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la lanterne de diogène
11 novembre 2013

La politique française à l'automne 2013 (1)

La politique française traverse un marasme comme rarement dans l'histoire de l'après-guerre. On a l'impression que tout et que toutes les formations cherchent des solutions, n'en trouvent pas, font réchauffer des vieux plats, hésitent à lier des alliances ou se défaire d'autres. On a surtout l'impression que personne ne sait pourquoi continuer.

 

Pourquoi continuer, en effet, puisque, de moins en moins, l’État est souverain chez lui, que les directives viennent d'où l'on sait, qu'elles sont dictées par la finance internationale qui change le sens des mots en fonction de ses intérêts à court terme ? Un exemple : le dogme de « la concurrence libre et non-faussée » (dont il est souvent question ici) semble fait pour favoriser l'éclosion de monopoles et l'étranglement des petits qui cherchent à faire valoir leur droit au gâteau. Que des coopératives se regroupent pour optimiser leurs outils, mutualiser leurs moyens, vendre ensemble, et la Commission européenne hurle à l'entente illégale. En revanche, quand des gros se regroupent, finissent par avaler les moyens et mettre les petits sur la paille, c'est le jeu normal de l'économie et de la concurrence. Au besoin, pour faire passer la pilule et berner les derniers naïfs (encore très nombreux malgré l'évidence), on exigera que le nouveau groupe se défasse d'une marque et de quelques unités de production. On ne donne pas cher de la marque ainsi lâchée. Ce sont des centaines et des milliers de personnes directement sur la paille, un concurrent de moins, et un avertissement aux autres.

 

Comme si ça ne suffisait pas de voir l’État et ses lois affaiblies par des instances supranationales auxquelles il a adhéré de son plein gré et, parfois, avec l'approbation des électeurs, il faut encore que, de l'intérieur, des voix se fassent entendre – et de quelle manière – pour réclamer toujours moins d’État. En fait, on veut surtout moins d'impôt et la fin des services publics réglés par l'impôt afin d'ouvrir de nouveaux secteurs au marché. Soi disant que c'est ça qui crée de la richesse. On voit, depuis 1992, et surtout 1999 que ça supprime des postes de fonctionnaires (tant mieux puisque tout le monde pense qu'ils ne fichent rien), sans créer l'équivalent dans le secteur privé qui se garde bien de rendre service ou alors sous de telles conditions qu'on ne peut plus parler de « service ».

 

Moins d'impôts, donc, des salaires de fonctionnaires qui stagnent, des services publics qui doivent fonctionner avec des budgets à la baisse, des usagers qui protestent et qui ne comprennent pas. Pour la plupart des gens, les services publics sont une chose acquise ; presque naturelle. Ils ne font pas le lien entre les impôts qu'ils acquittent douloureusement et les routes sur lesquelles ils roulent sans penser qu'il faut les entretenir, les policiers qui, malgré les nombreuses imperfections les protègent, les juges qui ne sont plus remplacés tant le métier est usant, mal payé, peu gratifiant. Pour peu que la route qu'on emprunte chaque jour soit bombée et pleine de trous, que la police refuse de se déplacer pour intervenir en cas d'appel au secours, qu'une décision de justice ne passe pas, on aura des raisons de se poser des questions. Parfois, selon le degré de conditionnement auquel on est parvenu, on rejoindra ceux qui ne veulent carrément plus d’État, donc plus de services publics et la privatisation de tout.

 

Si nous insistons tant sur les rapports des Français avec leurs services publics, c'est que l'impôt, la recherche d'impôts, la création de nouvelles taxes, le relèvement du taux de TVA s'accumulent et donne l'impression d'un accablement. La faute en incombe entièrement au Gouvernement. D'abord, il aurait dû se lancer, tout de suite, dans une réforme fiscale ambitieuse pour se donner les moyens de sa politique ; politique sur laquelle le Président de la République a été élu en 2012. On se doute que ça ne serait pas passé sans mal mais c'était incontestable, légitime et, surtout, nécessaire. Au lieu de ça, on a reformé par ci, bricolé par là et le Gouvernement a reculé à chaque fois qu'un groupe de pression se fait entendre ; relayé largement par la presse écrite et même audiovisuelle presque entièrement aux mains de groupes industriels ou financiers qui, forcément, voient d'un mauvais œil un appel à leur contribution. Il est vrai, aussi, que les petits contribuables sont les premiers à voler au secours des gros (surtout s'ils menacent de fermer boutique ou de licencier) sans penser une seconde que l'impôt que les gros contribuables ont les moyens de refuser de payer, devra être acquitté par les petits qui n'en peuvent déjà mais. Le résultat tangible, c'est que le Gouvernement donne l'impression qu'il suffit de taper un peu du poing sur la table pour que l'impôt soit réparti sur l'ensemble des contribuables plutôt que sur les catégories qui peuvent le régler le plus facilement ou celles qui sont vraiment concernées.

 

Dans ce contexte, l'opposition de droite a beau jeu d'associer, pour le public, chaque projet du Gouvernement, chaque réforme à « impôt nouveau ». Dans la lexicologie de droite, « réforme » signifie suppression progressive de la protection sociale pour les salariés et récession, tandis que « réforme », au sens où on l'entend habituellement, se traduit par « impôt ». Comme la droite maîtrise plus ou moins l'information, le résultat, c'est que tout le monde est mécontent, tout le monde râle ou, plutôt, râle un peu plus que d'habitude.

 

Sur le plan politique, au sens premier de vie de la cité, les élus locaux commencent à réaliser que les cantonales sont un non-sens qui relève de la pathologie. À l'heure des intercommunalités avec des statuts différents (après tout, pourquoi pas puisque les situations sont différentes), à l'heure où l'on parle de créer des métropoles de taille internationale, des technocrates ont pondu une réforme... des cantons. À quoi servent les cantons aujourd'hui ? Il n'y a pas une gendarmerie dans chacun, contrairement à ce qu'on croit et contrairement à ce que prévoit la loi. Il y a encore moins un collège dans chacun. On préfère que les élèves soient baladés en car deux fois par jour plutôt que de disposer d'un établissement à proximité. Les services publics de proximité sont, désormais, du ressort des intercommunalités : transports urbains, collecte des ordures, assainissement, développement économique etc. Le canton ne sert plus qu'à élire les Conseillers Généraux ; comme si cette charge ne pouvait pas être remplie par les présidents d'intercommunalités. L’État, depuis plusieurs années se décharge sur les collectivités locales pour faire des économies ; tout en reprochant aux collectivités locales de dépenser trop. Or, dans un souci d'économie, l’État va... doubler le nombre de Conseillers Généraux. Pour faire croire qu'il y aura des économies malgré l'évidence, on a procédé au redécoupage des cantons. On regroupe des cantons mais en enlevant des communes dans chacun pour les mettre ailleurs (donc en rajoutant aussi). Bien entendu, on n'a pas consulté les intéressés. Si l'on devait demander leur avis aux habitants, où irions-nous ? D'ailleurs, la démocratie de proximité n'est plus d'actualité. L'intercommunalité affaiblit le rôle des communes et tend à le vider de sa substance. Rappelons que l'intercommunalité n'est pas élue démocratiquement mais résulte d'ententes entre élus. Les technocrates qui sont à l'origine de ce scrutin pour les cantonales à venir ont fait des études poussées, ils savent mieux que nous ce qui est bien pour nous. Ce qui est sûr, c'est que cela va créer de nouveaux élus, chacun avec un cabinet. Ils vont se surajouter aux élus des intercommunalités qui cumulent – forcément – avec un mandat de Conseiller municipal ou de maire (la plupart du temps).

En fait, le but avoué (on se gardera d'imaginer les autres) est de favoriser l'arrivée des femmes dans la politique puisque pour sur les deux Conseillers Généraux élus, l'une sera obligatoirement une femme. Belle promotion des femmes à un poste qui ne correspond à rien et dans une assemblée (le Conseil Général) que beaucoup voudraient voir disparaître au profit de régions qui affaibliraient un peu plus le rôle de l’État (on y revient : c'est une obsession que d'affaiblir les États au profit d'assemblées locales et d'instances supranationales). Ouvrons une parenthèse pour remarquer que l'UE favorise l'émergence de « régions » autonomes (le fameux binôme Europe-Région) qui n'ont aucun moyen (au contraire d'un État ; et encore) de s'opposer aux diktats de la Commission.

C'est sûr que les femmes vont être attirées par la politique tant qu'elle se pratiquera de la sorte et avec des fonctions qu'on leur réserve mais qui n'ont aucune réalité concrète.

 

Tout ça donne l'impression que le Gouvernement ne sait pas où il va, qu'il lance des projets absurdes et renonce aux projets ambitieux, de bon sens et de développement durable. Tout ça donne l'impression que le Gouvernement ne répond surtout pas aux attentes exprimées par la population et même par ses électeurs de 2012. On a, au contraire, l'impression que ce Gouvernement a demandé, une fois de plus, à ses électeurs de voter pour le PS et ensuite de le laisser faire, surtout sans rien demander en contrepartie. On attend de la gauche qu'elle prépare l'avenir mais elle change d'avis toutes les semaines. L'éco-taxe en semaine A, la suspension de l'éco-taxe en semaine B, le simple report en semaine A et la prochaine semaine B ? Malheureusement, tout est comme ça. On renonce au TGV là où il en faut mais on le maintient là où il n'apportera rien que du béton et ne fera gagner que des minutes. On renonce au canal stratégique Seine-Nord mais on persiste dans le nouvel aéroport international de... Nantes. Tout est mené en dépit du bon sens.

 

Voilà pour le ressenti des citoyens.

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