Télé et réalité (3)

Décidément, cette vedette de la télé dite « réalité » est une mine vivante.

http://fr.news.yahoo.com/nabilla-agress%C3%A9-guichetier-sncf-%C3%A0-gare-lyon-%C3%A0-180320234.html

On apprend qu'elle a craché à la figure d'un employé d'un guichet de la Gare de Lyon après être passée devant tout le monde.

Ça illustre parfaitement notre propos lorsque nous attirions l'attention sur le fait que l'école n'est plus capable de donner à ses élèves les outils pour s'exprimer. Lorsque les mots manquent, il ne reste plus que le langage du corps.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/01/10/16463468.html

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/03/30/23888488.html

Or, nous avons vu, lors des précédents épisodes, que les mots les plus élémentaires lui manquent.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2013/04/13/26916750.html

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2013/04/16/26937801.html

Nous voyons aussi le soin qu'elle porte à son corps. Pas étonnant que, face à une situation inédite et conflictuelle, elle ne puisse faire sortir de sa bouche autre chose qu'un crachat.

Inédite parce qu'elle n'a probablement jamais fait la queue pour acheter un billet ou demander un renseignement. Tout le monde sait que c'est fastidieux, énervant, que, parfois, les insultes volent, les bousculades sont légion. Ce n'est pas une raison, mais pas une raison non plus pour cracher à la figure de l'employé qui fait ce qu'il peut.

Cette « télé-réalité » vient de prouver qu'elle est totalement éloignée de la réalité la plus banale, la plus affligeante, la plus quotidienne. C'est bien ce qu'on attend d'elle. Elle découle d'une société où la télévision, justement, a pris une place démesurée dans la journée et particulièrement chez les plus jeunes. Certes, il s'agit-là d'un cliché maintes fois ressassé mais, ce n'est pas parce qu'il est rabâché, devenu inaudible et quasiment invisible parce que rejeté à l'arrière-plan, qu'il ne doit pas être pris en compte.

Les plus jeunes croient y voir le reflet de la vie d'adulte qui les attend. Ils plébiscitent les programmes où évoluent des personnes qui ont à peu près leur âge mental mais qui ont l'avantage d'avoir une vie affective et sexuelle. D'ailleurs, il en est toujours questions dans ces programmes. Tout ce qui tourne autour prend le dessus sur toute autre considération. C'est un univers d'artifice, d'artificiel, de maquillage, de plastique, de colorants, d'édulcorants, de faux et de faussaires. Par extension, ça prépare (ce n'est évidemment pas le but) les esprits à tout ce qui modifie la réalité, justement : chirurgie esthétique, recours aux médicaments, OGM. Ça complète l'univers virtuel, ou 1.0 puis 2.0, avec son cortège de jeux vidéos solitaires ou en ligne, de vie virtuelle avec monnaie virtuelle, de rencontres virtuelles, de meurtres virtuels. Tout doit être fait pour l'apparence. On modifie son corps. On planifie les modifications : d'abord les seins, puis ce qui pourrait ne plus convenir à la mode du moment. On évolue dans l'irrationnel. On passe du temps à commenter les horoscopes et la vie des vedettes. Il n'y a jamais eu autant de vedettes que depuis la multiplication des chaînes de télévision et de la presse qu'elle a entrainé. N'importe qui peut devenir vedette de la télévision ; la preuve. C'est devenu le but suprême.

Également, le discours contre l'État qui fait florès depuis plus de vingt ans autorise et légitime l'agression contre le représentant de l'idée qu'on s'en fait. L'employé, outre qu'il n'est qu'employé aux ordres, au lieu d'avoir sa boite ou de passer à la télé, incarne la ringardise de tout ce qui est collectif, au service de tous. La télé magnifie au contraire la réussite individuelle et tout ce qui permet de se faire remarquer. Le judoka Teddy Riner vient de prendre position contre la redistribution (autrement dit les impôts), pourtant modérée, décidée par le Gouvernement en avançant que les jeunes n'auront plus la possibilité de devenir riches. Visiblement, c'est le seul idéal qui lui reste. Comment s'en étonner ?

Entre l'appauvrissement du vocabulaire, la non acquisition du sens de la réalité, l'absence d'échelle de valeurs, l'incapacité à établir des priorités et à déceler ce qui est important, on aboutit à des exactions dont la moindre est le crachat et le comble est le meurtre. Nous avons vu qu'il peut survenir dès le collège.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/06/29/24603823.html

Nul doute que cet épisode ne fera pas réfléchir au-delà des apparences. Les vieux (forcément vieux pour tenir de tels propos) s'indigneront vaguement et ricaneront de cette nouvelle saillie d'une imbécile qui doit sa notoriété à sa bêtise et à la taille démesurée de ses seins. Les jeunes rigoleront en se disant qu'elle a eu raison. On est impatient quand on est jeune et on se retient souvent de ne pas péter un câble quand il faut poireauter. Donc, on fera montre de solidarité. Finalement, elle a donné à son public ce qu'il attendait. Après tout, c'est bien ce que fait la télévision au quotidien.

On relira aussi :

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/06/14/24496649.html

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/11/02/19494700.html