Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
la lanterne de diogène
15 juillet 2014

Inter été 2014 - 1

On en sait donc bcp plus, sur la rentrée d'Inter. Pendant, longtemps, le nouveau PDG, Mathieu Galet, s'est tu. On savait qu'il avait été nommé pour préparer la radio de demain, celle qui ne se contente plus de diffuser, d'émettre, d'être souvent une télévision sans image (tant les passerelles entre les deux médias sont tendues depuis longtemps), d'être d'autres fois une bande musicale destinée à convaincre que ce qu'on entend est formidable et mérite d'être acheté, d'être, depuis l'échec patent des « radios libres » des années 1980, un émetteur à publicités vaguement interrompues par des programmes dont on fait semblant de croire qu'ils existent encore.

 

Bien vu de la part des membres du CSA qui, loin de l'image de censeurs qu'on leur attribue, faute d'avoir convaincu de leur sagesse, ont voulu anticiper sur des changements techniques qu'on ne soupçonne pas encore. Pour cette tâche, M. Hees était disqualifié quand on connait sa méfiance envers les nouveaux médias et autres moyens de ²communication en ligne.

 

On nous a résumé l'esprit de la nouvelle par cette formule ; rajeunissement et féminisation. On s'étonnera donc de voir revenir M. Frédéric Schlessinger qui n'est plus un perdreau de l'année et qui était sur le point de renvoyer Kriss dans ses foyers lorsqu'il dirigeait la station. Kriss, à près de 60 ans, incarnait justement la conquête des ondes par les femmes et pas pour faire des émissions prétendues féministes mais de véritables programmes mêlant la distraction et la culture et, surtout, s'adressant à tous les auditeurs plutôt que de faire le tri avant chaque début d'émission. C'était une des dernières à proposer véritablement de la création radiophonique. Après une quarantaine d'années au micro, elle innovait et surprenait encore. C'est donc celui qui avait hésité – mais s'était finalement laissé convaincre – qui se retrouve aux commandes d'Inter, bateau amiral du « groupe Radio France », selon la terminologie désormais en vigueur.

 

On se doutait que Pascale Clark partirait puisque, à l'annonce de la nomination d'un autre PDG que M. Hees, elle avait lancé une pique contre celui-là, le lendemain même. On se souviendra qu'elle était revenue sur Inter après avoir passé un long moment sur RTL où elle avait pris le relais dans l'émission créée par M. Christophe Hondelatte. On peut penser qu'elle y retournera après avoir, comme à son habitude, âprement négocié ses émoluments. Elle qui voulait faire dire à Mme Arlette Chabot qu'elle ne pouvait pas être indépendante puisque son PDG avait été nommé par le Président Sarkozy, n'a jamais réalisé que M. Hees, son PDG avait été nommé par le même et dans des conditions qui avait fait jaser encore plus. On peut comprendre qu'on ait des affinités avec une personne et souhaiter travailler ensemble mais, dans ces cas-là, qu'on n'aille pas chercher d'autres prétextes.

 

M. Ivan Levaï ne rempilera pas non plus. À 77 ans, M. Schlessinger pense qu'il n'a plus l'âge de lire Tintin ni de continuer d'occuper le micro. On regrettera son style lénifiant lorsqu'il s'agissait de faire une revue de presse mais, pour les samedi et dimanche, ça allait parfaitement. On avait envie de se recoucher et c'était bon. Surtout, malgré son ton soporifique, on aimait être surpris. Il possède l'art de dénicher des articles originaux et fort intéressants pour occuper un dimanche, plutôt que de se contenter de lire les articles politiques et polémiques des premières pages. Ça ne plaisait pas à tout le monde mais c'était bien agréable d'entendre une chanson ou sa lecture d'un poème pour illustrer son propos. Parfois, même, il fredonnait un vieil air pour notre plus grand plaisir, d'autant que le 7/9 de fin de semaine avait fini par être contaminé par la parlotte et l'enchainement des rubriques accumulées au point de réduire le temps des plus prisées comme « le jardinier » ou « Parenthèses » et de supprimer les chansons. La moindre pique lancée par Patricia Martin à l'endroit de son partenaire Fabrice Drouelle ou de M. Baraton entrainait un retard dans l'annonce des journaux de 8 h et de 9 h. Quoi qu'il en soit, à 77 ans bien sonnés, celui qui avait dirigé Europe 1 au début des années 1980 quand il fallait accompagner le changement induit par le résultat des urnes dans une station hautement commerciale, puis gérer le départ des journalistes d'une rédaction qui était le fleuron de l'audiovisuel, a fait son temps. Certains attribuent son extraordinaire longévité à la souplesse de ses reins et à son carnet d'adresses bien rempli. Nous dirons simplement qu'il est, avant tout, un grand professionnel. Seulement, la nouvelle génération de dirigeants de l'audiovisuel n'a pas connu les temps valeureux et n'ont que faire de personnalités qui enchantaient déjà leurs grands-parents.

 

C'est sans doute une autre exception française, le maintien d'animateurs et de dirigeants, dans le domaine de l'information, de personnes qui réunissent parfois trois générations de public. On citera, outre celles d'Inter déjà mentionnées, Michel Drucker, Pierre Bouteiller, Pierre Bellemare, Alain Duhamel, Jean-Pierre Elkabachth, Pierre Tchernia, Georges Pernoud, sans compter les Olivier Mazerolles, Étienne Mougeotte et autre Anne Sinclair passés à la presse écrite. Ils sont au PAF ce que Johnny Halliday est à la chanson ou Chirac à la politique.

Ils appartiennent à l'histoire ; une histoire largement ignorée par leurs successeurs. Pour preuve, les bourdes commises par M. Pascal Dervieux dans sa revue de presse du samedi 5 juillet lorsque, évoquant un reportage de Paris Match sur les années 1970, il a confondu « Le Café de la Gare » de Romain Bouteille avec « Le Splendid » et Raymond Devos avec Guy Bedos (peut-être n'a-t-il fait que lire celles de l'article mais il ne les a pas rectifiées). On ne parlera pas des élucubrations autour du « Petit Rapporteur » qui sont monnaie courante depuis trente ans. Rappelons que l'émission n'a duré qu'une saison et demi (commencé en janvier 1975) avant d'émigrer de TF1 à Antenne 2 sous le nom de « La lorgnette » et que c'est cette formule qui a compté pour la légende attribuée à sa première mouture. Il en est de l'histoire de l'audiovisuel comme de l'Histoire en général. Quand on a vécu des événements et qu'on voit comment ceux qui sont arrivés après en parlent, on se dit que toute l'histoire universelle doit fourmiller d'approximations, de raccourcis, d'embellissements et de falsifications en tout genre.

 

M. Mathieu Gallet, dont on vient de rappeler les raisons de sa nomination semble, pour le moment, davantage préoccupé par la forme que par le fond. Il laisse la parlotte comme un gage à tous ceux qui ont fait exploser l'audience au cours des années Val, satisfaits du contenu bavard et parfois instructif (en tout cas toujours pédant). Inutile d'ouvrir un front de ce côté-ci. Nul doute qu'il pense déjà, avec Mme Bloch, à la rentrée 2015 qui marquera véritablement les programmes de son empreinte. On se souvient que M. Philippe Val, lui, avait essayé de faire dans les années 2010, la radio qu'il aurait aimé entendre dans les années 1970, quand jeune contestataire, il dézinguait tout ce qui existait. En attendant, le duo (ou le « binôme » pour reprendre un terme à la mode) Bloch – Schlessinger avait largement participé, quand ils occupaient des responsabilités sur Inter, à cette couleur bavarde. Peu d'espoir à attendre, donc, de ce côté-là.

 

Le cas Daniel Mermet

 

Bien sûr, l'annonce de l'arrêt de « Là-bas, si j'y suis » provoque le courroux de la gauche moralisatrice. Les AMG sont invités à signer une pétition pour le maintien. C'est vrai que, malgré ses nombreuses imperfections, malgré l'instrumentalisation et la manipulation qui y sont monnaie courante, cette émission est la seule à faire le pendant au discours unifié qui vise à convaincre l'auditeur, passivement, que le système ultra-libéral est le meilleur ou, au moins, le seul. Ou, pour reprendre des formules célèbres, « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ». C'est la transposition de « l'hypnopédie décrite en son temps par Aldous Huxley. Rien que pour ça, il serait bon que l'émission perdure. D'un autre côté, pourquoi faire une exception pour le seul Daniel Mermet qui affiche 71 ans au compteur ? C'est un peu le problème du PAF : cette pléthore d'ancêtres, souvent talentueux et sympathiques, mais qui ont débuté dans une société qui n'a plus rien à voir avec l'actuelle. Il drainent avec eux le public qu'ils avaient à leurs débuts ou qu'ils ont eu largement le temps de conquérir et qui se disent que, décidément, le monde était mieux avant, les uns regrettant l'époque de l'expansion, les autres les prémices pré-révolutionnaires et, tous, qu'on « savait faire de la musique en ce temps-là ». Que les choses soient bien claires : leurs compétences et leur talent n'est pas en cause. Simplement, il arrive un moment où il convient de laisser les autres aller au bal.

 

Le problème, c'est que M. Mermet a systématiquement barré l'entrée du parquet pour y danser tout seul devant son public. Au lieu de se mettre en avant, il aurait dû préparer sa relève afin que la cause qu'il défend trouve d'autres appuis. Il a préféré agir avec ses collaborateurs comme ceux qu'il dénonce par ailleurs : il les a exploités, utilisé leur travail pour le plaisir narcissique d'apparaitre comme « le seul », lui aussi, à dénoncer. Il a beau jeu, maintenant, d'attirer l'attention du public sur le sort qui leur est promis alors qu'il n'a rien fait pour qu'ils se fassent un nom. Quant à lui-même, il a dépassé l'âge même de la retraite sarko-hollandienne le plus pessimiste. On ne pleurera donc pas sur son sort mais il ne faut pas non plus se tromper de combat : il est le principal responsable de ce qui arrive à lui et, hélas, à ses collaborateurs. Nul doute qu'il trouvera sur la toile un moyen de continuer, de régler ses comptes, d'appliquer le catalogue de recettes qu'il a formulées dans Le Monde Diplomatique

 

M. Daniel Mermet dispose d'assez d'auditeurs bien introduits pour s'assurer d'avoir du soutien. L'arrêt de son émission est due, dit-on, à l'érosion de l'audience. Dont acte. Nous avons déjà pointé que, en effet, son émission ainsi que la plupart des chroniques relèvent des nouvelles pratiques d'écoute de la radio.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/12/02/19770050.html

 

Elles réalisent un score médiocre en direct ou, au contraire, un pic dans un environnement moyen. En revanche, elles battent les records de pod-chargement ou de déclenchement d'une application radio sur un téléphone. Il faut en tenir compte de plus en plus. Ça nous vaudra, à l'avenir, des polémiques au sujet de la popularité réelle des émissions de radio.

Publicité
Publicité
Commentaires
la lanterne de diogène
Publicité
la lanterne de diogène
Derniers commentaires
Archives
Visiteurs
Depuis la création 219 661
Newsletter
Publicité