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la lanterne de diogène
16 janvier 2014

Mucem et les pigeons

J'aime bien te rappeler que ce que j'écris n'est pas complètement farfelu. Je sais que si tu viens visiter mon blog régulièrement, tu en es convaincu mais, de temps en temps, une divergence fait naître le doute, surtout quand il y a unanimité et quand le goût du jour impose certains pensées ou attitudes toute faites. Je rappelle aussi que c'est le but de La Lanterne de Diogène que d'apporter un éclairage différent ou d'attirer l'attention sur quelque chose qui passe inaperçu.

 

Ainsi, le Mucem. On a compris que j'en pense du mal a priori.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2013/06/06/27342706.html

 

En effet, j'ai pointé l'insulte faite aux populations issues d'autres rives méditerranéennes en enfermant dans un musée leur Histoire et en la rendant, avec les meilleurs intentions du monde, inaccessible. J'ai imaginé que ce musée va ravir les bobos du coin. Il est vrai qu'un grand bassin de population comme Marseille manque singulièrement d'un musée en rapport. Avec le Tgv, on pourra venir de Paris et même de plus loin.

Comme tous les musées, il attirera ceux qui ont déjà une envie de connaître et laissera tous ceux qui pensent, à tort, que ça n'est pas pour eux. On ne fait rien non plus pour les convaincre et ça n'est pas en flattant un vague sentiment identitaire opposé à l'identité majoritaire qu'on y parviendra. Ça fait un peu comme les pyramides de Gizeh, on vient du monde entier pour les visiter mais les Égyptiens les regardent de loin, d'autant plus qu'elles sont liées à une civilisation qu'ils ont remplacée et qui était polythéiste.

 

Le dernier jour de 2013, j'ai entendu un débat intéressant

http://www.franceinter.fr/emission-service-public-la-france-d-avant-deux-historiens-se-racontent-des-histoires

 

http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=801100

 

L'historien d'art Jean Clair débat avec Pierre Nora de l'Histoire de la France. Pour étayer son propos, il revient, lui aussi, sur le Mucem pendant que l'animateur Guillaume Erner rappelle qu'il y a fait une émission :

« Au nom des droits de l'homme, au nom de la France etc. [on fait] le Mucem, le Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée.

C'est à dire, un propos complètement flou, dont personne, parmi les responsables, ne serait capable d'en dresser les contours ; avec des collections on ne peu plus hétéroclites, avec un programme, on ne peut plus indécis, un coût de fonctionnement énorme (dont Marseille va voir dans les années qui viennent ce que ce sera). »

 

Pour ma part, je dénonçais la gentrification de la ville phocéenne et, le Mucem porte un coup décisif. Jean Clair remarque que personne n'en peut dresser les contours. En effet, mais ça n'est pas la question. Le but du Mucem est de flatter les minorités issues de l'immigration et de faire semblant de les prendre en compte. Le Mucem est aux descendants d'immigrés ce que le Sacré-Cœur est à la guerre de 1870 ou la chapelle expiatoire aux crimes de la Révolution. C'est la contrition collective, la repentance, comme on ne dit plus. Pour se faire pardonner les crimes du colonialisme, on magnifie « les deux rives » – et pour quoi pas toutes les autres ? – de la Méditerranée, en suggérant que, finalement, l'autre rive était plus intéressante. Pas sûr que ça convainque ceux qui sont concernés si, à côté, le système leur donne l'impression qu'ils sont toujours exclus. Les belles expressions comme « faire dialoguer les deux rives de la Méditerranée » paraissent bien vaines quand il faut payer pour regarder le dialogue. Encore une fois, la caractéristique principale de Marseille, c'est que ce dialogue a lieu tous les jours dans les rues populaires, les centres commerciaux et les marchés de quartiers. Les gens n'ont pas attendu qu'on les mette dans un musée pour dialoguer. Au contraire, en les repoussant à la périphérie, en aménageant des espaces froids là où l'on posait volontiers une couverture par terre pour partager un repas et même proposer un morceau au passant, on va augmenter l'apartheid social. Nul doute que la restauration rapide – autrement appelée « mal-bouffe » – va surgir dans les environs et, avec elle, les alvéoles de polystyrène et les sachets en papier, sans compter les couverts en plastique. Pas de problème : des corbeilles sont installées pour le recyclage. Les pigeons vont arriver, si ça n'est déjà fait.

 

Une fois éteintes les guirlandes du « jour de fête », on devrait commencer à lire des critiques remarquant ce que j'annonce depuis l'inauguration : à savoir que, comme tous les musées, il exclut plus qu'il n'attire et que le public « méditerranéen » n'est pas au rendez-vous. Sans doute après les municipales, si M. Gaudin est battu, on ne se gênera pas pour dresser un constat accablant de ses mandats dont le but était de repousser les populations modestes et les immigrés. En ce sens, le Mucem aura parfaitement rempli son rôle. Et puis, comme j'aime bien ce genre de pari, je prévois que d'ici peu d'années, la Cour des comptes pointera la gabegie du Mucem et que nombre de personnalités dénonceront la fréquentation. J'entends déjà les commentaires.

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