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la lanterne de diogène
19 avril 2014

Enlèvement

De graves soucis me tiennent en retrait depuis qq semaines. Je profite d'une accalmie pour reprendre la plume à l'occasion d'un fait divers curieux.

 

Vendredi après-midi, en écoutant une radio musicale et néanmoins commerciale en diable, j'entends l'indicatif angoissant qui signale qu'un enfant à été enlevé. Aussitôt, le bulletin d'information qui suit précise qu'on soupçonne la mère. Ainsi, une mère peut, aux yeux de la loi, « enlever » son propre bébé âgé de quatre mois...

 

L'enfant est retrouvé quelques heures plus tard et l'on nous dit que le père de l'enfant aurait participé à l'enlèvement. Voilà qui est encore plus étrange. Ainsi, ce seraient les propres parents qui auraient capturé leur bébé. On précise que la mère est « déficiente mentale » et que le père ne vaut guère mieux. Par conséquent, l'enfant a été placé dans une structure où la mère peut le voir à sa guise. En fait, on lui a retiré la responsabilité de l'enfant.

 

Certes mais, toute « déficiente mentale » qu'elle est, elle veut, comme n'importe quelle mère, se trouver dans l'intimité avec son bébé. Elle veut l'avoir, à l'abri des soins et des bonnes intentions des autres. « Déficiente mentale » peut-être, simple, sans aucun doute mais cette simplicité lui fait accomplir les gestes et les comportements les plus naturels qui soient. Pourtant, pour elle, se retrouver avec son bébé sans contrôle est qualifié « d'enlèvement ».

 

On peut s'interroger sur la loi – dura lex, sed lex, n'est-ce pas ? – qui retire, dès le berceau, les enfants à leurs parents déficients mentaux. En revanche, la loi ne prévoit pas ou du moins avec plus de lourdeur et moins de rigueur de retirer les enfants à des parents peu aimants, à des parents qui font des enfants pour s'acheter une machine à laver ou changer leur voiture, à des parents qui veulent donner leurs enfants pour reprendre les Alsace-Lorraine contemporains. La loi ne prévoit rien contre les parents qui dépensent l'Allocation de Rentrée Scolaire pour s'acheter (à l'origine) un magnétoscope ou (aujourd'hui) un téléviseur à écran plat et géant tandis que les enfants n'ont pas de matériel scolaire et se font disputer et sont dégoûtés de l'école qui les exclut. La loi ne prévoit rien contre les parents de familles nombreuses qui vivent dans l’exiguïté et contraignent leurs enfants à la frustration. La loi est peu puissante quand les parents ou, du moins l'un des deux est en prison. Dans tous ces cas, on trouve des personnes, pleines de bonnes intentions, pour justifier de tels aberrations qui fabriquent des adultes au mieux mal dans leurs peaux ou violent et, plus généralement, délinquants ou arcandiers. En revanche, les mêmes bonnes âmes trouvent tout à fait logiques que des parents « déficients mentaux » mais débordants d'amour se voient retirer leurs enfants. Avec une logique pareille, pas étonnant que la société puisse produire autant d'injustices dans l'indifférence générale, voire avec l'approbation de (presque) tous.

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