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la lanterne de diogène
3 juillet 2013

Le temps des lèches-bottes

Au début, on croyait qu'il s'agissait d'une nouvelle auto-flagellation tant c'était énorme, incroyable. Ce matin, une rumeur faisait état d'un refus du survol du territoire français par l'avion du Président de la République bolivienne. Au fil des heures, l'information a été confirmée et même augmentée par l'annonce que d'autres pays européens en ont fait autant, obligeant l'avion présidentiel à se poser à Vienne et à rester en plan pendant 13 heures.

http://www.huffingtonpost.fr/2013/07/03/morales-snowden-vienne-bolivie_n_3538377.html

 

Éclipsée, à juste titre, par l'actualité égyptienne, cette nouvelle est annoncée comme s'il s'agissait d'une péripétie. Nous sommes, au contraire, en présence d'un événement de première importance. Dans le seul but de complaire aux États-Unis, des puissances européennes se permettent d'intercepter ou plutôt d'obliger un avion à se détourner au prétexte de l'identité supposée de ses passagers. Pendant la guerre d'Algérie, l'aviation français avait détourné l'appareil qui emportait les principaux chefs du FLN alors considérés comme des terroristes. Du point de vue de la sécurité du territoire, il n'y a rien à redire. Cette fois, on se permet d'interdire à un avion emportant un chef d'État, démocratiquement élu, de survoler le territoire. La raison en était qu'on supposait que se trouvait à bord M. Ed Snowden,

http://www.techredac.info/Edward-Snowden-demande-l-asile-dans-21-pays-dont-la-France_a585.html

 

celui qui a révélé au monde que la NSA, dont il était salarié, écoute tout le monde en permanence. Du point de vue étatsunien, c'est un traitre et on peut le comprendre. Seulement, il ne s'agit ni d'un tyran (comme Pinochet quittant le territoire britannique malgré le mandat lancé contre lui par le juge Garzon) ni d'un individu coupable de crime de guerre ou de crime contre l'humanité. Ce n'est pas non plus un terroriste.

 

Cette affaire rabaisse l'autorité et la souveraineté des pays qui ont cru bon interdire le survol d'un avion civil emportant un Président d'un État ami pour donner des gages à un autre dont on a toute raison de se plaindre au moment présent. C'est d'autant plus minable que les États-Unis n'ont rien demandé en ce sens. On avait eu, autrefois, le Président Giscard se ridiculisant en se rendant en Pologne pour ramener, croyait-il, un message de détente de la part du dictateur Brejnev. On se souvient qu'il en avait été question pendant la campagne et que Mitterrand l'avait tancé. Pourtant, dans le contexte de l'époque, on pouvait comprendre qu'une puissance européenne ait à cœur d'entretenir de bonnes relations avec un voisin dangereux. Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, nous en sommes loin et très loin. En prenant cette décision, le Président Hollande s'humilie. Tel Eustache de Saint Pierre, il ne lui reste plus qu'à se présenter devant le Président Obama en chemise avec la corde au cou. En plus, il ne sauverait même pas son peuple mais le livrerait, au contraire.

 

L'affaire des écoutes aurait dû provoquer des remous diplomatiques autres que la prudence gênée affichée par les Européens. Qu'un pays ami se permette d'espionner les communications privées, même si l'on s'en doutait, est extrêmement grave. On peut comprendre que, s'agissant d'un ami puissant et indéfectible, on ne veuille pas en faire trop. Au moins, pour la forme, les négociations commerciales avec les États-Unis (qui se déroulent en ce moment) dans le cadre de l'ANI, auraient dû être suspendues sine die. On ne risque pas grand chose puisque les échanges existent sans ce nouvel accord qui, comme on s'en doute, favorise les E.-U. En fait, on parle d'observer 15 jours d'attente avant de reprendre de plus belle. Par dessus le marché, pour ne pas fâcher celui qui devrait adopter un profil bas, on déploie un zèle humiliant en détournant l'avion du Président d'un autre pays ami, beaucoup moins puissant et plus lointain, celui-là.

 

Après, la France et les Français pourront proclamer qu'ils sont le pays des Droits de l'Homme. Quelle blague ! L'article premier ne dit-il pas que tous les Hommes naissent égaux en droits ? Est-ce à dire que cet article ne s'applique pas aux chefs d'États ?

La France et ses alliés auraient-ils fait de même si l'avion d'un souverain arabe avait demandé à survoler le territoire ? Surement pas. On aurait trop craint la réaction de la minorité arabe et des représailles de la part des producteurs de pétrole. Dans six mois, cela fera quarante ans que nous avons subi le premier choc pétrolier. La France et ses alliés auraient-ils fait de même si l'avion avait transporté le Président chinois ? Pourtant, ce pays se comporte de manière abominable envers les Tibétains. Le Président chinois pourrait rendre des comptes dans n'importe quel pays démocratique.

 

Seulement, s'agissant du chef d'un des États les plus pauvres du monde, sur un continent lointain avec lequel on n'a jamais vraiment développé de relations, on peut se le permettre. Ce ne sont pas quelques étudiants qui vocifèrent devant l'ambassade à La Paz qui vont empêcher de dormir l'exécutif français. On brûle des drapeaux français ? On n'est pas si susceptible, ici. En plus, le Président Morales était ami de son homologue Chavez, considéré ici comme un dictateur, bien qu'élu et réélu plusieurs fois. Donc, on se croit autorisé à bafouer ce chef d'État. En France où un Président a été réélu avec 80 % des suffrages, nous pouvons nous permettre de donner des leçons aux autres.

 

On a trop dit que M. Hollande est un Président sans envergure, mou à force d'être normal, impuissant, impopulaire. La presse hebdomadaire se déchaine contre lui. Il est vrai qu'il a toujours été facile de taper sur le chef de l'exécutif et c'est normal. Celui qui ne fait rien ne prend aucun risque et ne s'attire pas les foudres.

http://www.marianne.net/Les-bons-apotres-du-Hollande-bashing_a229631.html

 

M. Hollande manque de charisme, c'est vrai. Ce n'est pas pour autant qu'il travaille mal et n'est pas à la hauteur. Seulement, en prenant la responsabilité d'injurier son homologue qui se trouve dans un avion civil à plusieurs centaines de mètres au-dessus de nos têtes, il montre sa faiblesse et sa servilité. D'autant plus que, encore une fois, on ne lui demandait rien. Désormais, nous avons la preuve que le chef d'État français, tout comme ses partenaires de l'Union Européenne ne feront rien qui risque de contrarier les États-Unis, quitte à sacrifier les intérêts de leurs peuples. Nous savons à quoi nous en tenir.

 

 

Cet article retarde la publication prévue d'un autre consacré aux idéalistes à propos des écoutes par la NSA.

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Commentaires
L
En fait, les négociation ont repris comme si de rien n'était.<br /> <br /> <br /> <br /> Les médias ne parlent déjà plus de l'incident diplomatique et tout se passe comme si la France et les autres pays qui ont fait de même n'avaient pas abdiqué leur souveraineté.
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