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la lanterne de diogène
21 octobre 2013

Jean Graton, Tony Franklin et quelques autres.

Au départ – comme on dit en course – une soirée DVD comme une autre. Je vais choisir le film qui me fera oublier que je ne peux plus regarder les étoiles. Je tombe sur « Michel Vaillant ». Michel Vaillant ? Mais... c'est de la bande dessinée. En effet mais je m'étais procuré le film. Du moins, le croyais-je. Déception, ce n'était pas le film de Couvelaire et Besson avec des vraies Vaillante mais un feuilleton de l'ORTF dont je n'ai jamais entendu parler !Pourtant, dans Tintin, il a dû en être question. Il est vrai que, comme je n'avais pas la télé étant petit, les articles consacrés aux programmes ne m'intéressaient pas. Et puis, le rédactionnel me rebutait. Alors, j'ai sans doute tourné les pages qui m'étaient rebutantes.

 

Curiosité, je décide de regarder un peu les images en noir & blanc. Bof, ça vaut pour la nostalgie, pour les vieilles bagnoles qui, à l'époque, étaient les plus modernes. Quand on pense qu'on a pu aimer ça...Tout de suite, la déception grandit. Les personnages ne ressemblent pas. D'accord, il a fallu trouver des vrais pilotes et ils n'avaient pas forcément l'air de famille. Surtout, les « characters », comme on dit en anglais, ne correspondent absolument pas aux personnages de Jean Graton. Jean Graton ! Le créateur et dessinateur de Michel Vaillant, le pilote qui ne vieillit pas : aussi à l'aise avec Jim Clark que Pescarolo ou le regretté François Cevert. Toujours aussi jeune avec Ronny Peterson, lui aussi mort accidenté. Encore vaillant avec Senna. Quelle longévité. Et c'est pas fini puisque le fils Graton a pris le relais. Le plus amusant, c'est que son père prend quelques rides, son frère des cheveux blancs, son neveu qu'on a vu naître est devenu un jeune-homme mais Michel a toujours le plus bel âge.

 

Michel Vaillant, vaut pour les histoires, la probité des héros positifs, leur loyauté, leur fidélité en amitié. La série vaut aussi pour les paysages, les jolies filles. Eh oui, à la grande époque de la BD belge, tout ce qui pouvait suggérer des relations sentimentales était prohibé et strictement censuré. On l'a assez reproché à Hergé et à Jacobs. Martin s'est fait taper sur les doigts jusque dans les années 1970. Graton, lui, a été plus subtil. Françoise n'était qu'un personnage secondaire, juste destiné à agacer avant qu'il ne devienne évident qu'elle en pinçait pour son pilote ténébreux. Il a ainsi pu déjouer la censure. Michel Vaillant vaut aussi pour les paysages. En relisant, je retrouve les régions que j'ai connues et notamment la Provence et la Camargue. C'est ainsi que je me suis rendu compte que j'avais, moi aussi, marché sur la Lune avant Armstrong. Si je n'avais pas été pressé de connaître la suite, j'aurais pris le temps de lire un peu mieux les dialogues et les noms sur les panneaux routiers et, plus tard, j'aurais reconnu ces paysages qui auraient dû m'être familiers. Surtout, Michel Vaillant propose une série de voitures toutes plus belles les unes que les autres. Ah, si c'était possible d'en voir une pour de vrai, rouler et tout et tout ! Les voitures, mais aussi les camions. Deux albums offrent un festival : l'inévitable « Route de nuit » et « Concerto pour pilotes » avec une intrigue digne des meilleures fictions, tous supports confondus. La série vaut pour ses histoires parfaitement bien tournées. Bien sûr, certaines sont un peu des mélos ou dégoulinent de bon sentiments. Après tout, ça vaut mieux que les mauvais, non ? Les dessins sont irréprochables. C'est la ligne claire façon réaliste. Je dois dire que j'aime bien les couleurs d'autrefois même si elles sont approximatives. J'aime aussi ces albums aux pages épaisses et surtout pas glacées. En plus, avec le temps, ils sentent bon quand on les ouvre. Jean Graton est un des tout derniers survivants de cette grande époque de la BD. Il fait quelques apparitions à la Hitchcock dans ce feuilleton.

 

« Route de nuit » était le nom de l'émission de Roland Dhordain, un des pionniers de la radio moderne. José Artur est cité également mais avec un « h » qui l'agaçait prodigieusement. À l'époque, la nuit, je dormais. Plus tard, Dhordain occupait des fonctions directoriales. Je ne l'ai donc pas connu. En revanche, en suivant ce feuilleton nullissime, j'ai tout de suite reconnu la voix, jeune à l'époque, de l'inimitable Tony Franklin.

Tony Franklin, c'était le chroniqueur automobile de France-Inter mais il était aussi à l'aise dans tous les sports.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2009/07/20/14466908.html

 

Sa voix avait ceci de particulier qu'on écoutait ce qu'il disait même si l'on n'y comprenait rien. Ma culture du sport automobile se limitait à Michel Vaillant mais quand Tony Franklin parlait, je l'écoutais avec ses accents qui lui procuraient une évidente satisfaction. Il exagérait tout mais c'était formidable. À la maison, on attendait le nom d'un pilote étranger avant d'avaler un morceau, de peur de s'étrangler de rire. Une fois, pour les 24 heures du Mans, il avait conclu son reportage en direct par cette formule d'anthologie : « demain, on entendra surtout Forza Ferrari ! Allez Matra ! » Le silence après le reportage était encore de Tony Franklin. Il a fallu attendre plus de trente ans pour qu'un journaliste sportif de cette envergure prenne le relais et force l'écoute. Je veux parler de Patrick Grivaz, au débit ultra-rapide mais qui manie les mots à la manière des meilleurs conteurs. Lui aussi couvre les Grands Prix mais ça ne m'intéresse plus. C'est Patrick Grivaz que j'écoute.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/06/17/21421517.html

 

Gordini

Dans ce feuilleton, Tony Franklin donne les explications techniques. Il faut souligner, dans cette fiction une prouesse, celle de mêler de véritables images de courses avec de vrais pilotes et les scènes tournées avec les acteurs au milieu de ces professionnels. C'est ainsi qu'on peut voir Gordini jouer son propre rôle. Gordini, à l'époque, pour moi, ce n'était qu'un nom rajouté à l'arrière d'une série de R 8 bleues avec deux bandes blanches. La R 8, espèce de caisse à savon en trois parties nous faisait rêver ; surtout les bleues mais les jaunes, les R8 S, n'étaient pas mal non plus, surtout celles avec 5 phares à l'avant...

Toute une époque que les moins de 20 ans etc.

http://aigleange.centerblog.net/rub-photos-de-renault-8-gordini--5.html

 

Quand même, Gordini, un personnage historique. Le voir bouger en vrai, ça fait quelque chose ; surtout quand il est présenté par Tony Franklin. Bien sûr, on aperçoit quelques secondes, Enzo Ferrari, autre monstre sacré. Lui, ne se prête pas au jeu du feuilleton. Tony Franklin, c'était quelqu'un. Peu de chance de l'entendre sur Inter, aujourd'hui. Quand on diffuse un document sonore, il est rare que ce soit un sujet sportif. Il y a quelques jours, pour rappeler la guerre du Kippour, j'ai pu entendre un extrait du journal de 13 heures de l'époque, avec la voix d'Yves Mourousi, celui dont un de ses anciens confrères, Daniel Saint-Hamon, peut dire : « Le prince Mourousi était un mec à part : grand pro, grand bosseur, grand lanceur d'idées. Pas un, dans l'audiovisuel d'aujourd'hui, ne lui arrive à la cheville par son éclectisme. C'était vraiment un prince au sens vrai du terme ». Bien sûr, son nom n'a pas été cité par le journaliste en studio, pas plus qu'il n'a mentionné Ralph Pinto, envoyé là-bas d'urgence. Un jour, en évoquant ces grands noms, un autre journaliste de cette époque m'a dit en privé : « on est peu de chose »...Vanitas vanitatum etc.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2006/07/24/2347188.html

 

Pourtant, la plus forte émotion m'a étreint dès le début. Une séquence se passe à Paris, dans les embouteillages de la place Clichy, à l'époque du célébrissime Gaumont-Palace. Il faut avoir l’œil pour le deviner dans le trafic. Mais, ce n'est pas le Gaumont qui m'a ému. J'ai dû y entrer une seule fois. À proximité, se trouve le garage où a travaillé mon ami Serge, celui que j'aime considérer comme mon grand frère, lui le petit Noir qui aimait se faire servir un p'tit blanc. Alors, dans les rampes du garage, il m'a semblé que j'allais l'apercevoir puisque c'était son métier de conduire les voitures des clients.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2006/05/13/1972106.html

 

Finalement, ce feuilleton décevant au possible m'a procuré de belles émotions. Ce qu'on retient de la vie, ce sont de rencontres, des personnes attachantes, des regards croisés, inoubliables. Ce sont aussi quelques beautés que la nature nous offre, car elle n'est pas rancunière avec tout ce que les humains lui font subir. La voix de Tony Franklin, le souvenir inattendu de Serge, eh bien, ça valait sacrément le coup.

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