Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
la lanterne de diogène
13 juillet 2013

Catastrophe

Pas question de se prononcer sur l'accident avant les résultats de l'enquête. Seulement, cet accident, quels qu'en soient les causes, crée un malaise dans la mesure où tout le monde comprend bien qu'il est se produit au moment où la SNCF n'est plus la meilleure compagnie ferroviaire du monde, alliant le confort, la qualité des prestations, la vitesse, le rapport qualité-prix et surtout la ponctualité proverbiale.

 

Depuis quelques années, en fait depuis la fin des années 1970 (sous l'impulsion de Barre – encore une fois), il a été décidé de faire des économies parce qu'on nous disait qu'il était inadmissible que les services publics soient toujours en déficit et que les contribuables doivent l'éponger. Finies les nombreuses visites d'entretien. On fera le minimum. Finis les trains qui roulent presque vides. Ceux qui les prenaient attendront les prochains où ils seront priés de s'entasser avec les autres. La SNCF se doit d'être rentable. Le TGV l'y a aidé mais pas question que, contrairement à ce qui se faisait jusqu'alors, les activités rentables compensent les services rendus au public et qui affichent des déficits. Il paraît que c'est immoral et, en tout cas, interdit par les nouvelles directives européennes. Ces directives européennes tournent le dos à ce qui avait fait le succès de l'intégration sur le continent, à savoir la coopération entre les États membres ; d'où le nom de « Communauté » européenne. Désormais, avec l'Acte unique de 1992, les États sont en concurrence les uns contre les autres et ça change tout. On ne coopère plus mais on se tire dans les pattes.

Cette coopération était, pour ainsi dire, naturelle entre les compagnies ferroviaires nationales d'Europe. On assurait la continuité sans faire descendre les voyageurs aux frontières. On faisait circuler les trains des autres sur ses rails. On vendait les billets internationaux. Désormais, chaque compagnie est concurrente des autres et entend prendre des parts de marché aux compagnies nationales qu'on doit appeler désormais « opérateur historique ». Pour cela, une compagnie exige des bureaux de vente dans la gare de son concurrent local, des sillons avantageux, aux meilleurs horaires, pour lui ravir ses clients. Donc, plus question de coopérer. Par exemple, la Sncf a pris une participation dans le capitale de NTV pour concurrencer l'ex compagnie nationale ferroviaire italienne. De son côté, les FS (privatisés) se sont alliés à un opérateur privé pour faire rouler des trains sur le réseau français. Concrètement, on ne peut plus acheter un billet Paris-Venise au guichet d'une gare SNCF.

 

La « gestion par activité » équivaut à découper chaque grande activité de la SNCF et à constituer ce qui pourrait, un jour, devenir une compagnie séparée. On a ainsi les « activités » voyageurs, fret (ex marchandises), infra (ex travaux), transilien (ex banlieue parisienne) etc. Chacune de ces activités dispose de son propre matériel. Concrètement, pas question, en cas de panne d'une loco, d'aller chercher une loco de travaux pour acheminer un train de voyageurs. Il faut demander des autorisations à plusieurs niveaux. Chaque demande devant être examinée en fonction des impératifs des uns et des autres. Les voyageurs ne sont plus les impératifs. Donc, on attendra plutôt qu'un train de voyageurs arrive en gare. On en fera descendre les passagers et l'on prélèvera la loco pour faire partir l'autre. Dans le meilleur des cas (mais rarement), les voyageurs contraints de descendre prendront un car affrété par la Sncf ou, plus surement, attendront le prochain train et tant pis s'il n'arrive qu'une heure ou deux après. Il existe près de Rouen, un dépôt, celui de Sotteville-lès-Rouen, où des centaines de locomotives, en bon état de rouler, s'abiment et rouillent faute d'avoir une affectation dans leur « activité ». Ce sont des millions perdus chaque année par la SNCF. Dans le même temps, la filiale Akiem loue des locomotives aux concurrents de la SNCF. Cherchez l'erreur.

http://www.tendanceouest.com/rouen/actualite-53925-sotteville-les-rouen-un-grand-cimetiere-de-trains-.html?version=rouen

SNCF

L'accident de Brétigny survient dans une société qui a été longtemps le fleuron de notre pays. Il illustre le déclin de notre pays depuis qu'il doit obéir à des règles contraires aux valeurs qui l'ont propulsé parmi les premiers du monde et qui sont devenues universelles à force d'être exemplaires. Ces valeurs de progrès, de solidarité étaient incarnées, mieux qu'ailleurs, par la SNCF née dans l'élan du Front Populaire en 1937.

Il y a quelques années, comme par hasard, le slogan de la SNCF était : « le progrès ne vaut que s'il est partagé par tous ». Il faisait écho à ces valeurs qui ont fondé notre identité nationale : rendre possible le progrès, le favoriser et le partager entre tous quelle que soit la situation individuelle.

 

Dans l'inconscient collectif, cet accident révèle bien le malaise que nous vivons depuis l'Acte unique européen. Un accident ferroviaire, rare, est toujours spectaculaire et chargé d'émotions. Ce ne sont pas les six morts qui posent problème, ni même les blessés et les passagers choqués. Chaque semaine, nombre d'accidents de la circulations affichent des bilans comparables. On ne se pose jamais tant de questions lorsqu'il s'agit d'un accident de la route même mortel. On sent bien, à travers ce déraillement, que ce n'est pas seulement le train qui a déraillé mais les fondamentaux de notre société. La SNCF était le fleuron de la France. Elle en était la vitrine, aussi. Monter dans un train français, c'était comme profiter de ce que la France pouvait offrir. C'était à l'image de la France. En l'occurrence, un certain niveau de confort, quelle que soit la ligne, la ponctualité, la rapidité. Lorsqu'on se déplaçait à l'étranger, inévitablement, on établissait des comparaisons et l'on obtenait une image assez représentative du pays où l'on se trouvait. On voit bien que les trains ne sont plus ce qu'ils ont été et qu'ils sont comme tout le reste autour. Au delà de la catastrophe ferroviaire, c'est un crise de civilisation.

Publicité
Publicité
Commentaires
la lanterne de diogène
Publicité
la lanterne de diogène
Derniers commentaires
Archives
Visiteurs
Depuis la création 219 689
Newsletter
Publicité