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la lanterne de diogène
8 janvier 2015

Charlie Charlie

Ainsi, pendant que j'écrivais les lignes qui précèdent, hier matin, à quelques dizaines de kilomètres, on tuait froidement. Ces lignes paraissent bien dérisoires face à la mort. Cependant, alors que ce n'était pas le but, elles illustrent les tensions de notre société de plus en plus violente. D'un côté, un blogueur qui occupe le temps que la privation d'emploi lui octroie. De l'autre, des dessinateurs engagés qui se font trucider. Ils se font tuer parce que, contrairement à d'autres, ils ne se contentaient pas de tirer sur les ambulances, de taper sur la classe politique honnie, d'enfoncer des portes ouvertes. En même temps, ils renouaient avec la grande tradition des dessins de presse contre la religion. La religion arrogante qui prétendait régir la société était, autrefois, le catholicisme ; au point qu'il a fallu une loi pour que les choses soient claires et que chacun reste dans son domaine. Aujourd'hui, c'est l'islam qui rogne du terrain et ne craint pas une loi faite contre une autre religion. Dans les deux cas, c'est une minorité très puissante qui dévoie les principes qu'elle prétend défendre. L'islamisme est la perversion de l'islam qui doit être respecté ainsi que ceux qui s'en réclament. De même que doit être respecté le droit de se moquer de tout et de tout le monde.

 

L'attentat contre Charlie Hebdo nous bouleverse tous. Quand même, alors que tout a déjà été entendu en termes de commentaires et d'analyse, je ne peux m'empêcher de penser que, pendant des semaines, des mois, pendant que la vie continuait et passait, pendant que les fêtes battaient leur plein, d'autres mettaient au point cet assassinat. Ils réglaient les détails, envisageaient les écueils, mesuraient les risques, prévoyaient la fuite et les relais. Comment ne pas se dire que, en ce moment même, à quelques pas d'ici, peut-être, un autre groupe met au point un autre attentat ?

 

Comment en est-on arrivé là ? Là aussi, tout a été dit. Il y a toujours eu des fanatiques religieux, prêts à risquer leur vie et surtout celle des autres pour réaliser leurs fantasmes. Cependant, la crise accroît et répand les inégalités. L'exclusion est le terreau fertile sur lequel se développe une masse désœuvrée qui aspire à donner un sens à une vie désespérément vide. Les moyens actuels amplifient la violence. Sans doute aussi, cette violence répond elle à un besoin et sert de défouloir. Qu'on songe que, dans les années 1970, des associations s'insurgeaient contre les séries américaines présentées comme le summum de la violence. Ces séries étaient Mannix, les Rues de San Francisco, Kojak, l'Homme de Fer, Mission : Impossible etc. Qu'on les compare avec celles d'aujourd'hui ! Rien n'y fait et l'on en redemande. C'est même devenue très à la mode de dire qu'on est passionné de « séries » et de passer son temps à chercher des infos. Les jeux vidéos n'hésitent pas à laisser sur le carreau des dizaines de morts virtuels, sans aucun scrupule. Une chanson actuelle ,et plutôt mièvre, de Calogero fait allusion au meurtre de deux garçons par une petite bande qui s'est acharnée sur eux, avant de les laisser pour morts. Tout ça pour un regard qui a déplu à un petit trou du cul qui voulait passer le temps et qui ne connaissait d'autre amusement que le tabassage des plus faibles.

 

On en est là aussi – et ça rejoint le propos initial – parce que, ceux-là mêmes qui devraient défendre la tolérance ne supportent pas qu'on exprime une opinion, une idée, différente de la leur qu'ils estiment la norme à appliquer. Ils exercent une pression qui ne recule devant aucun moyen (physique, verbal, judiciaire) pour empêcher toute autre expression et refusent des argumentations qui viendraient ébranler leurs certitudes. Ceux qui ont le privilège de passer dans les médias se permettent de disqualifier les compétences de leurs adversaires plutôt que de débattre. Ils traitent de « pseudo- » tous ceux qui ont une compétence validée et reconnue dès lors qu'elle n'appuie pas leur opinion. L'opinion est, d'ailleurs, le plus souvent une émotion qui s'exprime avec un verbiage prétentieux mais l'émotion n'est pas la raison. On attend de ceux qui détiennent la parole qu'ils fassent davantage qu'exprimer une émotion largement partagée.

Depuis l'attentat contre Charlie Hebdo, on parle beaucoup de « refus d'amalgame ». Le problème, c'est que l'amalgame est l’œuvre, le plus souvent, de ceux qui détiennent la parole et mettent dans un même panier tous ceux qui ne pensent pas comme eux. Nous l'avons évoqué hier, pendant que l'attentat était commis. Puisque Becquerel, Zemmour, Onfray et encore avant Finkielkraut mettent en garde contre l'inefficacité de l'enseignement et contre les dérives de l'islamisme, ils sont à rejeter à égalité. C'est sûr que c'est plus facile que de prendre chacun de leurs arguments et de leur opposer un contre-argument. Refus du débat. Ils ne pensent pas bien, un point c'est tout. Seulement, entre ceux qui stigmatisent la communauté musulmane et ceux qui excusent chacune de ses exactions, chaque débordement, voire qui les justifient, on en arrive à une radicalisation et à une surenchère permanente qui engendrent des meurtres dans le pays qui a vu naître les philosophes des Lumières qui ont donné au monde les bases de la démocratie et des droits de la personne humaine.

 

Chedly Belkhamsa

 

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Commentaires
L
Une erreur due au traitement de texte Libre Office, a fait écrire Becquerel au lieu de Houellebecq. Aucune raison de relire le texte diffusé quand la relecture trop rapide du brouillon ne pose pas de problème.
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