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la lanterne de diogène
9 février 2015

José Artur 2

Cette fois, José Artur est mort et enterré.

Contrairement à ce qui se fait d'habitude, sa famille a invité ses admirateurs à assister à ses obsèques, revêtus d'une écharpe blanche comme celle qu'il affectionnait. Il a donc été enterré à l'église et pas n'importe laquelle, celle, célébrissime de Saint-Germain-des-Prés qui a donné son nom au quartier qui a été longtemps fréquenté par les artistes et les intellectuels. Comme Jean Yanne, il tenait volontiers des propos anti-cléricaux et plus souvent que de rigueur. N'empêche, il faut croire qu'on n'a toujours pas trouvé de pompe laïque pour offrir des funérailles aux personnalités pas vraiment versées dans la religion. La question s'était posée avec alacrité lors de la mort du Président Mitterrand. On n'y a toujours pas réfléchi et, la prochaine fois, ce sera pareil. On trouvera un vague certificat de baptême catholique pour faire entrer le cercueil dans l'église. À moins que ça ne soit un dernier clin d’œil ironique du défunt.

 

À peine parti, donc, on a répété ce qui avait été dit à l'annonce de sa mort : il était très bavard. Dans le langage courant, bavard signifie qui parle beaucoup, souvent pour ne rien dire et toujours qui rase son auditoire. Il faut vraiment n'avoir jamais entendu une émission animée par José Artur pour lui appliquer ce qualificatif. Seulement voilà, la force des idées reçues est telle que des étiquettes vous sont collées dessus une fois pour toutes et que rien ne peut les décoller même partiellement. D'abord, José Artur avait des auditeurs et pas qu'un peu. Il en a toujours eu tant il savait captiver l'attention. Il appartenait à une génération où ce genre de personnage possédait une vaste culture qui lui permettait d'être aussi bien à l'aise face à l'Abbé Pierre que Gainsbourg. Il recevait des peintres, des cinéastes, des savants pourvu qu'ils soient humanistes. Il savait les présenter, insister sur ce qu'ils avaient de plus intéressants, les mettre à l'aise et dévoiler le meilleur. Avec lui, on ne s'ennuyait jamais. Certains feraient bien d'en prendre de la graine mais la culture, ça ne se décide pas. Ça ne s'apprend pas sur les bancs des écoles de journalistes. Quand l'attention retombait (et même quand elle ne retombait pas), une pointe d'humour et ça repartait. C'était ça, José Artur. Et puis, il est tout de même piquant d'entendre ceux qui sont au micro d'Inter se moquer d'un confrère « bavard ». à moins que ça ne soit une déclinaison de l'hôpital qui se moque du charitable. José Artur avait du métier. Il l'avait appris sur le terrain, aidé par sa culture et ses passions. Aujourd'hui, on enseigne à ses successeurs qu'il faut bannir « le tunnel », à savoir plus de 2 minutes et demi (je crois) sans interruption. Donc, on coupe l'invité quand il commence à développer son propos. Pas étonnant que le débat reste aussi superficiel. Ça ne risquait pas d'arriver avec lui. Il laissait parler ses invités, artistes ou simples auditeurs comme du temps de « Avec ou sans sucre ». également, il savait ménager des pauses musicales dans l'émission. D'ailleurs, à un moment, il commençait toujours par une chanson qu'il désannonçait ainsi : « On commence avec le morceau le plus « pop » de la semaine ». C'était soit le même tous les soirs, soit un extrait différent du même disque.

 

Personne ne l'a relevé mais, José Artur s'est éteint quelques jours après l'assassinat de la bande de Charlie Hebdo. Il les connaissait tous. Ils étaient tous ses amis. Jusqu'après l'arrêt du Pop, il trouvait le moyen d'annoncer, le mardi, les dessins qui paraîtraient le lendemain dans les deux hebdos satiriques qu'il qualifiait « des deux journaux les plus importants de France ». Bien sûr, on doit s'en tenir à la version officielle et médicale de l'AVC mais, à cet âge, et compte-tenu de sa proximité avec les victimes, il a dû être particulièrement affecté et affaibli. D'autant que Jacques Chancel les avait précédés de peu.

 

Lui qui rêvait de fouler les planches, le voici entre « quatre planches de bois et des clous », comme le chantait Léo Ferré, autre grande figure de Saint-Germai-des-Prés.

Rideau ! (rouge)

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