre réalité.. on ne peut pas toujours vivre avec son passé... <br /> <br /> Ouf.... sans rancune Diogène...
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la lanterne de diogène
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