Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
la lanterne de diogène
11 octobre 2014

Réponse au Bergé

Pour une fois, un tweet ne déclenche pas un tonnerre de réactions indignées, courroucées ou simplement consentantes. Il s’agit d’un message envoyé par le principal actionnaire du quotidien Le Monde concernant, un critique littéraire du titre vespéral. M. Pierre Bergé n’a pas de mots assez forts contre le journaliste qui n’a pas apprécié le dernier ouvrage (on doit dire « le dernier opus » quand on est branché et l’on doit parler de buzz pour décrire ce que j’appelle le « tonnerre de réactions ») de Patrick Modiano. On pourrait dire : c’est son droit de ne pas l’aimer. Le problème, c’est que Modiano a obtenu le Nobel de littérature quelques jours après. Ça la fiche mal. Et alors ? Même s’il se trompe, même si le critique affiche un mauvais goût (ce que j’ignore) littéraire, il a le droit de ne pas aimer un livre qui, d’ailleurs, n’est pour rien dans l’attribution du prestigieux prix.

Seulement, M. Pierre Bergé s’érige, depuis longtemps, en parangon du bon goût, en mètre étalon de la culture officielle. Autrefois, dans les années 1980, il se disait de gauche et, au micro de France-Inter et de Gilbert Denoyan, il affichait sa morgue et son mépris envers M. Michel Rocard qu’il ne considérait pas vraiment de gauche. Le plus fort, c’est que moins de dix ans plus tard, le même informait qu’il voterait pour M. Chirac à la présidentielle ; contre M. Jospin, donc.  Tout le monde trouvait ça normal et insistait sur les défections « de gauche » à la candidature de M. Jospin.

Malgré de tels revirements, de telles incohérences, on continue d’avoir pour M. Bergé des égards inexplicables. Son dernier rôle est celui de sauveur de la presse indépendante en participant à un tour de table d’actionnaires pour prendre le contrôle du groupe Le Monde qui publie aussi les titres du groupe La Vie dont Télérama. Il suffit d’ouvrir le quotidien du soir pour constater que le virage imprimé, il y a quelques années, par son directeur M. Jean-Marie Colombani, est confirmé et entériné. Désormais, les voix discordantes se font rares dans les médias en général. Toutes célèbrent les vertus de l’ultra-libéralisme et de la supra-nationalité européiste qui en est le bras armé.  Le Monde, longtemps journal de référence de la presse francophone est devenu un quotidien comme les autres et sa nouvelle formule va dans ce sens. Je m’étonne juste que, contrairement aux précédents changements, on n’ait pas dit que « l’image et les photos font leur apparition dans Le Monde » ; formule entendue depuis près de quarante ans à chaque changement de présentation.

Quoi qu’il en soit, M. Bergé montre sa conception de l’indépendance de la presse. Quand je parle de « culture officielle », ce n’est pas qu’une expression : elle prend tout son sens avec ce tweet.

Gageons, compte-tenu du poids de M. Bergé, qu’on ne lui en tiendra pas rigueur, que même, certains s’interrogeront sur ces journalistes qui osent outrepasser leur mission et donnent une opinion qui ne va pas dans le sens de la reconnaissance officielle. Gageons aussi que le critique littéraire qui a eu la mauvaise idée de détester un livre de Modiano avant sa consécration sera débarqué d’une façon ou d’une autre dans l’indifférence générale voire avec l’approbation des humoristes de services. Ainsi va notre société ultra-conformiste et absolument résignée. L’un étant la conséquence de l’autre.

Publicité
Publicité
Commentaires
la lanterne de diogène
Publicité
la lanterne de diogène
Derniers commentaires
Archives
Visiteurs
Depuis la création 219 703
Newsletter
Publicité