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la lanterne de diogène
8 mars 2015

Pourquoi il ne faut pas voter pour les départementales

J'appelle à boycotter les élections départementales parce que la réforme du mode de scrutin a été effectuée sans concertation aucune et sans revendication préalable. Depuis plus de dix ans, nous sommes habitués à entendre sous le vocable « réformes » tout sauf un changement apportant un progrès quelconque. Cette fois encore, le Gouvernement a fait fort en faisant passer une loi sans communiquer dessus et en pleines polémiques sur la suppression des Départements,.

 

Sur la forme, cette « réforme » entend imposer la parité homme-femme, ce qui est une intention louable. Sauf qu'il ne résout pas le fond du problème qui est le désintérêt des femmes pour la vie politique. On s'affranchit d'une réflexion en profondeur pour rendre attractive la politique non seulement pour les femmes mais aussi pour les jeunes en général. Sans doute faut-il comprendre que ça remettrait en cause pas mal d'idées toute faites qui profitent à la classe politique actuelle.

Toujours sur la forme, imposer un « binôme » ne résout aucunement le problème qui est l'égalité des droits et surtout des salaires, notamment dans le privé et parmi les cadres. C'est plus facile de demander à des militantes méritantes de bien vouloir siéger au Conseil Départemental ou, au moins, de faire campagne ou de laisser publier sa photo que d'engager une nouvelle épreuve avec les entreprises pour qu'elles paient décemment leurs salariées et qu'elles cessent de leur demander plus qu'à leurs collègues masculins. En plus, gageons que si une telle exigence venait à être formulée, les patrons opteraient pour l'alignement des salaires masculins sur ceux des femmes.

 

Sur la forme encore, afin de ne pas doubler le nombre de Conseillers, il a été décidé de diviser par deux (en fait pas toujours) le nombre de cantons. Autrement dit, comme pour les futures grandes régions, on impose un regroupement. On impose beaucoup dans cette « réforme ». Sauf que les regroupements ont été aussi imposés pour les nouveaux grands cantons et qu'on y a inclus des communes extérieures aux cantons regroupés et par conséquent, on a exclu ces communes de leurs cantons d'origine. Le résultat, c'est que personne n'est content. Les communes se voient forcées de cohabiter avec d'autres, sans qu'il y ait d'affinités ou d'habitudes. Surtout, nombre de ces incluses se trouvent éloignées du nouveau chef-lieu. Nous avons vu que le problème se posera aussi avec les Régions. En clair, non seulement il n'y a pas eu concertation mais, en plus, la démocratie de proximité en prend un sacré coup.

 

On peut aussi comprendre qu'un autre objectif est visé par cette « réforme ». Normalement, dans chaque canton, il doit y avoir une brigade de gendarmerie et un collège. D'ailleurs, on répète à l'envi que le Département gère les collèges. Sauf que beaucoup de cantons en France ne possèdent pas de collège. Les Conseillers Généraux peuvent en réclamer un quand il y a un nombre de 500 élèves en âge d'entrer au premier cycle du second degré. Ces dernières années, économies obligent, on a construit très peu de nouveaux collèges. On préfère voir les ados se lever tôt et s'enfermer dans des cars aux heures de pointes plutôt que de leur offrir un établissement scolaire à proximité. Comme si la circulation des cars était anodine, bon marché et sure. Avec des grands cantons, il sera encore plus difficile de réclamer l'ouverture d'un collège. On peut même penser que certains vont être regroupés. Encore plus de cars sur les routes. On peut également parier que nombre de gendarmeries vont aussi fermer avec diminution des effectifs.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/03/14/23757290.html

 

Dans le passé, nous avons insisté sur la suppression du canton dans la mesure où cette circonscription ne correspond plus à rien. Les communes se sont regroupées en dehors des limites des cantons, par affinités, dans une démarche volontaire. Les intercommunalités, avec leurs défauts en termes de légitimité et d'éloignement démocratique fonctionnent plutôt bien. Celles qui fonctionnaient mal se sont arrangées autrement. Nous venons de voir aussi que nombre de cantons n'offrent pas les services pour lesquels il est censé être en place, notamment les collèges. Il est donc tout à fait obsolète de maintenir une telle circonscription en l'état. Depuis des années, nombre de candidats à ces élections militent, justement, pour leur suppression. Visiblement, ils n'ont pas été entendus ; pas plus que les autres puisque cette réforme sort tout droit des cerveaux tordus des technocrates, complètement déconnectés de la vie réelle. Aujourd'hui, le Conseil Général ou Départemental doit représenter la vie politique du Département et doit donc être la Chambre de l'intercommunalité, proportionnellement à la population de ces regroupements. On pourrait, d'ailleurs, reprendre le terme de « canton » pour désigner toutes les intercommunalités, quelle que soit sa forme (pays, communauté, SIVOM etc.).

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2013/11/11/28405590.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2013/10/12/28198509.html

 

Autre enjeu des Départementales, les affectations des futurs Conseils. On sait peu de choses sur le sujet, d'autant que plane toujours la menace de la suppression des Départements ou sa réduction à une coquille vide et onéreuse. On sait que les Départements vont surtout gérer l'aide sociale et que ce poste budgétaire est en augmentation permanente. On s'interroge encore sur les collèges que beaucoup voudraient voir gérés par la Région comme les lycées et les routes. Le problème des routes, c'est qu'elles viennent de quitter le giron de l’État pour rejoindre le Département et que les DDE ont quitté la préfecture. Vont-elles rejoindre les Régions aussi ? Dans ce cas, la nomenclature va encore changer puisque les Départements n'ont rien eu de plus pressé que de supprimer les prestigieux cartouches des Routes Nationales pour mettre leur jaune dans un bel élan d'égalitarisme à la Française. Encore de l'argent fichu en l'air à un moment où l'on nous dit qu'il faut rogner sur tout. Pour le reste, en effet, les Conseils Départementaux vont voir leurs attributions revues à la baisse, sans doute pour mieux préparer l'opinion publique à leur suppression totale. Autre héritage de la Révolution qui aura été abandonné et renié par le Parti Socialiste.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2006/12/21/3450698.html

 

Pourtant, dans une future décentralisation avec des grandes régions, le Département a toute sa place afin d'entretenir les particularités locales, notamment tout ce qui constitue ce qu'il est convenu d'appeler la culture et le terroir : la langue (éventuellement), les traditions, l'artisanat, les métiers rares, la cuisine, l'agriculture et les maraîchages, les paysages, l'art, le tourisme

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2014/12/17/31158387.html

 

Constitué par l'administration Révolutionnaire, le Département peut voir sa vocation d'échelon administratif de proximité renforcé avec ces nouvelles affectations et constituer un élément indispensable de la démocratie de proximité. Encore une fois, le triptyque démocratique et légitime n'est pas Intercommunalité-Région-Europe comme on le voudrait en haut-lieu et à Bruxelles mais bien le triptyque Commune-Département-État, le seul qui allie la connaissance du terrain, la proximité des élus, la légitimité issue des urnes et la souveraineté. Ce scrutin binominal apparaît pour ce qu'il est : un gadget qui ne rencontre même pas un succès de nouveauté.

 

Il faut être honnête. Le nouveau mode de scrutin n'est pas seul en cause. D'habitude, les cantonales servent surtout à sanctionner la politique du Gouvernement bien que ça n'ait rien à voir. Peu d'électeurs savent pourquoi ils votent et les lois sur le non-cumul des mandats n'apportent pas encore de résultat probant en la matière. Or, depuis quelques années, le parti abstentionniste est largement majoritaire. Les politologues peuvent avancer que, désormais, les deux forces politiques qui dominent en Europe ne sont plus la Démocratie-Chrétienne et la Social-Démocratie mais les abstentionnistes et ceux qui veulent virer ceux qui sont au pouvoir. Triste réalité. Il faudrait, là aussi, s'interroger. Comme d'habitude, on préfère éluder le débat qui remettrait en cause bien des certitudes et des intérêts. Seulement, même si beaucoup de citoyens ne savent pas bien pour quoi ils votent ni les pouvoirs de ceux qu'ils élisent, ils sentent bien qu'ils en ont de moins en moins et que les décisions importantes sont prises ailleurs, plus loin, sans aucun contrôle et sans qu'on puisse imposer la sanction d'un vote de protestation. Quel que soit le résultat des derniers scrutins, les politiques n'ont que peu varié et se sont traduites par des régressions et la perte du pouvoir d'achat. Après avoir vilipendé « le 1000 feuilles administratif », voué aux gémonies les Départements, on ne peut pas, maintenant, reconquérir les électeurs en leur faisant miroiter qu'il y aura autant de femmes que d'hommes dans les prochains Conseils Départementaux. D'ailleurs, des surprises ne sont pas à exclure. On verra.

 

Enfin, un enjeu de basse ou de petite politique vient se greffer sur ces élections, comme pour rabattre des électeurs fatigués et dégoûtés d'une démocratie de moins en moins en phase avec la vie quotidienne : le FN. Il se prétend le premier parti de France, représenterait un tiers des électeurs, ferait un tabac aux prochaines élections, remettrait en cause les fondements démocratiques de la société. On sait que les électeurs dégoûtés vont se diviser entre ceux qui ne vont pas aller voter et ceux qui vont voter FN, histoire de voir et puis ça ne porte pas à conséquence. Donc, la classe politique agite ce chiffon rouge pour rameuter les troupes. Là encore, c'est plus facile que d'ouvrir un débat de fond et se demander comment on en est arrivé là. Seulement, justement, on ne fait pas le coup à chaque fois. Ça a marché une fois, en 2002 et, contrairement à ce qui était annoncé mais qui était tout à fait prévisible, M. Chirac n'a pas tenu compte des électeurs de gauche qui se sont reportés sur sa personne. Évidemment ! Donc, le FN va peut-être remporter des départements ou, en tout cas, va être suffisamment fort dans les Conseils pour gêner tout le monde. Ça promet d'occuper l'actualité pendant des mois et des années. Pendant ce temps, les vrais questions seront éludées. On commentera des inepties, des paroles injurieuses, on manifestera dans les rues. On va amuser le populo avec ça. Qu'on nous permette de ne pas tomber dans ce piège et de nous concentrer sur le fond du problème posé par ce mode de scrutin pour les Départementales.

 

On entend partout : « il faut combattre le FN ! ». Sauf que ça fait des lustres qu'on nous sert ce slogan et qu'il ne fait que renforcer ce parti qui devrait être à l'état résiduel dans une démocratie comme la nôtre avec son Histoire bi-séculaire. Les partis politiques consacrent de l'énergie, des paroles à combattre le FN. Ça n'est, de toute évidence pas le bon moyen. On ne réduira le FN qu'en proposant une meilleure offre. Or, pour le moment, le FN est plus audible, plus compréhensible. C'est là qu'il faut porter l'effort. En montant les Français les uns contre les autres, en défendant des minorités au lieu de proposer une véritable égalité de droits pour tous les citoyens, en assurant une réussite au mérite pour tous, on retrouve une vie politique saine et exempte de cette gangrène. Or, précisément, le PS a décidé, depuis longtemps, de flatter les minorités, de tourner les dos aux valeurs républicaines et universelles, aux acquis de la Révolution et aux conquis des luttes sociales. Résultat, son électorat traditionnel se tourne vers l'opposé qui occupe curieusement le vide laissé par la gauche qui a abandonné ses valeurs qui se confondaient avec les valeurs républicaines. Il ne s'agit pas de répéter la devise de la République, d'y ajouter, selon les circonstances, la « solidarité », la « laïcité », et de faire le contraire pour ne pas froisser les susceptibilités. Car, comme le disait Platon « Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus, au-dessus d'eux, l'autorité de rien et de personne, alors, c'est là, en toute beauté, et en toute jeunesse, le début de la tyrannie. » Il suffit de changer « père » et « maître » par le personnel politique et « enfants » et « jeunes » par les citoyens pour adapter cette réflexion à la crise que traverse notre démocratie.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/10/06/19255952.html

 

Ce 8 mars 2015, on entend les premiers messages incitant à aller voter pour les élections départementales. Comme quoi, nous ne sommes pas les seuls à vouloir faire coïncider avec la Journée internationale pour les droits des femmes. Bien sûr, le message institutionnel n'évoque que « la parité ». Toujours cette démarche de racolage visant à flatter une partie de la population au lieu de s'adresser à l'ensemble dans un bel élan républicain et démocrate. En revanche, rien pour nous expliquer ce que sont les nouveaux cantons ni à quoi vont servir les binômes élus. Encore moins pour nous indiquer pour combien de temps ils seront en place au cas où les Départements seraient supprimés.

Par conséquent, j'appelle tous ceux qui se reconnaissent dans cette argumentation à ne pas se déplacer les dimanches des élections et à faire savoir pourquoi.

J'appelle à renforcer le rôle des Départements et des Communes dans la démocratie de proximité et à faciliter la représentation des femmes à hauteur de leur poids démographique en imposant l'égalité des droits et des salaires.

 

Corrélats :

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/11/11/22646553.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/11/02/22558383.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2011/08/13/21784904.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2014/06/09/30047084.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2014/02/18/29247300.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2014/06/09/30047055.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2014/01/19/28988852.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2014/06/09/30047225.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2014/06/11/30058402.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2009/02/26/12725785.html

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2009/03/02/12788046.html

 

Lors des élections départementales de mars 2015, le nouveau mode de scrutin s’appliquera pour la première fois : deux conseillers départementaux seront élus dans chaque canton au scrutin binominal à deux tours. Les candidats devront se présenter en binôme composé d’une femme et d’un homme. Cette disposition vise à poursuivre l’objectif de parité qui avait commencé à être mis en œuvre depuis la loi du 31 janvier 2007, disposant que les suppléants devaient être de sexe opposé à celui du candidat.

Par ailleurs, pour conforter la parité, la loi prévoit que le binôme des remplaçants des candidats doit lui aussi être composé de deux personnes de sexes différents, afin que chaque candidat et son remplaçant soient du même sexe.

http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/collectivites-territoriales/democratie-locale/quel-est-mode-scrutin-pour-elections-cantonales.html

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