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la lanterne de diogène
11 décembre 2013

Jean-Louis FOULQUIER

Alors que je n'ai pas encore eu le temps de terminer mon second commentaire sur le demi-siècle de France-Inter, voici que le destin s'abat sur une des très grandes voix de la station : Jean-Louis Foulquier. Justement, en écoutant le spectacle de clôture du cinquantenaire, je trouvais que les chanteurs citaient beaucoup Jean-Louis Foulquier et je voyais là un hommage vibrant à celui qui a tant fait pour eux et pour ce genre si particulier qui est la chanson de qualité où une musique souvent très bonne (mais parfois juste moyenne) est au service d'un texte superbe.

 

Jean-Louis Foulquier, c'est un nom lié à la jeunesse. Lycéen, je regagnais ma chambre vers la Goutte-d'Or et je me débrouillais pour être disponible vers 18 h 15 pour « Saltimbanques ». C'était le Grand Orchestre du Splendid qui jouait, en direct, le générique et qui ponctuait l'émission de reprises de standards de Ray Ventura mais ça, je ne le savais pas. Je savais juste que ça me plaisait et me mettait de bonne humeur. Fan de radio, il me restait à devenir fan de bonne chanson française. Ce serait chose faite grâce à « Saltimbanques » puis, quelques heures plus tard, au « Pop-Club » et sa programmation signée Bernard Lenoir. Entre les deux, il devait y avoir « Marche ou rêve » de Claude Villers.

 

J'écoutais donc « Saltimbanques ». Je dis bien « j'écoutais » car la radio a rarement été, pour moi, un fond sonore. Et puis, quand on reçoit des artistes comme Yves Duteil, Alain Souchon, Hubert-Félix Thiéfaine, Alain Bashung, Nicolas Peyrac, Jacques Higelin, on est obligé d'écouter ; non qu'ils se prennent au sérieux (au contraire) mais ce qu'ils disent est tout simplement intéressant. Inutile d'insister sur la qualité de leurs chansons. Je me souviens juste que j'avais l'habitude d'enregistrer leurs chansons avec le radio-cassettes ou une installation que j'avais bricolée. Assez rapidement, je devinais, rien qu'à l'introduction que la chanson serait bonne. Bien sûr, je ne parle pas des talents (à peine) confirmés. À cette époque, une expression comme « la nouvelle chanson française » s'imposait avec cette génération. Ce sera carrément le titre de l'émission qui succédera. Après, il y aura encore « Y a d'la chanson dans l'air » sur un air de Souchon ; encore Souchon. Surtout pendant près de vingt ans, il y aura « Pollen » et le célébrissime indicatif de Gato Barbieri d'après « Europa ». http://www.youtube.com/watch?v=h4Mrp6wuSwk

 

« Pollen » a accompagné les années où j'ai connu un semblant de stabilité. Comme « Pollen » a duré, j'ai connu des formules diverses et pas forcément des bonnes. Foulquier a donné leur chance à d'autres mais, je dois dire, pas aussi bon que leurs prédécesseurs. Plutôt, les bons y étaient moins nombreux. C'est au cours de ces années que j'ai dû supporter Dider Varrod qui m’insupportait mais qui triomphait lors des émissions en public, au point qu'il a cru pouvoir rencontrer le succès en publiant ses chroniques. Il incarnait ce qu'on n'appelait pas encore les « bobos » avec son vernis de culture et la mise en avant d'une moralité forcément inattaquable puisque c'était moral. Il devenait évident que Didier Varrod succéderait à Foulquier.

 

Lorsqu'il faisait « Studio de nuit », – première émission de Foulquier sur une année (et même plusieurs) –, l'idée consistait à faire passer à la radio les artistes qui venaient de terminer leur spectacle. À l'époque, ces artistes pouvaient être Brassens, Sevran, Barbara, Lavilliers ou même Léo Ferré qui reviendra plusieurs fois au cours des ces années. Après la mort du vieil anarchiste, Foulquier et Varrod ont poursuivi en invitant Mathieu Ferré. Ne pas oublier Bernard Dimey, voisin de Jean-Louis à Montmartre. Bernard Dimey, l'immense Bernard Dimey.

 

Seulement, dans la deuxième moitié des années 1990, comme tous les idéalistes, il était devenu fanatique de lui-même. Les émissions du soir alternaient le traditionnel et le pire. Dans le louable souci de donner leur chance à tous, Foulquier invitait n'importe qui. En plus, sous les conseils de sa fille, Ambre, il a souhaité ouvrir l'antenne au rap et, visiblement, ce n'était pas son truc. Il ne comprenait pas vraiment et appréciait surtout une musique qui réunissait une jeunesse bigarrée. Il ne voyait pas plus loin que la bonne intention. La qualité passait après alors même qu'à ses débuts, il se montrait exigeant et c'est bien ainsi qu'il a pu asseoir sa réputation, réunir les meilleurs artistes et de différentes générations. Ça ronronnait mais ça n'innovait pas malgré les apparences. Un peu comme ces vieux beaux qui s'habillent à la mode pour montrer qu'ils sont restés jeunes et qu'ils aiment être avec les jeunes. Toutes les semaines revenait la même question : « ça s'est passé comment la rencontre entre vous ? ».

 

Paradoxalement, alors que le Ministre Lang entendait favoriser toute forme d'expression artistique et, au premier chef la musique, Jean-Louis Foulquier s'est trouvé encore plus isolé. Au contraire, il a fallu la nomination d'un autre « Jacques », « mon Jacques à moi », comme il a dit, à la Culture, pour que son travail soit reconnu et même institutionnalisé. Forcément, c'est par l'intermédiaire de France-Inter qu'il lancera un véritable tremplin pour dénicher de nouveaux talents en langue française. Ce ministre qui n'a pas laissé un grand souvenir dans les bureaux du Palais Royal s'appelait Jacques Toubon. Curieuse collaboration. « Pollen » poursuivait sa route à côté de ces cinq minutes quotidiennes et des Francofolies annuelles. La création des Francofolies a marqué l'apogée de l’œuvre de Foulquier. C'était un peu le couronnement de sa carrière et dans la logique des choses. À force de découvrir des talents, de les avoir découverts, il avait tissé des liens qui lui permettaient de proposer une programmation des plus éclectiques où se côtoyaient plusieurs générations de chanteurs.

 

Les Francofolies ont failli disparaître lors de la grève estivale des intermittents du spectacles. C'était l'année où il voulait passer le relais à Didier Varrod. Ce devait n'être qu'une formalité, une succession naturelle tant les deux hommes étaient proches. Finalement, il a prolongé d'un an afin de faire ses adieux sur la grande scène. C'était en 2004. Mais en 2005, ce n'était pas Didier Varrod mais Gérard Pont qui dirigeait le festival rochelais. De toute évidence, il s'était passé quelque chose et c'est ce soir, au cours de l'hommage, que Didier Varrod avouera la brouille suite à des « mots blessants ». Les deux hommes se sont heureusement réconciliés. Heureusement, sinon il n'y aurait jamais eu d'hommage à Foulquier, juste une brève dans le bulletin d'information du soir ; comme d'habitude quand France-Inter annonce la mort d'un ancien.

 

foulquier15sept75A

Une page de ma propre vie se tourne avec la disparation de Jean-Louis Foulquier, tant ses émissions et les chanteurs qui y passaient ont accompagné mes espoirs et mes réflexions. Ce n'est jamais n'importe qui qui accompagne une vie anonyme. C'est, sans doute, la fonction des animateurs de radio. Je suppose que, toi aussi, a connu des moments très forts liés à une émission de radio ou un animateur.

En attendant, Jean-Louis Foulquier a rejoint Bernard Chérèze. Saloperie de maladie ! Espérons que Didier Varrod aura les moyens de poursuivre l’œuvre de Jean-Louis Foulquier pour promouvoir la chanson française de qualité.

 

Ce soir, l'émission de Didier Varrod s'achève par le générique mémorable de « Pollen ».

« Ça fout les boules » dit-il. Je le comprends, lui qui l'a connu de près. Pour moi, j'ai simplement l'impression d'entendre le générique de fin de mon émission préférée d'autrefois, comme autrefois, comme si j'allais l'entendre à nouveau demain. Oui, générique de fin.

 

 

PS : Juste un mot pour dire mon étonnement en découvrant que la chanson « Avec ma femme, ma fille, mon chien », que je fredonne encore souvent mais avec les paroles parodiques que j'avais créées à l'époque où elle passait à la radio, était de lui. Ça me rappelle mes années au collège. Y a longtemps, donc ...

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