Alain MIMOUN
Et dire que je m'étais promis, de temps en temps, d'écrire des pages dithyrambiques sur des personnes que j'apprécie beaucoup et dont la pensée rend ma vie plus agréable. Je m'étais promis de ne pas attendre leur mort pour le faire. Mimoun était sous mon coude depuis des années ; depuis que j'ai commencé ce blog. Je crois.
Et puis, le temps a passé et je me retrouve, une fois de plus, à faire l'éloge d'un mort encore chaud.
Pourquoi Mimoun, au fait ? Mimoun, je l'ai vu et ce jour-là, je n'ai vu que lui. J'étais petit et, avec mes parents, nous sommes allés voir les adieux de Michel Jazy. Jazy, je connaissais. On parlait beaucoup de lui. Je savais qu'il courait et qu'il courait vite. D'ailleurs, quand on voyait quelqu'un courir vite, on le comparait à Jazy pour plaisanter. Pareil à l'école où celui qui battait tout le monde à la course bombait le torse en scandant le nom de Jazy.
Alors, dans ce stade Charléty, je me souviens de deux choses. D'abord, il y avait cette grosse horloge et cette architecture typique de l'après-guerre. Surtout l'horloge.
Ensuite, quand Jazy courait, avec son flottant et son marcel bleus, il y avait toujours un autre qui courait derrière lui. Eh oui, tous derrière Jazy et lui devant, comme aurait dit le poète. J'aurais dû comprendre que, pour ses adieux, les autres le laissaient mener les courses.
Celui qui était derrière Jazy me fascinait. Il avait une belle foulée mais, surtout, des jambes plus foncées que les autres. Ma mère que disait que c'était Mimoun. J'aimais bien ce nom. Jazy gagnait mais c'était Mimoun qui m'intéressait.
J'ai jamais oublié Mimoun. Des fois, dans les années 1970, à la télé, on le voyait. Par exemple dans cette série de Daniel Costelle sur les Jeux Olympiques. Il racontait comment il avait eu envie de connaître la France métropolitaine lui qui avait grandi en Algérie, comment il avait pleuré en réalisant qu'on jouait la Marseillaise pour lui et que c'était pour lui qu'on hissait le drapeau tricolore. Une autre fois, très âgé, il avait re-chaussé les crampons pour effectuer, dans les conditions du marathon, un parcours en petites foulées depuis Paris jusqu'à l'aéroport de Roissy pour faire la promotion de l'avion supersonique Concorde. Il était toujours enthousiaste et la foule se pressait sur le parcours pour l'ovationner. C'était, je crois, la dernière fois qu'il courait.
J'ai toujours pensé à Mimoun et combien je regrette de n'avoir pas écrit ces lignes avant. Peut-être les auraient-il lues ?
L'écrivain Daniel Saint-Hamon lui a rendu cet hommage :
« Alain Mimoun est ce que la France a produit de meilleur quand elle était encore la France. Homme simple et humble, d'une rare modestie, magnifique vainqueur de la plus belle des médailles, celle du Marathon olympique. C'était purement et simplement un grand Français. Et aussi un grand Kabyle. »
Je suis d'accord