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la lanterne de diogène
10 juillet 2013

Incertitudes égyptiennes

Ce texte aurait dû prendre place sous forme d'un simple paragraphe dans un commentaire consacré aux mouvements de révoltes.

 

http://www.20minutes.fr/search?q=egypte

 

Oh, comme c'est embarrassant ! D'un côté, on se réjouit de la chute du Président Morsi, d'un autre, on ne peut que condamner ce qui s'apparente à un coup d'État militaire dans un pays qui apprend la démocratie.

 

L'échec du Président Morsi est patent mais il a été élu régulièrement l'an passé ; du moins aussi régulièrement que possible dans un pays qui inaugurait de véritables élections démocratiques avec plusieurs candidats et dans un pays immense, dont beaucoup de villages sont difficiles d'accès et donc de contrôle. Quand bien même, dans une démocratie, même balbutiante, l'armée n'intervient pas pour destituer le chef d'un exécutif quand sa politique échoue et qu'une partie de la population est mécontente. Imaginons nos deux derniers Présidents, renversés par l'amiral Guillaud, un an après leur élection, parce que, l'un comme l'autre a dû faire face à un mécontentement massif et un rejet de leurs politiques. En plus, on n'est pas sûr qu'un militaire de carrière pourrait faire mieux. Simplement, il règlerait les affaires courantes sans passion, sans état d'âme et l'opposition n'aurait qu'à bien se tenir.

 

Nous dirons aussi que, quel que soit les insuffisances du Président Morsi, la façon dont il est traité actuellement est tout simplement scandaleuse. Car enfin, voici un chef d'État, régulièrement élu, qui, non seulement est destitué par l'armée mais en plus se trouve sous les verrous. Quel crime a-t-il commis pour mériter ce sort ? A-t-il trahi sa patrie ? Est-ce à dire qu'en Égypte, le Président de la République peut être emprisonné pour délit d'opinion ou pour incompétence ? Nous sommes fondés à le croire.

 

L'intervention de l'armée est d'autant plus condamnable qu'elle fait écho au soulèvement de la rue cairote, la même rue qui a conduit à la chute du Président Moubarak, ancien militaire. Or, la Place Tahrir ne voulait plus de militaires. Elle a même forcé le gouvernement provisoire militaire a organiser rapidement des élections pour en finir avec le régime des militaires. Trop rapidement sans doute car les voici qui reviennent et en force, avec la bénédiction de la communauté internationale. Va-t-on assister à une valse des exécutifs chaque fois qu'un rassemblement se tiendra Place Tahrir ?

 

À ce stade, il convient de s'interroger sur la légitimité des émeutiers de la Place Tahrir. On les aime bien, ici. Ils sont jeunes, ils utilisent Facebook, ils sont polyglottes, ils rassemblent des laïcs et des pratiquants des deux religions principales de l'Égypte, les musulmans sunnites et les coptes orthodoxes. Le soulèvement cairote rappelle, ici, ce qu'on a appris de la Révolution française qui a commencé, aussi, par le soulèvement du peuple de la capitale. Seulement, il y a tous les autres, tous ceux qui ne vont pas Place Tahrir, ne serait-ce que parce qu'ils n'habitent pas le Caire. Le Caire n'est pas l'Égypte. Et tous les autres ont indiqué par leur vote qu'ils préfèrent les Frères Musulmans, ne serait-ce que parce qu'ils savent à peu près à quoi s'en tenir avec eux, même s'ils sont probablement loin d'approuver leur programme.

 

Bien sûr, il ne fallait pas être grand clerc pour deviner que les Frères Musulmans, confrontés à la réalité du pouvoir, ne pourraient pas dissimuler longtemps leurs faiblesses. En dehors de leur catéchisme, du simplisme de leur vision du monde, de leurs œuvres de charité, ils sont incompétents. D'ailleurs, on ne leur demandait pas, jusqu'à présent, d'être compétents en matière politique. Il aurait donc été préférable de les laisser gouverner, s'enfoncer dans le marasme pour les voir partir en courant sous les huées de la population. On en aurait été débarrassés durablement. Pendant ce temps, une opposition et des partis politiques auraient pu s'organiser et se présenter aux suffrages. Au lieu de ça, on a préféré leur couper l'herbe sous les pieds, denier la démocratie en marche et probablement voir, dans les semaines ou les mois qui viennent, l'opinion publique regretter les Frères devant les difficultés du nouveau pouvoir et l'instabilité, voire en faire des martyrs ainsi qu'ils ne manqueront pas de se revendiquer comme tels.

 

Ce qui nous fait penser que cela va se passer ainsi, c'est ceux qui ont fait l'effort de se déplacer pour voter l'an dernier n'approuvent surement pas le coup d'État militaire. Ils n'approuvent surement pas qu'une partie des Cairotes et des Alexandrins imposent leurs points de vue au reste de l'Égypte et remettent les militaires en lice. Ils n'approuvent surement pas qu'une coalition politique hétéroclite, incluant des salafistes, se ligue contre un exécutif issu des urnes et pour quoi faire ? Déjà, dans cette coalition surréaliste, les salafistes ont montré que, de fait, ils disposent d'un droit de véto puisque sans leur accord, le Prix Nobel de la Paix, M. Mohamed El Baradeï n'a pu être nommé Premier Ministre du gouvernement provisoire. Quelle sera leur prochaine exigence qu'il faudra satisfaire ? Bien évidemment, ils ont tout intérêt, eux aussi, à ce qu'un gouvernement laïc, soit faible et qu'il échoue pour pouvoir se présenter comme alternative de droit divin. Qu'un gouvernement militaire ou laïc remette de l'ordre, conduise une politique salutaire et approuvée par la population et c'en est fini de l'islamisme en Égypte et dans de nombreux pays arabes où le problème se pose.

 

Dans le passé, nous avons connu une situation semblable. Bien sûr, on dira que comparaison n'est pas raison. Pourtant, les grands traits sont identiques et le reste relève simplement de l'adaptation à la situation particulière à l'Égypte actuelle. Nous faisons allusion, forcément, aux élections législatives de 1991 en Algérie, qui ont vu le FIS (islamiste comme les Frères) en passe de les remporter et largement. L'armée est intervenue pour interrompre le processus démocratique. S'en est suivie une longue période qu'on commence seulement à appeler « guerre civile ». Elle opposait la puissante armée algérienne à des islamistes, certes, mais surtout furieux et radicalisés de se voir souffler la victoire par les voies démocratiques. On sait les horreurs commises au cours de cette période. On redoute qu'il en soit de même en Égypte. Déjà, les attentats individuels, commis par des excités isolés contre de pauvres diables en uniforme, tout aussi isolés, ont commencé. Dans la situation d'instabilité de l'Afrique du nord que nous connaissons depuis la chute de Kadhafi, du moins dans les zones désertiques, on ne peut que redouter une réplique en Égypte de ces années de braise. On sait que les GIA algériens sont devenus au fil des ans la branche maghrébine d'Al Qaida. Dans le contexte actuel, il n'y aura pas besoin d'attendre longtemps pour voir cette évolution. Certes, le pire n'est jamais certain. Actuellement, les incertitudes sont trop grandes pour prévoir quoi que ce soit. Cependant, les mêmes causes produisant les mêmes effets, cette hypothèse n'est pas à écarter. En destituant le Président Morsi, on a libéré des forces que nul ne peut plus désormais contrôler.

 

http://www.lefigaro.fr/international/2013/07/08/01003-20130708ARTFIG00531-la-chute-de-morsi-une-nouvelle-onde-de-choc-a-travers-le-moyen-orient.php

 

http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/reuters-00534151-l-armee-entraine-l-egypte-dans-la-guerre-civile-freres-musulmans-583852.php

 

http://blog.mondediplo.net/2013-07-03-Egypte-l-armee-et-le-peuple-unis

 

http://blog.mondediplo.net/2013-06-25-Vers-une-intervention-de-l-armee-en-Egypte

 

http://blog.mondediplo.net/2013-07-08-Les-elections-l-Egypte-et-la-democratie

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