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la lanterne de diogène
8 janvier 2015

Début d'année 2015

Une semaine que l'année est commencée. On peut dire que 2015 fait fort, du moins quand on écoute Inter. Toute une matinée autour de Michel Houelbecq et de son nouveau livre qui sort ce jour mais dont tout le monde parle déjà. Pourquoi en parler ici, puisque notre but est justement d'attirer l'attention sur ce dont on parle moins ? C'est que la façon d'en parler (aujourd'hui, on dit plutôt « le comment on en parle ») nous semble révélatrice de l'époque.

 

Le thème est l'élection d'un Président musulman, islamiste modéré au début mais qui transforme profondément l'administration et la société. Invité de M. Patrick Cohen dans la matinale d'information, on ne parle que du thème de l'islamisation de la France. Invité, plus tard, de M. Trapenard, où l'on nous annonçait en fanfare une émission axée sur la littérature, on ne parle que de l'auteur et de ses prochaines vacances. De littérature, point. Pourtant, on aimerait des commentaires sur le style, l'évolution de l'écriture au fil des livres. Rien. Il est vrai qu'on n'en est plus là et depuis longtemps. On ne s'occupe que des intentions. Les fautes de syntaxe, les lourdeurs de style, les mots écorchés, les mots inventés, les tournures incorrectes, tout ça n'a aucune importance tant que l'ouvrage affiche de bonnes intentions.

 

Toute la revue de presse de M. Bruno Duvic nous était consacrée au livre de Houelbecq, jusqu'au billet d'humour sans lequel il ne serait pas d'émission d'information. La chroniqueuse Nicole Ferroni avoue carrément n'avoir pas lu le livre. Au moins est-ce honnête de sa part car c'est le cas de la plupart de ceux qui en parlent. Ils lisent le dossier de presse, cherchent les fameuses intentions, puis la quatrième de couverture qui accompagne le dossier. Dans le meilleur des cas, on lira quelques pages par ci, par là. Dans d'autres, on lira les pages qu'un journaliste a déjà évoquées. Le summum, en la matière, avait été atteint, autrefois, avec le livre de Rika Zaraï, résumé au paragraphe consacré aux bains de siège. Ce n'est pas le cas de Nicole Ferroni mais elle assimile l'ouvrage de Houelbecq à ceux parus, peu avant, de Zemmour et d'Onfray. On peut penser, sans même les avoir lus, qu'ils n'ont rien de commun. De plus, les uns et les autres n'évoluent pas dans la même cour. Un polémiste, chroniqueur de son temps, un philosophe, un romancier. Qu'importe ! Le nivellement est tellement inscrit dans les raisonnements que tout devient pareil. Un pays où les détenteurs de la parole citent, à l'envi, Desproges quand leurs aînés se référaient à Sartre ou Marcuse, qui met Mimie Mathy en tête de ses personnalités préférées et lui attribue la Légion d'honneur, ne peut plus faire la différence entre les types d'auteurs de livres. Pourtant, un point commun lie ces noms. C'est leur éloignement grandissant d'avec la pensée dominante. Ils rejoignent, désormais, la catégorie des « auteurs déclinistes » où officient beaucoup de collaborateurs du Figaro. Et puisqu'on en est à évoquer ce titre, soulignons que, chaque fois qu'on crie au déclin de la France dans ses pages, ça n'est pas pour inciter les décideurs à faire un effort mais pour les encourager à investir dans les pays où l'on paie moins d'impôts, comme la Grande-Bretagne. Ce n'est pas sans une certaine satisfaction que le Figaro, annonce, ce jour, également, que la France recule au profit de ce dernier pays et l'on prévoit déjà que le Brésil va lui passer devant.

 

Là encore, il semble qu'un fond de gaullisme inconscient sommeille en chaque Français et qu'il est incapable de se penser autrement qu'en terme de grande nation. C'était possible lorsque les concurrents étaient peu nombreux. Désormais, les pays en voie de développement se sont, en partie, développés et peuvent rivaliser avec leurs anciens maîtres. Il faut s'y faire et l'accepter avec simplicité et humilité. Visiblement, les Français n'en sont pas capables. Qu'on songe que, depuis la victoire des Bleus en Coupe du monde, en 1998, on n'accepte plus que le onze tricolore se fasse éliminer en 1/4 de finale ! Bien des équipes s'en satisferaient. Ici, on a viré le sélectionneur Santini mais son successeur parade sur les plateaux des médias après avoir essuyé une humiliation bien pire. Son atout, c'est qu'elle avait été fortement médiatisée.

 

Or, justement, les médias opèrent un amalgame entre ce qu'ils appellent « une crise d'identité » et ce qu'ils appellent « la peur de l'islam ». Les deux termes nous paraissent tout à fait inadéquats. Pour le premier, il s'agit – en considérant qu'ils aient raison – du refus de beaucoup de Français d'accepter que leur pays ne soit plus une puissance dont l'influence sur le monde compte. Dans l'autre cas, il y a, comme d'habitude, une confusion entre islam et islamisme. Tout le monde, aujourd'hui, connaît et fréquente nombre de musulmans sans que cela pose le moindre problème. Par conséquent, cette soi-disant peur n'existe pas. En revanche, ceux qui cohabitent, dans leur quartier, leur voisinage avec des musulmans, s'inquiètent de l'évolution de leurs voisins lorsqu'ils voient les femmes déambuler en robe longue et sombre et coiffant un foulard de plus en plus enveloppant et ostentatoire. Ils s'inquiètent aussi en subissant la violence, les incivilités de quelques jeunes désœuvrés. Nous ne parleront pas des cités, dites « zones de non-droit » car nous ne les connaissons pas. En revanche, lorsque je retourne dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris, j'ai du mal à reconnaître ce lieu qui m'était familier. J'ai de plus en plus de mal à m'y trouver en pays de connaissance, à me plonger dans cette atmosphère de Sud avec des bonnes odeurs et qui bruit d'une rumeur populaire. Je ne sais pas si ma mère pourrait traverser ce quartier comme quand elle était jeune-fille et y habitait.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/06/16/18306904.html

 

à ce stade, il nous faut citer un film dont quelques séquences étaient bien significatives de l'état de la société. Il s'agit de « La Crise » et le personnage joué par Patrick Timsit, outre qu'il ne pense qu'à manger (un peu comme les Français), s'en prend à un « bobo » ; même si le terme n'existait pas encore à l'époque. Il lui dit (je cite de mémoire) : C'est facile pour vous de pas être raciste quand on habite où vous êtes. Mais venez habiter chez moi et vous verrez ! Plus tard, il ajoute : il faudrait virer tous les Arabes, sauf ceux des bâtiments A et B... et la moitié du bâtiment C … et encore quelques uns du bâtiment D. En fait, il voulait virer tous ceux qu'il ne connaît pas mais pas question de toucher à ces voisins et, somme toute, ses meilleurs amis. Les Français sont tout à fait semblables à ce personnage. On peut aussi renverser l'équation. Alors, on peut se demander si les Français ne reprochent pas aux Arabes qu'ils ne connaissent pas de rester entre eux et de ne pas vouloir partager leurs préoccupations, leurs vies. D'où le rejet des accoutrements féminins qui désignent les femmes aux regards de tous. Cette manière de ne pas s'habiller comme les autres est vécue comme un refus de se mélanger et de partager une vie qui comporte plus de points communs que de différences. Le problème, c'est que les élites, les détenteurs de la parole ne fréquentent pas ces quartiers, ne vont pas sur les mêmes marchés, n'habitent pas les mêmes immeubles, ne se croisent pas dans les ascenseurs, ne râlent pas ensemble quand les ascenseurs sont en panne. C'est important de râler ensemble. Ça rapproche plus que tout.

 

Ces détenteurs de la parole – de la bonne parole, faudrait-il préciser – ne peuvent pas comprendre le succès du livre de Zemmour qui reprend nombre d'inquiétudes partagées par les milieux populaires ; ceux qui voisinent avec les musulmans, justement. Ils ne peuvent pas comprendre les succès de mouvements d'extrême-droite en Europe. Ils peuvent encore moins comprendre que des Arabes, des musulmans fassent partie, en nombre infime, mais quand même, de ces mouvements. Déjà, ces lignes montrent le danger véritable, celui qui mêle Zemmour et l'extrême-droite qu'il combat par ailleurs. Ces livres ont en commun, chacun à sa façon puisque les auteurs, encore une fois, n'évoluent pas dans la même cour, de traduire la malaise induit par la visibilité de l'islamisme, accentué par les exactions des bandits de daech qui prétendent se battre pour étendre le monde musulman. Dans une société où sévit le chômage de masse, où l'on s'obstine à magnifier la « vertu travail », il n'est pas étonnant que des jeunes, désœuvrés, veuillent donner un sens à leur vie, quitte à la perdre plus tôt que prévu. Ça vaudrait le coup d'y réfléchir. Ça vaudrait le coup de se demander si le travail est encore une vertu quand les machines, l'informatique, les robots vont prendre une place encore plus importante dans un avenir proche. Ça vaudrait le coup de se demander si c'est un bon calcul que de forcer les classes moyennes à la précarité afin de leur faire passer l'envie de revendiquer une meilleure vie. Quand la crise choisit ses victimes, toujours plus nombreuses, afin de rendre au patrons ce qu'ils ont concédé pendant quelques décennies, il ne faut pas s'étonner de certains dégâts collatéraux. Remarquons tout de même que la crise a commencé à la faveur du premier choc pétrolier quand les pays arabes producteurs de pétrole ont fait pression sur les alliés d'Israël. Au lieu de profiter de l'aubaine pour licencier à tour de bras, il aurait fallu se demander si l'on peut souper avec ses alliés du moment, même avec une grande cuillère.

 

 

 

Et puis, une information qui a été très peu commentée.

http://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/0204057632291-rolls-royce-na-jamais-autant-vendu-de-voitures-en-111-ans-1080673.php

 

On nous a annoncé, sur un ton amusé, que la marque Rolls Royce a quadruplé ses ventes depuis 2009. Privilège de l'âge, votre serviteur se souvient qu'en 1979 et en 1980, alors qu'on venait d'encaisser le second choc pétrolier, que les perspectives étaient sombres, la marque de luxe avait battu deux ans de suite ses records de vente en France. À l'époque, seul M. Édouard Pellet l'avait mentionné en fin de son journal parlé du soir sur RTL. Au moins, cette fois, l'info a été diffusée dans la matinale mais n'a pas eu droit aux honneurs du journal phare de la matinale à 8 heures. La crise – puisqu'il faut l'appeler par son nom – choisit toujours ses victimes.

 

 

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