Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
la lanterne de diogène
13 juillet 2015

Une fête de la laïcité ?

On m'a demandé si je voulais signer la pétition pour instaurer une journée de la laïcité. J'ai refusé tout net. Une raison est que cette initiative ressemble fort à celles de l'ex Président Sarkozy qui réclamait une nouvelle législation à chaque fois qu'un problème faisait la une de l'actualité. Une autre raison, c'est qu'une telle journée n'atteindra, évidemment, pas son but. Si elle est fériée, elle subira le sort de toutes les autres : pour les enfants, un jour où il n'y a pas école, pour les adultes, un jour où il va falloir occuper les enfants à la maison, où l'on ne va pas travailler et où l'on a pris l'habitude d'aller faire ses courses. Si elle n'est pas fériée, personne ne s'en apercevra. Tous les jours ou presque, il y a une « journée de » quelque chose et ça porte plutôt à rire. Pour rester dans notre registre, qui savait que le 10 juillet est la « Journée mondiale des femmes sans voile » ?

http://www.femmes-solidaires.org/?10-juillet-journee-mondiale-des

Elle réunirait les défenseurs habituels de la laïcité qui tiendraient les propos habituels. Surtout, il existe une journée, fériée, qui devrait être celle de la laïcité et de toutes les valeurs républicaines : le 14 juillet. Le problème, c'est que les pouvoir publics ont transformé cette fête nationale en une journée des forces armées avec défilés à Paris et dans toutes les villes ; surtout s'il y a encore une garnison. Le problème, c'est que pour le public, c'est une simple journée de repos, un avant-goût des vacances pour les aoûtiens ou, pour les enfants et ceux qui ont gardé leur esprit enfantin, le jour où l'on fait péter des pétards. Le reste passe largement au-dessus des citoyens dans un pays peu porté sur le patriotisme.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/02/19/23559713.html

Pourtant, s'il est bon de conserver les bals du 14 juillet, s'il est bon de garder le caractère essentiellement festif de cette journée, on devrait, chaque année, la placer sous le signe d'une valeur républicaine, organiser des défilés allégoriques, des expositions, des spectacles mettant en valeur le thème de l'année. La laïcité y aurait une place de choix. Les valeurs n'étant pas infinies, elle reviendrait cycliquement et l'on donnerait une image positive de la République. Or, depuis principalement les années 1990, il est devenu de bon ton de ringardiser l'Histoire de France, de se moquer des grands événements, d'enseigner l'Histoire de telle façon que les repères soient noyés par les commentaires, d'insister sur les conséquences néfastes des conquêtes menées par la France et notamment la politique coloniale. Il est au contraire, bien vu de magnifier tous les revers infligés à la France. Il suffit de voir le foin autour du bicentenaire de la défaite de Waterloo. Surtout, on insiste sur les apports des étrangers, de Léonard de Vinci aux travailleurs immigrés, en passant par Picasso, Chopin et Marie Curie. Depuis ces mêmes années, on recherche soit les origines étrangères des grands noms, soit leurs influences étrangères. Encore une exception française puisque dans les autres pays, les étrangers sont considérés comme des nationaux dès lors qu'ils ont apporté un concours bénéfique à leur pays d'adoption. Dans ces conditions, il paraît difficile de faire aimer leur pays aux Français, jeunes et moins jeunes. Quand, en plus, l'administration cherche des noises à ceux qui ont un nom d'origine étrangère et leur demande de prouver une nationalité pour laquelle ils ont payé le prix, on en arrive à ce malaise, ce pessimisme qu'on explique mal quand on le compare à l'optimisme de peuples en guerre ou simplement moins bien lotis.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/02/25/17036720.html

La question de la laïcité a resurgi au cours de ces mêmes années 1990 ; curieuse coïncidence. Prenons un événement sans aucune importance : le changement de logo du RPR, le fameux parti créé par M. Chirac pour l'amener à la Présidence de la République. À sa création, fin 1976, il représentait un bonnet phrygien frappé d'une croix de Lorraine. Moins de vingt ans plus tard, les cadres de ce parti conservateur et peu porté sur les valeurs de la Révolution française ironisaient sur ce bonnet rouge cocardier. À l'heure de la mondialisation, de l'intégration dans une Union Européenne au service des intérêts défendus par ce camp politique, son héritier, l'UMP n'a repris ni le bonnet des sans-culottes, ni la croix qui a symbolisé la Résistance. Difficile d'aimer un pays que les principaux dirigeants souhaitent voir disparaître ou, du moins, vidé de sa puissance publique, de son rôle décisionnaire, de sa souveraineté. D'un autre côté, la gauche a tourné le dos, depuis la même période (fin du mitterrandisme), à son héritage révolutionnaire.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/10/06/19255952.html

Elle a préféré, au nom du droit à la différence, flatter les minorités, encourager les divisions et créer une demande de différence de droits. Difficile de fonder une conscience nationale, dans le respect des opinions, quand le socle républicain est vilipendé et prête le flanc à toutes les dérisions. Il est tout de même inimaginable que, en France, on trouve sur tous les marchés des coques de téléphones mobiles aux couleurs de différents drapeaux du monde mais aucun aux couleurs du drapeau français. Toujours sur les marchés, on peut trouver des étals de drapeaux étrangers, de drapeaux de pays disparus (comme les États du sud des États-Unis), de drapeaux régionaux mais aucun drapeau français. L'an dernier, la mode consistait à arborer l'Union-Jack sur des vêtements, de la maroquinerie, des articles scolaires. Jamais rien pour les couleurs de la République. Pourtant, les Français qui se déplacent à l'étranger, ne trouvent rien à redire quand ils se promènent dans des rues où flottent des drapeaux aux fenêtres des particuliers ou qu'ils croisent des véhicules arborant les couleurs nationales. Aux États-Unis, on tombe dans l'excès inverse : salut au drapeau tous les matins dans les écoles, rues, maisons, véhicules, vêtements aux couleurs de la fédération sont partout. Chacun en est fier alors que c'est un pays d'immigration, qu'il reste des communautés. Quand on veut garder des liens avec ses origines, on met volontiers le drapeau de ses ancêtres avec le drapeau étatsunien, à égalité. Si l'on veut, au contraire, mettre en avant sa parfaite intégration, on peut, non seulement angliciser son prénom mais encore changer son nom. Dino est devenu Dean Martin, Volodymyr Palahniuk, Jack Palance...

Une constitution simple, réduite à quelques amendements d'où découlent toutes les lois fédérales et nationales. Cette simplicité favorise la conscience nationale tout en respectant les particularités. Ici, ces questions qui ne se posaient pas, viennent désormais à se poser, à empoisonner tous les débats politiques au point que les problèmes quotidiens sont ignorés par la classe politique, ce qui décourage les citoyens d'aller voter. « Ah quoi bon, puisqu'on n'est jamais entendu ! ». Alors, justement, un 14 juillet qui mettrait en avant les valeurs de base de la République et comment, on s'est battu pour elles (notamment la Résistance avec le lien qu'on peut établir avec les camps de la mort) serait l'équivalent des amendements à la Constitution des États-Unis. Également, parlant des E.-U., on peut s'inspirer de certains aspects de leur approche de l'immigration. Par exemple, quand un jeune albanais est récompensé comme « Meilleur apprenti de France », on devrait lui accorder, sans délai, la nationalité française. Idem pour tous les lycéens et étudiants méritants.

http://www.lexpress.fr/actualite/societe/un-albanais-sans-papiers-devenu-meilleur-apprenti-de-france-va-etre-regularise_1657645.html

Il est vrai que le Gouvernement de gauche a diminué les bourses d'études au mérite et propose une réforme du second degré qui, précisément, combat l'élitisme. C'est à croire qu'on ne veut voir les étrangers que comme des victimes, tout en leur inventant des qualités qu'ils n'ont pas forcément. La laïcité, c'est – ça devrait être – l'élitisme à la portée de tous grâce à l'excellence de l'enseignement, la perfection de la protection sociale, la solidarité nationale et, surtout, l'égalité des droits sans laquelle la notion de laïcité n'est qu'un vain mot. De même, il y a un devoir fondamental à accueillir les personnes, les familles qui fuient les persécutions dans leurs pays. Ce sont autant de personnes qui partagent nos valeurs et dont nous combattons parfois les pouvoirs publics qui imposent des lois diamétralement opposées à nos valeurs. La France se doit de les recevoir, de leur faire de la place, ne serait-ce que parce qu'ils ont foi dans notre hospitalité et dans notre devoir de les protéger. À circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles : ça doit être l'occasion de lancer un vaste programme de réquisition de logements, de bureaux vides, de réhabilitation de friches industrielles, de construction de logements accessibles à tous sans autre préoccupation que d'offrir un toit à tous ceux qui sont sans abri depuis des mois et des années et tous ceux qui cherchent le refuge dans un pays ami.

On ne peut pas faire aimer le modèle républicain si l'on bafoue ses valeurs, si l'on accède à la différence de droits, si l'on ne récompense pas les plus méritants, si l'on dénigre son Histoire. On ne peut pas aimer une République qui ne s'aime pas. On ne peut pas aimer une République qui tourne le dos à ses valeurs et notamment la fraternité. La laïcité qui ne figure pas dans sa devise occupe une place majeure dans les valeurs de la République parce qu'elle consacre le vivre-ensemble. C'est pourquoi, si cette année encore, la Fête Nationale n'intègre pas une dimension de fête de la laïcité, on pourrait espérer que le Président de la République rappelle les valeurs de notre pays et que ça ne soit pas qu'un discours sans lendemain. Aujourd'hui, la véritable fête de la laïcité, la véritable fête qui réunit tous les habitants de la France, dans un bel élan de fraternité, c'est la Fête de la Musique. Il suffit de s'en inspirer et d'offrir à tous une belle fête à la mi-juillet avec juste un rappel des valeurs de la République pour rappeler que la proclamation de la République a donné lieu à une grande liesse qui a inspiré tant de pays du monde.

Publicité
Publicité
Commentaires
la lanterne de diogène
Publicité
la lanterne de diogène
Derniers commentaires
Archives
Visiteurs
Depuis la création 219 663
Newsletter
Publicité